Cinq photogrammes issus des courts métrages du programme « Même pas peur ! » lié au dispositif « École et Cinéma »
« On les (ses peurs) approche, en revanche, avec infiniment plus de douceur, quand on peut les rencontrer dans un récit qui, tout en nous racontant des histoires lointaines, nous parle aussi de nous… …/… Les récits sont de véritables cadeaux, les plus beaux cadeaux qu’on puisse offrir aux enfants : ils leur parlent d’eux sans les violer dans leur intimité. Il les relient, à travers les âges et au-delà des histoires singulières de chacune et de chacun, à la communauté des humains dans ce qu’elle a de plus universel. » Même pas peur de la peur !, Philippe Mérieu dans Même pas peur !, ouvrage collectif, Gallimard Jeunesse, 2012
» …/… J’avais trente ans lorsque j’ai réalisé Le pain et la rue, il y avait des enfants autour de moi qui m’ont permis de replonger dans cet univers. Et ma propre enfance n’étant pas si éloignée, j’ai eu recours à une émotion très forte issue de ma propre expérience. Comme beaucoup d’entre nous, j’avais peur des chiens, et dans ma famille j’avais la responsabilité d’aller chercher le pain. La distance était longue, c’était l’après-guerre et il fallait passer par ce dédale de ruelles, le pain à la main. Je me suis rappelé mon propre désarroi et il me semble qu’encore aujourd’hui je n’ai guère de mal à me replonger dans les émotions positives ou négatives qui étaient les miennes à cet âge-là. L’enfant qui est en nous n’est jamais loin. » Cahier de l’invité, SAPHIRE, Abbas Kiarostami, 2013
« Si cela n’avait tenu qu’à moi, je n’aurais pas choisi ce sujet. C’était terrifiant de reprendre une œuvre aussi connue et aussi appréciée. J’aurais préféré écrire quelque chose d’entièrement nouveau. Mais dans le même temps, je voulais vraiment le faire. Enfant, j’adorais cette œuvre. Au moment où j’ai été approchée, je ne savais pas qu’elle avait été adaptée par Disney et par d’autres cinéastes, et j’ai été encore plus terrifiée quand je me suis rendu compte que cela avait été fait autant de fois ! Je me suis demandée ce que je pouvais apporter de plus ou de différent. Je ne voulais surtout pas répéter les choses. Alors j’ai regardé toutes les versions que j’ai pu trouver pour m’assurer de ne surtout pas les copier. Par chance, cela m’a permis de me rendre compte que ce que j’imaginais était totalement différent. » Interview de Suzie Templeton
« Oui je peux être agacé parfois par l’image édulcorée qu’on réserve au jeune public dans un certain nombre d’œuvres dites « pour enfants ». L’univers enfantin n’est pas tout rose, il est fait de grands bonheurs, mais aussi de grandes peines, de grosses colères, de grands drames. Enfant on vit les choses pleinement. Quand on joue on est totalement pris par le jeu, sans penser qu’on est en train de jouer. Les adultes ont tendance à oublier ce qu’était l’enfance, ce n’est pas Disneyland. » Interview de Pierre-Luc Granjon
Projection-conférence : Pierre et le loup, Suzie Templeton, 2009 Cinéma Jean Vigo de Gennevilliers Samedi 3 octobre 2020 Cinéma Le Rex de Châtenay-Malabry Samedi 10 octobre 2020 Co-animation avec Marc Laugenie (Conseiller pédagogique en musique)
En 1957, pour l’un de ses programmes télévisés, Walt Disney a raconté la visite de Prokofiev à Hollywood en 1938. Le pianiste Ingolf Dahl joue le rôle de Prokofiev.
Présentation du « Loup blanc » par Pierre-Luc Granjon.
« La séance de cinéma » de Sempé, Histoires inédites du Petit Nicolas, 1959 – extrait
Nous attachons une importance extrême à cette découverte par les enfants des films dans une ‘vraie salle de cinéma’. Ce qui se construit, dans l’obscurité peuplée de silhouettes des spectateurs et des sons de leurs réactions est unique. II s’agit d’un spectacle et d’émotions vécues dont le souvenir nous accompagne plus ou moins longtemps selon la force des films. Et l’on sait aujourd’hui l’importance de ces émotions dans la construction même de notre intelligence. Jean-Pierre Daniel, citation extraite du texte « Histoire et enjeux de l’éducation à l’image »
Conférence :Petites Z’escapadesLoulou et autres loups Cinéma Le Cinématographe de NantesMercredi 29 novembre 2017
Pour mes courts métrages, je ne commence jamais par l’écriture du scénario. J’ai une image dans la tête et j’essaye de la dessiner, et c’est ensuite seulement que je construis un récit autour de cette image. Pierre-Luc Granjon dans « Dessins Animés, Films d’animation, carnets de croquis » de Laura Heit, Editions de La Martinière, 2013
Oeuvres en lien avec Au bout du monde de Konstantin Bronzit…
Au bout du monde de Konstantin Bronzit, 1999
La ruée vers l’or de Charles Chaplin, 1925-1942
« Bascule », « Un tout petit coup de main », « Who is playing with the grey elephant ? » deux albums et un flip-book
J’ai toujours pensé que la seule dimension intéressante du dessin animé n’était pas le dessin mais la musique et les sons. Un dessin est animé quand il est dynamique, il se suffit à lui-même, tandis que le son n’est pas remplaçable. Les dessins de Reiser, par exemple, animer Reiser n’a pas de sens, parce que c’est de la dynamique pure. La vraie dimension, c’est le son, c’est-à-dire les acteurs, et la vie. Grégoire Solotareff, « Solotareff imagier », éditions MeMo, 2008
Jacques Kermabon, Pierre-Luc Granjon et Timothée Jolly
Jacques Kermabon, rédacteur en chef du magazine Bref, rappelle que la musique fait partie intégrante du cinéma dès les premières projections du théâtre optique d’Emile Reynaud. Celui-ci avait en effet, demandé au compositeur Gaston Paulin, des partitions originales, pour accompagner au piano ses pantomimes lumineuses présentées au cabinet fantastique du musée Grévin. Après cette courte introduction historique, c’est la rencontre artistique entre le réalisateur Pierre-Luc Granjon et le compositeur Timothée Jolly qui est à l’honneur lors de cette master class dominicale présentée au Carreau du Temple : Comment la musique s’accorde au cinéma… C’est dans la ville de Lyon que tout commence, Pierre-Luc Granjon est étudiant à l’école d’Arts Appliqués, il assiste aux ciné-spectacles donnés par La Cordonnerie, il apprécie particulièrement la musique créée par Timothée Jolly. Lorsqu’il écrit l’histoire de son premier court métrage, Petite escapade, il ne connaît rien à la post-production mais a envie de confier la musique de son film à Timothée et à son complice Denis Mignard. Ses directives sont très simples, il indique les morceaux qu’il aime le plus dans leur musique et précise les moments qui doivent être accompagnés…
Petite escapade de Pierre-Luc Granjon, 2001
La musique proposée est un hommage aux films muets. Les personnages qui défilent sur le trottoir, sous les yeux attentifs du jeune garçon, sont accompagnés chacun d’un instrument différent. Les instruments utilisés (scie musicale, batterie-bassine, ukulélé…) s’accordent parfaitement avec l’esprit fait main des décors et des personnages réalisés avec du grillage et du papier mâché. Quelques années plus tard, ils collaborent à nouveau pour le court métrage Le Loup blanc. Avant même de voir les premières images du film, Timothée envoie à Pierre-Luc un CD avec des musiques qu’il vient de composer. Pierre-Luc « flache » sur un morceau. Les accords se font par hasard, cette musique accompagnera la scène de l’enterrement.
Le loup blanc de Pierre-Luc Granjon, 2006
Les premières minutes du court métrage sont visionnées avec uniquement la voix test. La projection intégrale de la version finale nous permet de prendre conscience de l’apport du bruitage et de la musique. Son utilisation est plus parcimonieuse que sur Petite escapade, l’usage de la musique ou son arrêt mettent en valeur une scène. L’absence de musique peut en effet provoquer l’imaginaire de chaque spectateur. Par exemple, la scène où le petit garçon galope sur le dos du loup n’a pas besoin d’un accompagnement musical, l’image se suffit à elle même. A l’inverse, la musique permet de créer des sensations profondes, Pierre-Luc voulait par exemple donner le sentiment que la forêt est un personnage en soi. Pour ce faire, les musiciens ont travaillé la matière sonore afin de créer des nappes de sons très graves en grattant les cordes du piano et du violoncelle. Le spectateur est plongé alors dans une expérience sensorielle totale.
Le temps est passé très vite en compagnie de ces deux complices qui manifestent un réel plaisir du travail partagé. Je ne sais pas si la musique s’accorde au cinéma, mais ce réalisateur là et ce compositeur là sont sur la même longueur d’onde artistique pour notre plus grand plaisir.
Le 23 février s’ouvre la 13 ème édition du festival « Image par image » dans le Val d’Oise, rendez-vous devenu incontournable pour tous les passionnés du cinéma d’animation. Depuis les origines, Yves Bouveret est au coeur de son organisation. Sa curiosité, son enthousiasme, son sens du partage et de la convivialité ont permis de fédérer autour de lui de nombreux partenaires. Des institutions au monde culturel, chacun se sent engagé pour que cet évènement rencontre un public toujours plus varié et nombreux ! Yves a accepté le temps d’un entretien d’être sous le feu des projecteurs.
Peux-tu te présenter en quelques mots…
Je suis Yves Bouveret, je m’occupe d’une structure associative Ecrans VO depuis 10 ans. Cette association met en réseau 20 cinémas du Val d’Oise pour un travail d’action culturelle.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Le plus formateur dans mon enfance, ça n’a pas été l’école mais c’est lorsque j’ai été scout de France. Cette activité m’a donné beaucoup de liberté par rapport à ma famille et à l’école. Ce n’était ni l’idéologie religieuse qui était importante, ni bien sûr l’uniforme, car on était en jean, mais une forme d’«utopie réaliste» incarnée par des projets où le «vivre ensemble» était fondamental. A 15 ans j’ai fait un voyage de plusieurs semaines en Israël-Palestine, nous étions une dizaine d’adolescents encadrés par des jeunes de 20 ans. Nous nous déplacions en stop. C’était en 1982, pendant la guerre du Liban. L’été suivant nous partions en Corse faire une tournée avec la pièce de Bernard Shaw, « Androcles et le lion ». Ces expériences ont été fondatrices pour moi de l’importance d’être acteur et non spectateur dans certaines situations !
Une image qui t’accompagne …
La première image qui me vient est un rêve heureux récurent de mon enfance. Après une poursuite en forêt, je tombe lentement dans une salle de bal digne de celle du Guépard de Visconti. Je me réveille juste au moment de l’atteindre. Ce rêve me fait aussi penser aux films du réalisateur suisse Georges Schwizgebel.
Claudia Cardinale et Burt Lancaster dans le Guépard de Visconti, 1963
J’ai été aussi marqué par un livre de photographies du vingtième siècle. Si mes souvenirs sont bons, on voyait sur la couverture Eisntein tirer la langue.
Einstein photographié par Arthur Sasse, 1951
Après le bac, tu as suivi des études de gestion. Avais-tu le projet, dès ce moment-là, de travailler dans le milieu culturel et plus particulièrement dans le cinéma ?
Non, pas du tout. Je ne savais pas ce que j’allais faire. Mon orientation est plus liée à un réflexe sociologique qu’à un véritable choix. Mon grand-père s’occupait d’une grosse mutuelle, mon père avait fait HEC… J’ai fait un IUT de commerce international, puis j’ai travaillé dans une boulangerie pendant 6 mois à Londres. A mon retour, l’armée m’attendait et lorsque j’ai été libéré de mes obligations militaires j’ai fait une école de gestion en 3 ans. Pendant la deuxième année, j’ai été responsable d’une association d’étudiants «le Raid Africain des Grandes Ecoles». C’était un projet d’envergure, nous apportions en Afrique de l’Ouest des 504 pick-up. Au delà de l’apport matériel, le projet, sous l’égide de l’UNICEF, était théoriquement humanitaire mais en réalité nous avons pu développer un réel échange culturel avec les gens que nous rencontrions. En troisième année, j’ai fait un stage de 10 mois chez Nestlé-Findus, j’ai commencé à savoir ce que je n’avais pas envie de faire. Au delà de gagner ma vie, j’avais besoin que mon travail ait un sens. A ma sortie de l’école j’ai fait un boulot alimentaire à mi-temps à la Maison Européenne de la photo.
Puis, tu es devenu pendant 9 ans (1993-2002) directeur-programmateur au cinéma Les Toiles de Saint Gratien dans le Val d’Oise. Comment cela s’est-il passé ?
Le cinéma «Les Toiles» existait à Saint Gratien depuis 1974, il avait été implanté au fond d’un forum. En 1992, il avait fait faillite et était fermé depuis 6 mois. Je connaissais le chef de cabinet du maire, François Busnel. Nous avions travaillé ensemble sur le Raid Africain des Grandes Ecoles, il en assurait la couverture médiatique pour RFI. On est resté en contact et il m’a proposé de déposer un dossier pour prendre la direction du cinéma avec un projet de reprise des 3 salles. Notre projet reposait sur une programmation de films «Art et Essai», nous avions comme modèle le fonctionnement proposé par les salles Utopia basé sur la multi programmation. Nous programmions 10 films par semaine sur les 3 salles du cinéma. Les spectateurs prenaient rendez-vous avec une oeuvre ! Nous voulions qu’un lien culturel se crée entre les spectateurs et la salle de cinéma. Nous avons aussi supprimé la publicité, la confiserie et nous avons mis systématiquement des courts-métrages en première partie. Pendant 5 ans, nous avons fonctionné avec une équipe de 3 personnes, nous étions des militants ! Pendant la journée, nous assurions le travail administratif, la programmation, la rédaction d’une brochure avec un éditorial, l’accueil des scolaires… et le soir, une semaine sur trois, nous tenions la caisse. Nous avons été soutenu par le maire, François Scellier.
Les Toiles au forum de Saint Gratien
Le succès a été au rendez-vous, nous sommes passés de 30 000 spectateurs à 72 000 spectateurs en 10 ans, le bouche à oreille a bien fonctionné, nous avons répondu à une attente. Le cinéma a eu un retentissement sur les villes voisines, le lieu était fortement identifié, nous sommes rentrés dans un cercle vertueux. Dès le début, nous avons été sensibles au jeune public et avons développé une action vis à vis des scolaires. Nous avons participé très tôt aux dispositifs nationaux, « école et cinéma » et «collège au cinéma». Nous étions très souples, très à l’écoute des demandes des enseignants dans le choix de notre programmation. ll était important que l’accès au cinéma soit simple et à l’écoute du terrain.
Un événement marquant de cette période …
Tous les réalisateurs qui sont venus rencontrer notre public. Bertrand Tavernier a été le premier avec « Capitaine Conan ». Il est revenu plusieurs fois, les débats pouvaient durer jusqu’à deux heures du matin. Je me souviens aussi de la venue de Patrice Leconte pour « Ridicule ». Pendant la projection du film, nous sommes allés manger au Mac Do en 2 CV. Leconte était en train de réaliser des pubs pour Mac Donald… Une des plus belles rencontres que j’ai faite aux Toiles a été la venue d’Emmanuel Finckiel pour son film « Voyages ».
« Voyages » d’Emmanuel Finckiel, 1999
Combien de films vois-tu par an ? Ton regard de spectateur a-t-il évolué ?
Lorsque j’étais directeur des Toiles je voyais entre 200 et 250 films par an. Nous faisions un choix collégial de programmation, nous allions au festival de Cannes , à Annecy, à la Rochelle… Quand tu regardes un film dans l’objectif de programmer, ton regard est forcément critique… Maintenant, j’ai retrouvé la position hédoniste du spectateur, je choisis les films que j’ai envie de voir, je ne suis plus dans la position du programmateur. Mon rapport aux films est essentiellement lié à l’envie, au plaisir.
Quelle est l’année de naissance de l’association Ecrans VO ? J’ai trouvé deux dates, 1995 et 2002 … Peux-tu nous dire ce qui a été à l’origine de cette création ?
1995, c’est le centenaire du cinéma. Le Conseil Général du Val d’Oise a demandé aux salles d’organiser des petits évènements pour fêter cet anniversaire. Nous avons donc créer l’association Ecrans VO dans le but de fédérer l’action des salles de cinéma du Val d’Oise. Ensuite l’association est tombée en sommeil jusqu’en 2002. Entre-temps, les premiers multiplexes sont apparus, le Mégarama de Villeneuve la Garenne est créé en 1996. C’est un total bouleversement du paysage cinématographique. Le maire de Saint Gratien est devenu président du Conseil Général. Il décide d’appliquer une politique d’aide aux salles. En 2000 un poste de chargé de mission «images et cinéma» est créé puis en 2002 je deviens directeur de l’association Ecrans VO qui renaît de ses cendres. Le dénominateur commun aux salles est l’accueil du «jeune public», l’une des premières missions de l’association a donc été d’organiser avec l’Education Nationale et la DRAC des actions telles que «école et cinéma» et «collège au cinéma». Les projets développés avec les salles sont à géométrie variable. Chaque cinéma a une histoire, une situation et des locaux spécifiques. L’association est un lieu de débat où des problématiques communes sont discutées ( régulation des multiplexes, passage au numérique, nouveaux rythmes scolaires…). L’association permet de faire vivre un réseau qui est bénéfique à tous.
Une autre mission essentielle d’ Ecrans VO est l’organisation du festival «Image par image» qui en est cette année à sa treizième édition.
Dès 1996 nous avons organisé un mini festival d’animation à Saint Gratien à la demande de directeurs d’école qui souhaitaient que leurs élèves puissent se construire une réelle culture cinématographique. Nous avons été rejoints très vite par le cinéma d’ Argenteuil pour l’organisation de ce festival à destination essentiellement des scolaires. Avec la nomination d’un chargé de mission «images et cinéma» au Conseil Général, une dynamique territorial s’installe. Le cinéma « Les toiles » bénéficie d’une subvention pour élargir le festival à tout le Val d’Oise. Lors de la première édition, en 2001, 10 salles de cinéma sont concernées. Le festival devient donc départemental et « tout public ». Nos premiers invités sont les réalisateurs belges, Vincent Patar et Stéphane Aubier pour leur série de courts métrages « Pic Pic André Shows ».
» Pic Pic André » Vincent Patar et Stéphane Aubier
Le chargé de mission, Olivier Millot, organise en parallèle du festival, une grosse exposition à l’abbaye de Montbuisson sur le cinéma d’animation. Lorsque je deviens directeur d’Ecrans VO en 2002, l’organisation du festival revient à l’association.
L’une de ses particularités est d’être un festival sans prix, je ne vais donc pas te demander d’établir un palmarès. Toutefois y a t-il eu des rencontres particulièrement mémorables au cours de ces treize années ?
Oui, bien sûr, les noms de Jean-François Laguionie et d’Isao Takahata me viennent tout de suite à l’esprit. Mais ce dont je me souviens surtout c’est le sentiment de grande liberté que je ressens lors du festival. J’accompagne les réalisateurs sur les routes du Val d’Oise à la rencontre du public. On est dans le concret, j’ai besoin de ça. Je me souviens particulièrement d’une rencontre entre des scolaires et les réalisateurs suédois, Uzi et Lotta Geffenblad. Un programme de courts métrages était proposé aux enfants de maternelle. Le matin nous étions à Villiers le Bel, lors de l’échange avec la salle, on demande aux enfants quels sont ceux qui sont déjà allés au cinéma. Sur une centaine d’enfants, un seul doigt se lève ! On demande à l’enfant quel film il avait vu. Il nous répond «La même chose qu’aujourd’hui, c’était hier avec le centre de loisirs».
» Les pierres d’Aston » d’Uzi et Lotta Geffenblad, 2007
Au fil des années, un lien de fidélité s’établit, je pense notamment à Pierre Luc Granjon, j’ai toujours un immense plaisir à le retrouver. Je me souviens aussi de l’émotion ressentie par Koji Yamamura lors d’une projection scolaire, c’était la première fois qu’il voyait son film avec un public enfantin.
Par tes engagements multiples, professionnels ou bénévoles, tu es devenu une figure reconnue du monde de l’animation. Comment est née cette passion de l’image animée ?
Il y avait plusieurs ciné clubs en 16 mm à Noisy-le Roi et Bailly où j’ai découvert dans des salles combles beaucoup de films comme les « 7 samourais » de Kurosawa ou « Les dents de la mer » de Steven Spielberg. Peu de films d’animation passaient au cinéma et c’est surtout par le biais de la télévision que je les ai découverts : le clip « Love is all » des studios Halas et Batchelor, les aventures de l’ours Colargol, «La traversée de l’Atlantique à la rame» de Laguionie…
Mon premier film en salle a été comme beaucoup d’enfants un Disney, Robin des bois. Mais c’est quand j’étais directeur des Toiles, que j’ai commencé à me construire une culture liée au cinéma d’animation. Dès 1994, je suis allé au festival d’Annecy, c’était très ressourçant, réjouissant de découvrir de nombreuses oeuvres essentiellement en format court. Il y avait aussi le festival de l’AFCA à Auch puis à Bruz… Ce que j’aime dans le cinéma d’animation c’est son aspect poétique, onirique. Je fais le parallèle avec le cinéma muet, notamment les burlesques, les mots laissent de la place aux mouvements, à la musique…Le champ des possibles est ouvert, j’aime ce qui est décalé, absurde, surréaliste. Je suis fan des intermèdes animés des Monty Python mais aussi tout le cinéma d’animation britannique, du studio Aardman à Mark Baker, Joanna Quinn …
» Girls’ Night Out » de Joanna Quinn, 1987
J’ai le sentiment que les films d’animation formatent moins les spectateurs en devenir que sont les enfants. Et puis dans le cinéma en prise de vue réelle, le star-system trouble le discours. Pour moi, le cinéma, ce n’est pas uniquement les acteurs. Je suis sensible à la mise en scène, aux auteurs, aux réalisateurs.
Le festival « image par image » c’est trois semaines de programmation, d’évènements organisés dans 20 lieux différents. J’imagine que la préparation se fait très en amont. As-tu des lignes directrices pour t’aider dans son organisation ?
Le maître mot est l’anticipation. La programmation se fait par strate. La rencontre avec un auteur peut aboutir quelques années plus tard à la mise en valeur de son oeuvre lors du festival. C’est aussi un travail «main dans la main» avec les distributeurs et les producteurs, une relation de confiance s’est établie au fil des années. Notre année de travail est très rythmée, c’est un travail saisonnier. A la rentrée, en septembre-octobre, nous lançons les dispositifs nationaux d’éducation au cinéma puis à partir de novembre, nous mettons toutes nos forces dans la préparation du festival. Après le festival, nous préparons l’assemblée générale, nous réalisons les dossiers de subventions… Le travail administratif prend beaucoup de temps, on essaie de le «modéliser» pour que l’action culturelle soit la plus riche possible. Tout au long de l’année, il est important de se nourrir, de rencontrer des gens, de prendre des contacts. J’aime que mon action soit confrontée au principe de réalité, on n’est pas dans une économie de luxe.
Je ne vais pas te demander de commenter toute la programmation du prochain festival. Très arbitrairement j’ai sélectionné deux évènements sur lesquels j’aimerais que tu nous en dises un peu plus.
Le premier c’est la carte blanche au distributeur «Lardux films».
Après 10 années de fonctionnement, on était à un tournant et on a voulu donner toute son importance au travail des maisons de production. Mon engagement auprès de l’AFCA m’a fait connaître aussi d’autres problématiques de l’animation. Il existe en France une petite vingtaine de producteurs d’animation. Ils ont souvent un lien fort avec leurs auteurs. Après «Je suis bien content», «Les films de l’Arlequin» et «Autour de minuit», c’est au tour de «Lardux films» d’être à l’honneur avec une carte blanche lors de la soirée d’ouverture mais aussi avec la présence de deux auteurs, Anne Laure Daffis et Léo Marchand qui vont partager leurs secrets de fabrication sur leur nouveau film à venir « La Vie sans truc ».
« La vie sans truc » d’Anne Laure Daffis et Léo Marchand
Le deuxième est le choix de Co Hoedeman comme invité d’honneur.
Nous ne sommes pas dans une course à la nouveauté même si nous proposons quelques avant-premières et des travaux en cours. Il est aussi intéressant de ralentir le temps pour appréhender l’oeuvre d’un auteur. Il est important de refaire découvrir ce genre de réalisateur. Nous avons préparé un programme contemplatif avec Co Hoedeman et sa présence prend tout son sens par rapport à notre engagement pour les tout petits.
Co Hoedeman et Ludovic
Des projets ?
Je suis content de faire ce que je fais, je n’ai pas d’usure. Je travaille avec une équipe solide, j’aime le contact avec les élus, les spectateurs, les enseignants … Il est important aussi d’être capable de transmettre, que les choses que l’on construit puissent rester même si vous n’êtes plus là … Parallèlement à mon activité, j’envisage de faire un master de didactique de l’image à Paris 3 en 2013-2014. Il est important pour moi d’étayer par un cursus universitaire toute la connaissance pratique acquise pendant toutes ces années. Je m’intéresse particulièrement aux propositions en matière de cinéma faites aux tout petits. A terme, monter une boîte de production me tente …
« [ …] cet écran gigantesque qui domine une salle amoureusement rassemblée devant lui, remplie de tout petits hommes qui regardent, charmés, d’immenses faces, d’immenses lèvres, d’immenses yeux vivant et respirant dans une autre, une inatteignable dimension, fantastique et à la fois réelle […] » . « Fellini par Fellini », entretiens avec Giovanni Grazzini
Convaincu que la découverte d’un film dans le contexte d’une salle de cinéma reste une expérience fondatrice, le groupe « école et cinéma » du Val d’Oise ouvre cette année le dispositif aux classes de maternelle. Les enseignants volontaires sont invités à voir les films programmés sur grand écran et à réfléchir sur les enjeux d’une telle aventure lors des pré-projections organisées le mercredi 12 décembre dans trois salles partenaires.