« La poésie est cette démarche qui, par le mot, l’image, le mythe, l’amour et l’humour, m’installe au coeur vivant de moi-même et du monde. Le poète est cet être très vieux et très jeune, très complexe et très simple, qui, aux confins vécus du rêve et du réel, du jour et de la nuit, entre absence et présence, cherche et reçoit dans le déclenchement soudain des cataclysmes intérieurs le mot de passe de la connivence et de la puissance. » Aimé Césaire, congrès de philosophie, Port-Au-Prince,1944
Neige et les arbres magiques, 4 courts métrages Mercredi 20 novembre 2024 au cinéma Le Rex de Châtenay-Malabry Mercredi 27 novembre 2024 au collège Maréchal Leclerc de Puteaux
« Le but était de partir du personnage de la vraie Calamity qui a inventé sa propre vie et fait l’objet de tout un tas de mensonges – tant de la part de sa soeur que de journalistes qui ont fait d’elle de son vivant un personnage de roman – et de s’inscrire dans cette tradition. » Je ne voulais pas faire un western, entretien avec Rémi Chayé, Blink Blank, n° 2, 2020
« Je suis ce que je suis, je serais ce que je veux. » Buffalo Belle, Olivier Douzou, Rouergue, 2016
Projection-conférence : Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary, Rémi Chayé, 2020 L’espace des arts aux Pavillons-sous-bois Mercredi 13 novembre 2024 L’écran de Saint-Denis Mercredi 4 décembre 2024 Le Bijou de Noisy-le-Grand Mercredi 11 décembre 2024 Le Jacques Tati de Tremblay-en-France Mercredi 8 janvier 2025
Cinéma Le Rex de Châtenay-Malabry Samedi 7 décembre 2024 Cinéma Jean Vigo de Gennevilliers Samedi 14 décembre 2024 Co-animation avec Marc Laugenie (conseiller pédagogique en musique)
Le court-métrage Coeur Fondant de Benoît Chieux a inspiré l’idée d’une série télévisée réalisée par Christophe Gautry. Le stop-motion du court métrage initial laisse la place à l’animation 2D.
Choisir un film, c’était un mélange. Je choisissais un film en fonction d’une vague chimie entre le titre, l’affiche, les photos, le nom des gens et le contenu qu’on devine… Un film qui évoquait du romanesque, des sentiments, une espèce de violence intérieure… Voilà je devine que cela va me convenir.François Truffaut, l’homme-cinéma, épisode 6, France Culture, 2018
Projection-conférence : Les quatre cents coups, François Truffaut,1959 3 Cinés Robespierre à Vitry-sur-Seine Mercredi 9 octobre 2024
En écoutant Valentin me parler de son travail j’ai vite réalisé que j’avais en face de moi un distributeur atypique. Grâce à cet entretien, j’ai pu me faire une idée plus précise de son rôle dans le parcours d’un film, de la conception jusqu’à la salle de cinéma. Classiquement le distributeur joue un rôle d’intermédiaire entre le temps de la production et celui de l’exploitation. Son coeur de métier est la gestion de la promotion et de la commercialisation des films. La société « Cinéma Public Films » assume un rôle d’une plus grande ampleur lié sans doute à leur spécificité d’être un distributeur indépendant de programmes pour la jeunesse. À vous maintenant de le découvrir !
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis gérant de la société Cinéma Public Films, j’ai cette fonctiondepuis 2009 mais j’y suis employé depuis 2001. Je cumule vingt-trois années d’ancienneté (sachant que j’y ai passé quelques été entre 1997 et 2000 pour gagner un peu d’argent de poche) en y ayant fait toutes les tâches. Ma fonction actuelle consiste essentiellement dans la recherche et l’acquisition de nouveaux films, du financement de l’activité et de tout ce qui touche à la gestion courante. Je ne m’ennuie jamais, j’ai un travail gratifiant. Il est important pour moi de trouver du sens à ce que je fais et d’y prendre du plaisir. Je ne suis pas seul, heureusement j’ai une super équipe. De mon point de vue, il n’y a pas de rôles et de tâches secondaires. Notre fonctionnement est collégiale, il est important que chacun se sente investi dans l’entreprise. Par exemple, je soumets le choix des films qui vont entrer dans notre catalogue à toute l’équipe. C’est un bon test, quand un film fait l’unanimité, généralement c’est bon signe. On passe beaucoup de temps avec les films, c’est important de les aimer.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur dans ton enfance ?
Les arts martiaux chinois que j’ai pratiqués de 12 à 24 ans à peu près. Mon seul diplôme post-bac est celui décerné par le temple Shaolin. Après le bac je suis allé dans ce monastère bouddhiste pendant trois semaines. Nous étions dix jeunes de toute la France à participer à ce séjour. J’ai ressenti un vrai choc culturel, la Chine est un autre monde. J’ai vu des gamins de six ans totalement investis, leurs parents les confient au monastère, ils pratiquent les arts martiaux pendant huit heures chaque jour et ils étudient le matin et le soir comme les autres écoliers. J’ai vu ce que ça coûte pour atteindre le niveau dont je rêvais.
Valentin sur la muraille de Chine en tenue traditionnelle de Wushu (une forme de Kung Fu), août 2000
La pratique du Kung-Fu m’a structuré autour de certaines valeurs fondamentales. J’ai appris à me fixer des objectifs et à me donner les moyens de les atteindre. L’état d’esprit martial se développe de multiples façons et évolue dans la pratique sous la forme d’unsport de combat. En situation de un contre un, il faut apprendre à gagner le match tout en respectant l’adversaire. Il faut réussir à exprimer une certaine violence mais sans forcément d’animosité, avec une part importante d’observation et d’analyse pour savoir quand défendre et attaquer. Selon moi, on atteint l’excellence lorsqu’on gagne en respectant la règle et le cadre qu’elle impose. Au-delà des combats, le Kung-Fu est aussi une forme de performance artistique. Le Taolu, avec ses enchaînements de figures complexes et acrobatiques, est une forme de théâtre. On devient un personnage qui joue un rôle, qui raconte une histoire à travers une forme de mise en scène.
Le temple de Shaolin
Une image qui t’accompagne…
C’est une demande difficile… L’image à laquelle je pense est liée à un souvenir d’enfance, à un deuil, celui de mon grand-père paternel. C’est le jour où on l’enterre. Je suis avec mon père, nous marchons sur un petit sentier près d’Alès dans le Sud de la France, il me tient la main. Il me parle. Il veut me faire comprendre que le temps passe et que le temps perdu n’est jamais rattrapé. Le dialogue entre mon père et le sien n’a jamais été simple. Désormais, ce qui n’a pas été dit ou entendu entre eux, ne le sera jamais. Je ne me souviens pas exactement des mots qu’il a prononcés, mais le message était « Si tu as quelque chose à dire, dis-le, n’attends pas». Ces mots ont influencé mon rapport au monde et aux gens. Je ne m’embarrasse pas de relations trop superficielles. L’horloge tourne, ça n’est pas grave mais c’est bien d’en être conscient. Quand il y a des choix qui se présentent à moi, je m’interroge sur ce qui compte vraiment pour ne rien regretter.
Ta première rencontre marquante avec le cinéma ?
Une des premières séances de cinéma dont je me souviens est une projection de Bernard et Bianca. C’était dans une salle parisienne, j’étais avec ma grand-mère. La séquence de l’envol sur le dos de l’albatros m’a marqué. Je pensais qu’ils n’allaient jamais y arriver. Le temps était suspendu à leur envol !
Je me souviens aussi que j’étais très mal installé, assis sur le fauteuil rabattable. Si je me mettais au fond du siège je ne voyais que le haut de l’écran. Je suis resté toute la séance en équilibre instable sur mon siège, les deux mains agrippées au fauteuil devant moi. C’était la seule solution pour bien voir l’écran.
Que fais-tu après le bac en dehors du Kung-Fu ?
Je voulais faire du dessin animé. Petit, mon rêve était d’aller bosser chez Disney. Je visais les Gobelins, alors je suis entré à l’école Penninghen pour faire une année de préparation au concours. Ça a été une claque, je me suis trouvé face à un encadrement parfois sadique ou très cruel sur la qualité des travaux rendus, et j’ai été confronté à des élèves bien meilleurs que moi. Ma confiance en a pris un coup, j’ai été totalement déstabilisé. Depuis mon enfance, j’avais tiré un certain prestige de mon coup de crayon… alors la chute, ou le retour à la réalité, n’en fut que plus difficile à encaisser. Je ne m’étais pas préparé à la transition d’un dessin pour le plaisir, d’une forme d’évasion ludique et créative, à une exécution ultra précise, contrainte et méticuleuse d’une consigne donnée.J’ai abandonné au bout de trois mois, totalement dégoûté et incapable de reprendre un crayon en main pendant longtemps. Après un bref passage à la Sorbonne en section cinéma, où je découvre un enseignement beaucoup trop théorique à mon goût, je rejoins Cinéma Public Films, créée et dirigée par Jacques Atlan, mon grand-père maternel, dans l’idée d’une occupation en vue de trouver ma voie. Je n’en suis jamais reparti.
En l’intégrant tu perpétues une histoire de famille ?
Mes parents divorcent lorsque j’ai 7/8 ans, mon grand-père maternel va devenir un appui pendant de nombreuses années, non sans que cela ne génère quelques tensions par la suite. Il va me donner l’espace d’une formation professionnelle à l’école de la vie. Celle où les erreurs se paient au tarif réel. Je lui dois sûrement pas mal de mes convictions personnelles, d’une certaine vision du monde.
Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, Jean-Jacques Zilbermann, 1993
Tu connais le titre du film Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ?Hé bien j’ai l’impression d’avoir eu cette chance. Ce que je retiens le plus de mon apprentissage, c’est que le facteur humain est déterminant, je l’ai vérifié partout. Un bon projet doit permettre à chacun qui y participe de s’épanouir, et s’il y parvient, il a toutes les chances de devenir un succès. Il ne faut pas s’enfermer dans une logique uniquement mercantile, le modèle économique est un moyen d’atteindre un objectif, pas une fin en soi. La mise en valeur des œuvres et de leurs auteurs, c’est vraiment le point central de cette transmission familiale. Mon grand-père crée la société de distribution Cinéma Public Films en 1989. Pour moi, ce nom représente une forme « Triforce » ¹! Les trois éléments autour desquels tourne notre activité sont dans le nom de la société. Le Cinéma, quiest à la fois un lieu et un art. Le mot Public a lui aussi plusieurs sens. C’est d’abord celui pour lequel on fait tout ça, les enfants et la jeunesse en particulier pour Cinéma Public Films. C’est aussi l’idée d’un collectif, et de ce qui est libre d’accès. Il renvoie enfin, pour moi, à la dimension de service public de la culture. Le cinéma est un bon moyen de faire nation et de vivre ensemble. Public, c’est le contraire de privé, un film doit être à tout le monde. Tout faire pour que le plus grand nombre ait accès au cinéma facilement, je pense que c’est un enjeu majeur de notre temps. Quant au mot Film il évoque pour moi la pellicule, l’objet, le médium sur lequel est imprimé l’image qui va permettre de raconter et de partager une histoire. Cette histoire, justement, avec ses personnages, ses lieux et ses enjeux puisés dans le réel ou la fiction qui nous font rêver, nous font grandir, et voir le monde autrement. Le projet initial de mon grand-père était de s’adresser à la jeunesse en complétant l’offre de distribution d’une société comme Walt Disney, notamment en soutenant de nombreux films étrangers. Toujours cette idée essentielled’ouverture sur le monde. A ses côtés, j’ai eu la chance de découvrir une grande diversité cinématographique avec des films ouzbeks, kazakhs, iraniens, lettons. L’un des plus marquants doit être le film chinois Le roi des masques. C’est un film emblématique pour notre société, un de ceux qui a été le plus montré de notre catalogue, où il figure encore. Il a aussi été parmi les premiers titres du dispositif national École et Cinéma proposé par le CNC.
Le Roi des masques, Wu Tain Ming, 1995
Le premier film sorti en salles par la société a été Les aventures de Pinocchio de Luigi Comencini. L’histoire de la redécouverte de ce film perdu est assez rocambolesque, mon grand-père parvenant à retracer le film jusqu’aux archives du Vatican.
Les aventures de Pinocchio, Luigi Comencini, 1972
En 1997, vingt-cinq ans après sa sortie, Cinéma Public Films ressort le film Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier. Le film avait été interdit et on pensait toutes les copies détruites suite à cette censure, mais un projectionniste en avait caché une copie à partir de laquelle un nouveau tirage a pu être lancé !
Avoir 20 ans dans les Aurès, René Vautier, 1972
Les films sont souvent des gestes artistiques mais peuvent aussi être des actes militants.
À quel moment te confie-t-on la barre de la société ?
2008 est une année extrêmement difficile pour la société. Les films distribués à l’époque ne marchent pas bien depuis un certain temps, et cela entraîne de grosses difficultés financières. Les films labellisés Jeune Public sont la béquille de l’entreprise. Je pousse à concentrer tous nos efforts dans ce secteur. A ce moment-là, quand on me désigne gérant de la société, je joue clairement à quitte ou double, soit j’ai vu juste et ça nous sauve, soit on met la clé sous la porte. A ce moment-là, j’ai assez de confiance pour y aller, parce que je suis épaulé et soutenu par un ami d’enfance, et qui est toujours à mes côtés, Jérémy Bois, que j’ai connu quand on avait 12 ans. Ensemble, on veut tenter le tout pour le tout.
Valentin Rebondy et Jeremy Bois devant les décors du Jardinier qui voulait être roi, 2012
Ce sont les programmes de courts métrages d’animation qui font tourner la société depuis plusieurs années. Il nous apparaissait évident que c’était l’axe de développement à suivre. De plus, le cinéma d’animation m’a toujours fasciné et avec Jérémy, ce goût en commun nous a aidé à nous dépasser. C’est une forme d’expression cinématographique vraiment complète. Elle a une capacité à nous faire sortir du monde réel extrêmement puissante. En 2008 nous distribuons Le bal des Lucioles et autres courts, un programme de quatre courts métrages d’animation de marionnettes du studio letton AB (Animācijas brigāde). C’est avec ce film que nous allons prototyper ce qui deviendra l’identité de la société « nouvelle génération ». Mais c’est en 2005, trois ans auparavant, que l’idée d’accompagner la sortie des films en salles commence à germer. Lors de la première édition de Mon Premier Festival (Paris)j’accompagne avec l’équipe du film la sortie du long métrage d’animation LesTrois mousquetaires, le deuxième long métrage du réalisateur letton Jãnis Cimermanis. L’équipe vient présenter le film en avant-première et a apporté dans ses valises des marionnettes ayant servi au tournage du film. Comme personne parmi eux ne parle français, j’improvise le rôle d’interprète et une animation dans la salle de cinéma après la séance, sur les secrets de fabrication du film et ça cartonne, les gens sont fascinés.
Les 3 mousquetaires, Jãnis Cimmermanis, 2005
Nous faisons soixante interventions dans les salles dont une à Villers Cotterêts, la ville de naissance d’Alexandre Dumas. Le public et les responsables de salles sont enthousiastes.
Pour Le bal des Lucioleset autres courts je fais une tournée de six mois avec les personnages du film confiés par le studio d’animation. Je parcours toute la France, je découvre alors toute la diversité des salles de cinéma sur tout le territoire. Après chaque séance, je téléphone à Jérémy qui est resté au bureau et je lui partage les rencontres de la journée, le ressenti du public, le contenu des échanges avec l’exploitant du cinéma etc. En 2009 pour le programme suivant L’ours et le magicien nous décidons de faire le tour de France des cinémas ensemble. On ajoute les décors réassemblés pour nous par le studio d’animation aux marionnettes du tournage. Nous prenons la route avec notre petit van de location. Quand les gens des cinémas nous voient arriver, ils nous prennent pour des fous mais ils sont ravis. C’est la première fois qu’ils voient des distributeurs accompagner leurs films et les faire vivre en salle de cette façon. Depuis lors, nous avons organisé plus d’une dizaine de tournées à travers la France, notre connaissance des cinémas, de leurs besoins et de leur potentiel s’est enrichie de façon considérable, nous sommes devenus un distributeur de proximité. Le redressement de la société nous a coûté plus de 12 ans d’activité… mais on a payé toutes nos dettes et façonné un bel outil, à notre image et parfaitement taillé pour atteindre nos objectifs.
Les toutes petites créatures, Lucy Izzard, 2024
Dans votre catalogue vous avez des programmes clés en mains comme ceux de la société de production Les films du Nord….
Oui, des sociétés de production nous proposent des programmes déjà construits. Depuis 2016, nous accompagnons les programmes de La Chouettedu cinéma des films du Nord. Un huitième programme, Chouette, un jeu d’enfants !, sortira en octobre. Nous n’avons pas de contrat d’exclusivité qui nous lie avec Les films du Nord, c’est à chaque fois une discussion, un échange et une volonté partagée de travailler ensemble. Je veux être choisi pour la qualité de notre prestation. La liberté et l’indépendance sont des valeurs que je défends. C’est valable pour toutes les parties, du producteur jusqu’à la salle de cinéma.
Des relations anciennes fondées sur la confiance et le bénéfice mutuel sont présentes dans notre catalogue. Par exemple, nous avons rencontré il y a 10 ans au Festival de Berlin les producteurs tchèques de Pat & Mat. Nous allons sortir notre cinquième programme en septembre avec eux.
Ciné-concert et atelier avec Pat & Mat
C’est une série de programmes qui a connu beaucoup de succès. Pat et Mat sont en quelque sorte des ambassadeurs pour la société. D’ailleurs, Jérémy et moi-même nous nous retrouvons un peu dans ces deux personnages, qui n’hésitent pas à sortir des sentiers battus pour parvenir à leurs fins. Avec ces programmes, nous avons aussi développé notre capacité à livrer directement aux cinémas du matériel clé en main pour leurs ateliers autour du cinéma d’animation. Nous avons créé des valises pédagogiques avec un morceau de décor et des fac-similés de marionnettes pour que les salles puissent mettre en place des ateliers en autonomie. C’est aussi avec ces programmes que nous avons initié nos premiers ciné-concerts avec Cyrille Aufare dès 2014.
Vous concevez aussi des programmes inédits. Le rêve de Sam et autres courts qui est entré dans le catalogue du dispositif « Maternelle au Cinéma » est à l’origine de cette interview. Peux-tu nous raconter sa conception ?
Le rêve de Sam et autres courts est sorti en mars 2019. J’ai commencé à travailler dessus au cours du printemps 2018. Comme souvent sur ces projets il y a un film qui m’a plu, que je garde dans un coin de ma tête. Je cherche ensuite des films qui pourraient coexister avec lui à partir d’un thème, d’une ambiance, d’une tonalité … Dans l’idéal j’essaie de construire un programme d’une durée d’environ 45 minutes. Tant que le programme n’est pas complet, il reste en mouvement et il évolue. Un nouveau court métrage visionné plus tard peut tout bouleverser…
Lorsque je découvre Le rêve de Sam au printemps 2018 après des recherches sur les nouvelles productions en cours je vois immédiatement l’angle sous lequel je vais travailler, ça sera : accomplir son rêve, un voyage, aller jusqu’au bout d’un projet, d’un désir. Ce programme devient rapidement très personnel et assez affectif, il fait écho à des moments que j’ai vécus, je m’y retrouve. Je connaissais déjà Jonas et la mer de Marlies Van Der Wel. D’une certaine façon, Sam et Jonas se ressemblent, leurs films dialoguent entre eux. Les deux personnages expriment la poursuite de leur rêve, d’un objectif à atteindre. Ils ont une forme de combativité qui les pousse à tout faire pour que cela puisse se concrétiser chacun dans son monde respectif. Le renard ( Le renard et la baleine, Robin Joseph) lui, voyage autant dans sa tête que dans l’espace dans lequel il évolue. Son voyage intérieur se superpose à un déplacement dans ces paysages qui nous invitent, nous aussi en tant que spectateur, à une forme de contemplation. Il exprime ce que j’aime de cet état de conscience où le rêve et la réalité se mêlent dans une espèce d’état méditatif. Dans le monde réel, au moment de l’éveil, on garde en nous ce qui nous anime pendant le sommeil (de façon plus ou moins consciente), et c’est notre capacité à rêver. Le rêve est infusé dans notre réalité. Cela renvoie au Yin et Yang de la philosophie chinoise, ce mouvement perpétuel et cet entremêlement. Le renard a une sorte d’inspiration. Contrairement à Jonas et Sam il n’expose pas clairement un objectif. Sa réalité est pénétrée par le rêve. C’est un contemplatif, cet état ouvre les portes de son imagination qui peut se suffire à elle-même. L’exécution d’un projet ou d’une tâche particulière n’est pas forcément une fin en soi. Le Renard nous offre de passer un moment avec lui dans l’entre-deux, ce qui sépare le point de départ de l’arrivée. Les maisons de Home Sweet Home font elles aussi un voyage. Pour elles, ce n’est pas un voyage solitaire, elles vont le partager toutes les trois. Mais de la même façon qu’on peut voir un film à plusieurs au cinéma, et chacun en fera sa propre expérience, ici le voyage n’a de commun que le trajet parcouru. Chacune va être traversée par des émotions singulières, qui lui sont propres. La fin du film est très touchante, en s’ouvrant sur un nouveau départ. C’est aussi comme ça que je conçois la séance de cinéma. Le temps de la projection on voyage avec une histoire, des personnages, des émotions et un imaginaire qui résonnent en nous. Une fois la séance terminée, il doit en rester quelque chose qui nous accompagne pour un bout de chemin, ça peut durer le temps d’un instant de réflexion… et parfois la vie entière. Pourquoi tous ces personnages qui ne lâchent pas l’affaire, sont un peu obstinés mais aussi rêveurs et contemplatifs me plaisent ? J’ai l’impression qu’il y a une petite ressemblance..
Le rêve de Sam, Nolwenn Roberts, 2018
Pour finir notre échange j’ai envie de te demander comment tu vois la suite du voyage pour la société Cinéma Public Films ?
Aujourd’hui je suis un peu embêté, car nous sommes très sollicités pour de nombreux très beaux films. J’ai un problème de place dans nos lineups, avec beaucoup de chantiers en cours qui se développent en parallèle mais pas forcément assez de place dans ma grille de sorties annuelles. Nous allons distribuer six à sept nouveaux programmes par an dans les prochaines années pour atteindre le maximum de notre capacité. Il apparaît délicat de négocier des films pour une perspective de sortie qui n’interviendrait pas avant trois ou quatre ans… donc il va y avoir des choix et des arbitrages à faire qui s’annoncent complexes. Je n’ai pas envie d’abandonner des projets qui me tiennent à cœur, mais il faut aussi être réaliste sur nos limites. La co-distribution peut être une solution le cas échéant. J’envisage cette possibilité avec beaucoup de sérénité et d’ouverture d’esprit. L’important pour moi est que les films soient vus dans les meilleures conditions. Si c’est une autre société qui doit s’en charger à notre place ou bien en collaboration avec nous, c’est moins gênant que d’imaginer que le film ne trouvera pas son chemin jusqu’à la salle de cinéma. Je pense qu’on peut conclure en disant que Cinéma Public Films a réussi à surmonter bien des épreuves, qui ont été déterminantes pour ceux qui les ont traversées sur le plan de l’affirmation de ce que nous voulons faire ou devenir (et de quelle manière), et de ce que nous ne voulons pas.