Le portrait avec « La Petite École de Cinéma »… 76

Antoinette

L’illusioniste, Alain Cavalier, 1992

« Je crois que je ne suis fait que pour les visages, et encore, il faut qu’ils soient seuls sur l’écran, et de face, et presque immobiles, simplement dans le but de mettre en valeur leur énergie en expansion infini. J’ai commencé à être ‑vaguement- cinéaste à partir du moment où je n’ai plus inventé la moindre action dramatique. Je ne filmais que ce qui avait été vécu par moi, ou par quelqu’un qui avait soigneusement consigné son expérience.                     » Je reviens toujours au même point : c‘est au tournage pour moi que les choses se passent. Ce qui est raté au tournage est raté au montage, est raté pour l’œil du spectateur. »           René Prédal, Alain Cavalier : « Filmer les visages », L’AvantScène cinéma, n° 440-441, mars-avril 1995.

Ateliers sur le portrait                                                                                                    La petite école de Cinéma                                                                                             Havre de Cinéma                                                                                                               Du 18 au 26 novembre 2021

J’ai eu le plaisir de partir à la rencontre d’une quinzaine de classes de l’agglomération havraise inscrites dans le dispositif La Petite école de Cinéma, dispositif mis en place par l’association Havre de Cinéma et l’éducation nationale depuis plusieurs années. Avec la complicité d’un cinéaste, chaque classe réalise cette année un court métrage sur la thématique du portrait. Mon objectif était d’introduire cette thématique par la découverte d’oeuvres choisies pour susciter chez les élèves des interrogations et des échanges au sein de leurs classes.

Dans un premier temps les élèves étaient invités à dire le mot qu’ils associaient spontanément au mot portrait. Cette liste était interrogée à la fin de la séance ; avions-nous lors de l’atelier évoqué tous ces mots ? Vers quelles autres perpectives nous entraînaient ceux qui n’avaient pas été cités ?

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Puis j’ai mis mes mots dans ceux de Pline l’Ancien pour raconter aux élèves l’histoire de la fille de Corinthe et de son père, le potier Butadès. Nous avons ensuite découvert comment deux artistes s’étaient emparés de ce mythe à quelques siècles d’écart, le peintre belge Joseph-Benoît Suvée et la photographe américaine Karen Knorr.

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La reproduction du tableau de Louis XIV en costume de sacre a fait beaucoup réagir les enfants. Pourquoi portait-il des collants et des chaussures à talons ? Pourquoi a-t-il des cheveux longs ? Quel âge avait-il lorsque le peintre a fait son portrait ? Que représente le petit portrait inscrit sur la colonne ? Pourquoi ses habits sont-ils de la même couleur que son fauteuil ? Que représente le motif doré ? Pourquoi porte-t-il un bavoir ? Quel effet fait-il sur nous ? Pourquoi boude-t-il ?

4 Nous avons ensuite comparé la peinture de Hyacinthe Rigaud au portrait photographique de Sarah Bernhardt réalisé par Nadar à la fin du XIX ème siècle. Qu’ont-ils en commun ? Qu’est-ce qui les différencie ?

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Après l’exploration des images fixes nous avons découvert un portrait cinématographique, Antoinette, l’illusionniste d’Alain Cavalier. C’est peu dire que les élèves et les enseignants sont tombés sous le charme de cette vieille dame de 86 ans au regard malicieux.

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Beaucoup d’enfants ont été marqués par l’habileté d’Antoinette à réaliser ses différents tours de magie. Ce n’est pas l’activité qu’ils imaginaient pour une vieille dame ! Certains ont été aussi sensibles au récit de sa vie et à l’attention qu’elle a pour les personnes âgées et les enfants handicapés. Enfin chacun a réalisé un portrait d’Antoinette au format d’une photo d’identité. Un joli patchwork autour de cette vieille dame espiègle.

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Quelques notions abordées au fil des échanges : lumière – ombre – description – sensation – fiction – documentaire – mise en scène – illusion – cadrage – tournage – montage –  hors champ – plan – regard caméra

Et une vidéo sur un grand monsieur qui est resté en hors champ pendant l’atelier !

« Les enfants d’abord ! » au Jeu de Paume 10

Exposition Philippe Halsman au Jeu de Paume, jusqu'au 24 janvier 2016

Exposition Philippe Halsman au Jeu de Paume, jusqu’au 24 janvier 2016

Les visites-ateliers Les enfants d’abord ! explorent à nouveau le genre du portrait. Après l’exposition Diane Arbus, ce sont les photographies de Philippe Halsman qui provoquent des interrogations sur ce genre essentiel dans l’histoire de la photographie. Quelles relations le photographe établit-il avec son modèle ? Un portrait doit-il être ressemblant ? Quels usages fait-on du cadrage, du point de vue, de la lumière ? Devient-on naturel et spontané lorsque l’on saute devant un objectif ?

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Et si on jouait avec les émotions …

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Marylin reste une star même pour les plus jeunes !

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Photographe, modèle et assistant…

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Extrait du porte-folio personnalisé

                                     Deux autres visites-ateliers le 28 novembre 2015                                          à 11H00 et 15H30

Gisèle Freund

Les goudronneurs, Paris, 1931

Connue pour ses photographies d’écrivains, Gisèle Freund est avant tout une femme engagée. Etudiante en sociologie et militante socialiste, elle fuit l’Allemagne Nazie dès 1933. Ce sont ses premiers pas de photographe (1933-1940) qui nous sont présentés dans l’exposition qui lui est consacrée à la Fondation Pierre Bergé / Yves saint Laurent.

Ses photographies sociales, notamment celles issues d’une série réalisée en Angleterre en 1935, sont exposées dans la première salle. Elles révèlent son empathie profonde avec des anonymes souffrant de la précarité, elles me touchent bien plus que son panthéon de célébrités. Je suis restée sur ma faim, j’aurais souhaité en voir plus !

Regardons maintenant les portraits d’écrivains qui ont fait sa célébrité. Cadre serré, en noir et blanc puis en couleurs, Gisèle Freund offre, aux écrivains qu’elle admirait, une image de leur personnalité .

Femme d’images mais aussi de mots, l’analyse de son propre travail est passionnant :         Très vite, je m’étais aperçue que pour faire un portrait naturel il fallait tout faire pour que la personne photographiée ne se rende pas compte de mon petit appareil. C’était un Leica, qui m’a accompagnée durant toute ma vie, un cadeau de mon père quand j’ai eu mon bachot. L’homme, et surtout l’écrivain, s’intéresse avant tout à son oeuvre. J’avais lu les ouvrages des personnes que j’ai photographiées et je pouvais donc commencer un entretien au sujet de leurs écrits. Très vite, ils oubliaient mon appareil et, c’est grâce à cette astuce, que je suis arrivée à faire des photos non posées. Et puis l’écriture me passionnait.           Préface du livre « Portrait d’écrivains et d’artistes »

Parmi ces visages sombres, sévères, majoritairement masculins, celui de Virginia Wolf se singularise. Gisèle Freund a capté la dualité de l’écrivaine : mélancolie mais aussi assurance, volonté, détermination.

Virginia Woolf 1939

Virginia Woolf 1939

Ecoutons encore Gisèle Freund parler de son travail :                                                            Le visage humain, les gestes familiers de chacun m’ont toujours fascinée. Le bon portrait est celui où l’on retrouve la personnalité du sujet et non celle du photographe. Ce qui compte à mon sens, c’est qu’on dise, devant une photographie:  » C’est André Malraux ou Virginia Woolf » et non  » C’est une photo de Gisèle Freund ».    « Mémoire de l’oeil »

En sortant de l’exposition, j’entre dans une librairie, mes yeux sont attirés par une couverture, c’est un roman graphique qui raconte la vie de Virginia Woolf. Le dessin de couverture semble faire la synthèse des photographies que je viens de voir. Les premières pages, aquarelles muettes, sont attirantes. La suite tient ses promesses !

Virginia Woolf de Michèle Gazier et Bernard Ciccolini

L’envie est là, des photographies aux livres, des livres aux photographies…

Gisèle Freund a légué plus de 200 photos à l’état français, elles ont intégré la collection en ligne du Centre Pompidou, une belle occasion de compléter la découverte de cette oeuvre singulière.