Le(s) Cinéma(s) de Chalon-sur-Saône …

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Les grilles fermées du cinéma Axel de Chalon-sur-Saône

La ville de Chalon-sur-Saône est fortement liée à l’image mécanique avec son magnifique musée Nicéphore Niépce. Voulant prolonger notre visite de ce lieu passionnant par une séance de cinéma, nous avons été ravis de voir en déambulant dans les rues de Chalon un panneau annonçant « 5 cinémas ». Nous allions bien trouver notre bonheur ! Hélas la découverte de la devanture a refroidi notre enthousiasme. Manifestement nous étions très en retard pour la dernière séance !

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Les 5 NEF, 5 rue Fructidor à Chalon-sur-Saône  (1913-2018)

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Les 5 NEF, 5 rue Fructidor à Chalon-sur-Saône  (1913-2018)

Continuant la rue Fructidor c’est une autre enseigne qui a retenu notre attention un peu plus loin. Mais nous étions encore plus en retard. Si la façade était parsemée d’affiches, plus aucune n’était de cinéma !

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Cinéma VOX, 41 rue Fructidor à Chalon-sur-Saône  (1956-2012)

« Jamais deux sans trois » ! Continuant notre découverte de la ville nous sommes tombés sur le troisième cinéma du centre ville fermé lui aussi !

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Cinéma Axel, 67 rue Gloriette à Chalon-sur-Saône  (1938-2020)

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Cinéma Axel, 67 rue Gloriette à Chalon-sur-Saône (1938-2020)

Manifestement, le Covid a été fatal pour lui ! Un petit tour sur Internet nous a donné l’adresse du multiplexe-Mégarama situé dans une zone commerciale au sud de l’île Saint-Laurent.

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Megarama, 1 rue René Cassin à Chalon-sur-Saône

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Megarama, 1 rue René Cassin à Chalon-sur-Saône

Nous avons pu voir le magnifique film de Marie Garel-Weiss, Sur la branche et retourné sur l’île Saint-Laurent découvrir le sympathique et talentueux chef niçois qui officie au restaurant L’épicurieux.

La vision de ces trois cinémas abandonnés m’a donné envie d’en savoir plus sur cette défection du centre-ville. Les dates de création des différentes salles montrent une implantation ancienne et continue ; 1913 pour le plus ancien Les 5 NEF, 1938 pour l’Axel qui s’appelait L’Écran avant les années 70 et 1956 pour le Vox. Lors de la fermeture du Vox, les trois cinémas appartenaient au même propriétaire-gérant Pierre Dussap. Les quelques rares articles des journaux locaux que j’ai pu trouver sur Internet laissent à penser que dans un premier temps, leurs fermetures s’expliqueraient par des travaux nécessaires de modernisation. La fermeture du Vox en 2012 correspondrait au passage du cinéma argentique au cinéma numérique, toutefois très vite son propriétaire ne cache pas son intention que le Vox soit transformé en un espace commercial. En 2014, le groupe familial de Jean-Pierre Lemoine, Megarama, rachète les deux derniers cinémas du centre-ville. Lors de l’ouverture du multiplexe dans la zone commerciale Chalon-sud en novembre 2018 les 5 NEF sont fermés pour travaux et malgré des annonces renouvelées rien n’a été entrepris depuis cinq ans. Le cinéma Axel devient le Megarama Axel et privilégie une programmation « Art et Essai » jusqu’à la fermeture opportune liée au Covid.                                                   L’histoire des trois cinémas du Centre-ville de Chalon-sur-Saône interroge sur les modèles économiques liées à l’exploitation cinématographique et sur la diversité culturelle offerte aux spectateurs. Le cinéma 5 NEFS devrait réouvrir … une histoire à suivre !

« The future is now » Nam June Paik au Stedelijk d’Amsterdam

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L’exposition consacrée à l’artiste coréen Nam June Paik s’ouvre sur son emblématique TV-Buddha réalisé en 1972. Si cette installation est représentée dans toutes les publications qui parlent de l’art vidéo, j’ai tout à découvrir du parcours de l’artiste qui l’a réalisée. L’exposition du Stedelijk offre un aperçu complet de sa carrière artistique. Elle est prolongée jusqu’au 4 octobre.                                                                                                                             Avant de vous montrer quelques oeuvres qui m’ont marquée dans cette exposition foisonnante, une petite vidéo qui donne la parole à l’artiste ! Interview de Nam June Paik par Thierry Ardisson en 1989.

TV-Buddha fascine par sa simplicité, nous sommes témoin d’un face à face silencieux entre un bouddha en bois et son image captée par une caméra et retranscrite sur un écran. Je ne peux m’empêcher de penser au jeu enfantin « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui rira aura une tapette », un jeu qui se poursuivrait ici à l’infini… Le passé et le présent enchaînés pour la vie éternelle.

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TV- Bouddha, Nam June Paik, 1974

Le bouddhisme zen irrigue d’autres oeuvres dont les deux hypnotiques  « One Candle ». Le bruit et le foisonnement d’images laissent la place au silence et à une flamme vacillante.

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One Candle / Candle TV, Nam June Paik, 2004

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One Candle (Candle projection), Nam June Paik, 1989 vue partielle de l’installation au Stedelijk, 2020

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One Candle (Candle projection), Nam June Paik, 1989 vue partielle de l’installation au Stedelijk, 2020

Des photographies de Klaus Barisch témoignent des premières performances de l’artiste réalisées lors de son séjour en Allemagne au début des années 60. Par exemple des photos prises après son étude pour Piano Forte jouée dans le studio de l’artiste Mary Bauermeister montrent sa complicité avec le compositeur d’avant-garde John Cage et leur intérêt partagé pour les « oeuvres ouvertes » et l’humour.

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Nam June Paik, John Cage, David Tudor, studio de Mary Bauermeister, 1960 ©Klaus Barisch

Si vous voulez savoir ce qui est arrivé à la cravate et aux cheveux de John Cage c’est ici.

Précurseur et innovant dans l’utilisation d’objets technologiques, certaines de ses oeuvres prolongent une réflexion ancienne sur la nature des objets et leurs représentations. C’est le cas de Three eggs qui s’inscrit dans une problématique féconde de l’histoire de l’art.

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Three eggs (1975-1982), Name June Paik

« Ça me fait penser à … Retour vers le passé  »

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Une et trois chaises, Joseph Kosuth, 1965

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La trahison des images, René Magritte, 1928-1929

Et aussi au « duel » entre les peintres grecs Parrhasius et Zeuxis raconté par Pline l’ancien dans son Histoire Naturelle« [Zeuxis] eut pour contemporains et pour émules Timanthès, Androcyde, Eupompe, Parrhasius. Ce dernier, dit-on, offrit le combat à Zeuxis. Celui-ci apporta des raisins peints avec tant de vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter; l’autre apporta un rideau si naturellement représenté, que Zeuxis, tout fier de la sentence des oiseaux, demande qu’on tirât enfin le rideau pour faire voir le tableau. Alors, reconnaissant son illusion, il s’avoua vaincu avec une franchise modeste, attendu que lui n’avait trompé que des oiseaux, mais que Parrhasius avait trompé un artiste, qui était Zeuxis. »

Une oeuvre interactive qui invite le spectateur à prendre la place de la bougie ?

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Three Camera Participation / Participation TV, Nam June Paik, 1969-2001

Sa famille de robots.

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Lors d’un interview avec un journaliste de Libération qui lui demandait pourquoi il avait choisi la figure du robot, Nam June Paik répondait : Tout simplement parce qu’il est beaucoup plus facile de réaliser un robot qu’une sculpture humaine. Rodin a mis un an à sculpter son Balzac; moi, je peux faire un robot par mois. Je suis donc plus rapide, plus vif que Rodin (rires), et d’ailleurs je suis pour l’automation ! Certes, je ne suis pas Rodin, mais j’ai quand même fait un Jean-Jacques Rousseau, un Marat, un Voltaire, un Diderot… que beaucoup de gens ont adoré. Je suis incapable de dessiner la figure humaine, sans doute parce que c’est une question trop complexe. Je peux dessiner un poulet, un chien, une voiture, mais pas un corps humain. Le totem est une vieille superstition et le robot est une création moderne, cybernétique. Mais en fait, cyber-totem = robot. Le robot est notre totem cybernétique, une cybervaccination du monde moderne.

Et enfin sa « chapelle Sixtine », trop vite vue ! L’heure de la fermeture du musée a précipité l’exploration des dernières pièces.

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Wright Morris à la Fondation Henri Cartier-Bresson

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Vide pour la plupart de toute présence humaine, les photographies de Wrigt Morris sont étrangement très habitées. Il pose son regard sur de simples constructions en bois et donne une présence forte aux objets domestiques. L’exposition que lui consacre la fondation Henri Cartier-Bresson révèle trois romans de ce « photographe-écrivain » : The Inhabitants, The Home Place et God’s Country and My People.

The Inhabitants

The Inhabitants, 1946

The Home place

The Home Place, 1946

« Ici on s’use, les hommes et les femmes s’usent, les maisons et les hangars, les machines s’usent, et tous les dix ans, on remplace l’assise du fauteuil canné. »

God

God’s Country and My People, 1968

« La dernière fois que j’ai vu Oncle Dwight, je l’ai questionné sur ma mère. Je savais que j’avais ses yeux et sa volonté obstinée. Si elle avait vécu, ma vie aurait été différente, aucun doute là-dessus. C’était une pionnière, la première de sa tribu à tenter de décrocher la lune. »

Réalité et fiction raisonnent au-delà des associations créées par Wright Morris.                    Ses photographies m’invitent dans les coulisses de films mythiques telles des photos de décors ou d’accessoires abandonnés.

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Une ferme en Hiver, Nebraska, 1941

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La ruée vers l’or, Chaplin, 1925-1941

Model T, Chez l'oncle Ed, Nebraska, 1947

Model T, Chez l’oncle Ed, Nebraska, 1947

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Pour épater les poules, Charley Bowers, 1925

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Chez le barbier Eddie Cahow, Nebrasca, 1947

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La poursuite infernale (My Darling Clementine), John Ford, 1946

Henri-Georges Clouzot, un réalisateur en oeuvres

IMG_1464Quarante ans après sa mort, Henri-Georges Clouzot est de retour dans sa ville natale. En écho à l’exposition organisée par son oncle au musée Galliera en 1924, L’art dans le cinéma français, l’exposition du musée Bernard d’Agesci de Niort célèbre l’art visuel en lien avec trois films cultes de la dernière période du réalisateur : Le Mystère Picasso, L’Enfer et La Prisonnière.

« Je ne suis pas un littéraire. On le dit, mais c’est faux. Quand je commence à raconter une histoire, c’est toujours en partant d’un choc visuel subi, pour aboutir à un choc réinventé, à une image déformée et quelquefois, je l’espère, efficace. »                                                                                                     H-G Clouzot à André Parinaud, Arts, n° 552

Ce désir de donner à voir les images mentales qui l’obsèdent est une constante dans l’oeuvre du cinéaste. Cette préoccupation est-elle à l’origine de sa collaboration avec Pablo Picasso ? Le prologue du Mystère Picasso présent dans l’exposition permet de le supposer… « On donnerait cher pour savoir ce qui s’est passé dans la tête de Rimbaud quand il écrivait Le Bateau ivre… dans la tête de Mozart pendant qu’il composait la symphonie Jupiter… pour connaître ce mécanisme secret qui guide le spectateur dans son aventure périlleuse. Grâce à Dieu, ce qui est impossible pour la poésie et la musique est réalisable en peinture… » 

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Photogramme du Mystère Picasso de Henri-Georges Clouzot, 1956

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« Tête de Faune  » de Pablo Picasso, été 1955

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Cahier du Cinéma, n° 60, juin 1956

L’article qu’André Bazin a écrit dans Les cahiers du cinéma à la sortie du film est exposé. Sa lecture est passionnante. Bazin souligne que seul le cinéma est à même de rendre compte des métamorphoses successives d’une peinture telle que la concevait Pablo Picasso. Le rapprochement entre la forme du film de Clouzot et celle des films d’animation expérimentaux m’intéresse particulièrement. Ce texte sera repris dans le recueil, Qu’est-ce que le cinéma ? édité aux éditions du CERF.                                                                                    … Cette conception ne fonde pas le dessin animé sur l’animation à postériori d’un dessin qui aurait virtuellement une existence autonome, mais sur le changement du dessin lui-même où plus exactement sur sa métamorphose. L’animation n’est pas alors pure transformation logique de l’espace, elle est de nature temporelle. C’est une germination, un bourgeonnement. La forme engendre la forme sans jamais la justifier…                                                               Un film bergsonien : « Le Mystère Picasso » de André Bazin, 1956

Dans L’enfer, ce n’est plus la conscience d’un artiste que Clouzot met en scène mais celle d’un personnage. Son scénario tient en une seule ligne. Marcel (Serge Reggiani) est un homme maladivement jaloux de son épouse Odette (Romy Schneider). Clouzot recherche  comment traduire plastiquement la névrose de son héros.

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Photogramme de « L’enfer » avec Serge Reggiani, H-G Clozot, 1964, film inachevé

Recherche désespérée s’il en est, l’obsession du réalisateur rejoignant celle de son personnage. Si le film n’a pu être achevé, les photogrammes et les rushs venus jusqu’à nous grâce au documentaire de Serge Bromberg sont des témoins hallucinants de ce désir de filmer l’intérieur d’un cerveau.

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Photogrammes de « L’enfer », 1964 / « H-G Clouzot, un réalisateur en oeuvres », musée Bernard d’Agesci

Après L’enfer, l’art cinétique est à nouveau sollicité pour le dernier film de Clouzot. Des oeuvres d’Yvaral, d’Antonio Asis, de Nicolas Schöffer et de François Morellet évoquent la galerie fictive de La Prisonnière.

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« Sphère-trames » de François Morellet, 1962 / « H-G Clouzot, un réalisateur en oeuvres », musée Bernard d’Agesci

L’exposition se termine par la reconstitution de l’appartement de Stan, le directeur de la galerie d’art joué par Laurent Tersieff. Joli cadeau offert aux visiteurs de se promener dans un décor de film composé par des oeuvres d’art ayant appartenu à Clouzot et au galeriste Daniel Cordier.

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« Le couple » de Meret Oppenheim, 1956 / « H-G Clouzot, un réalisateur en oeuvres », musée Bernard d’Agesci

Qui a peur des femmes photographes ?

femmesDeux musées parisiens, le musée de l’Orangerie et le musée d’Orsay, consacrent aux femmes photographes une vaste exposition au titre intrigant : Qui a peur des femmes photographes ? Clin d’oeil à la chanson du court métrage Les trois petits cochons de Walt Disney, ce titre nous interroge sur la visibilité du travail des femmes artistes. Deux lieux, deux époques (1839-1919 / 1918-1945), l’oeuvre de plus de 150 photographes est présentée dans une scénographie thématique passionnante. Comme dans toute exposition collective de cette ampleur, chaque spectateur se crée un parcours personnel, édifiant son propre Panthéon. Voici le mien !

La première grande dame de mon parcours est sans conteste la photographe américaine pictorialiste, Gertrude Käsebier. Elle installe, dès 1897, son propre studio à New York, ouvrant la voie du professionnalisme à de nombreuses femmes. Ses photographies d’enfants et notamment celles avec son petit-fils Charles O’Halley renouvellent ce genre intimiste. Le portrait est l’activité principale de son studio, son regard sur ses modèles révèle leur force individuelle. Deux portraits d’amérindien sont notamment remarquables, the red man et celui sur la jeune activiste sioux, Zitkala Sa. Loin des clichés ou de l’attrait de l’exotisme, c’est l’individu dans sa singularité qui l’intéresse et qui nous touche un siècle plus tard.

La route vers Rome de Gertrude Käsebier, 1902

La route vers Rome de Gertrude Käsebier, 1902

Zitkala Sa de Gertrude Käsebier, vers 1898

Zitkala Sa de Gertrude Käsebier, vers 1898

Les deux oeuvres reproduites sur les affiches des expositions sont de deux artistes anglaises. Si la première est connue, Julia Margaret Cameron est en effet une des rares photographes du XIX ème siècle à connaître la postérité, la deuxième, Madame Yevonde, est une totale inconnue pour moi. Et pour le moins, son oeuvre interpelle ! Pionnière dans l’usage de la photographie couleur, elle expérimente le processus Vivex couleur dans des mises en scènes audacieuses. N’hésitant pas à utiliser de la glycérine pour représenter des larmes, son portrait de Lady Campbell semble être un photogramme d’un film.

Lady Campbell as Niobe de Madame Yevonde, 1935

Lady Campbell as Niobe de Madame Yevonde, 1935

Quelques cinéastes sont d’ailleurs présentes dans l’exposition. On peut voir notamment un extrait du film réalisé en 1923 par Germaine Dulac La souriante Madame Beudet, considéré comme le premier film féministe. Un photogramme de son film surréaliste La coquille et le clergyman est aussi exposé.  Une grande dame qui reste à découvrir !


Je suis enfin attirée par deux photographies de l’artiste américaine, Barbara Morgan. Dans sa collaboration avec des chorégraphes ou dans son travail plus abstrait, Barbara Morgan expérimente de nouvelles techniques comme la surimpression de négatifs ou le light painting pour représenter le mouvement dans une image fixe. Passionnant !

We are Three Women - We are Three Million Women de Barbara Morgan, vers 1935

We are Three Women – We are Three Million Women de Barbara Morgan, vers 1935

Pure Energy and Neurotic Man de Barbara Morgan, 1945

Pure Energy and Neurotic Man de Barbara Morgan, 1945

J’ai aussi retrouvé avec intérêt des photographies d’artistes ayant bénéficié d’une exposition personnelle au Jeu de Paume au cours de ces dernières années : Berenice Abbott, Laure Albin Guillot, Diane Arbus, Eva Besnyö, Claude Cahun, Florence Henri, Germaine Krull et Lisette Model…

La maison de l’Amérique Latine propose, quant à elle, jusqu’au 12 décembre une exposition dédiée à Lola Alvarez Bravo. Le travail des femmes photographes sort-il de l’indifférence ?

Indeferencia de Lola Alvarez Bravo, vers 1940

Indeferencia de Lola Alvarez Bravo, vers 1940

Les appareils de cinéma au Eye d’Amsterdam

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caméra 35 mm, Mitchell (1935) au fond,  projecteur 16 mm sonore, Holmes ( 1930) au premier plan

La nouvelle présentation de l’exposition permanente du musée du cinéma met à l’honneur les appareils du pré-cinéma et les caméras mythiques… Une très belle double lanterne magique rappelle le rôle essentiel des savants hollandais, Christiaan Huygens et Pieter Van Musschenbroek, dans les premières projections animées.

lanterne magiqueLa superposition de deux plaques, l’une fixe et l’autre mobile, permet d’ingénieuses scènes que nous pouvons admirer grâce à une projection en boucle de 10 minutes qui met en valeur une partie de la collection du musée. Voici mes trois scènes préférées !


Musique : http://www.musicscreen.be/  Enfance et soupires sous licence creative commons

Un mutoscope en tôle peinte, un diorama du XVIIIe, un zootrope et un stéréoscope complètent cette belle présentation de jouets optiques.

Mutoscope "the waiter de Charlie Chaplin, 1914

Mutoscope « the waiter » de Charlie Chaplin, 1914     détail

Dans le second espace, je suis attirée par un cube qui s’avère être une caméra portative conçue par l’inventeur Emanuel Goldberg au début des années 20. Joris Ivens l’a utilisée pour réaliser son film sur le pont ferroviaire métallique de Rotterdam.

caméra 35 mm, Kinamo (1922)

caméra 35 mm, Kinamo (1922)

Dès les premières images du film, Joris Ivens se met en scène portant à la main la Kinamo qui va lui permettre de multiplier les points de vue du pont et de réaliser un documentaire au montage vif et saccadé. Il est « l’homme à la caméra » avant Dziga Vertov !

Photogramme "Le pont" de Joris Ivens, 1928

Photogramme « Le pont » de Joris Ivens, 1928


A partir du mois de juin, le Jeu de Paume présente une exposition consacrée à la photographe Germaine Krull. L’occasion de croiser les regards de ces deux artistes sur cette construction métallique.

"Métal" de Germaine Krull, 1928

« Métal » de Germaine Krull, 1928

PULP Festival à la Ferme du Buisson

Marion Montaigne, Mathieu Sapin et Dash Shaw, Exquise esquisse, 16/03/14

Marion Montaigne, Mathieu Sapin et Dash Shaw, Exquise esquisse, 16/03/14

Un nouveau festival autour de la Bande dessinée dans la région parisienne ? Je demande à voir ! J’ai vu … et j’ai adoré ! Deux marraines attentionnées : la Ferme du Buisson et ARTE. Un maître d’oeuvre inspiré : Philippe Dupuy. Des propositions multiples à en perdre la tête …

La journée commence par une « battle dessinée » Exquise esquisse : match amical entre cinq dessinateurs qui reprend le principe de l’émission TV culte Tac au Tac. Pour ceux qui ne regardaient pas la télévision au début des années 70, il est possible de découvrir ces petits bijoux de l’ORTF sur le site de l‘Ina.


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Mana Neyestani termine le défi autour d’une porte. Exquise esquisse, 16/03/14

Marion Montaigne, Mathieu Sapin, Dash Shaw, Philippe Dupuy et Mana Neyestani

Marion Montaigne, Mathieu Sapin, Dash Shaw, Philippe Dupuy et Mana Neyestani, Exquise esquisse, 16/03/14

ARTE a eu l’excellente idée de lancer un appel à projet auprès  des écoles d’art et de graphisme européennes. Le défi ? Créer des folioscopes alias flip books collectifs ou individuels. Des étudiants nous proposent leur réalisation à feuilleter… Attention cette pratique peut devenir addictive !


Musique : http://www.musicscreen.be/  Travelling sous licence creative commons

Philippe Dupuy a conçu deux installations qui interrogent la Bande dessinée contemporaine et son ouverture vers d’autres pratiques artistiques : musique, installation, cinéma… Dans Ceci n’est pas une bande dessinée, chaque box de l’ancienne écurie est dédié à un auteur. Dans le premier box, il n’y a rien à voir, nous sommes invités à nous asseoir pour écouter une voix lire l’album Contre la bande dessinée de Jochen Gerner. Je teste sur moi l’esprit de contradiction, après quelques minutes d’un inventaire à charge, je n’ai qu’une envie, me lever et lire, lire de la BD.  A commencer par l’ouvrage de Jochen Gerner ! J’ai été particulièrement sensible à la présentation de L’Ascension du Haut Mal de David B. L’immersion est totale !

L'Ascension du Haut Mal de David B

L’Ascension du Haut Mal de David B

Dans un autre box, Philippe Dupuy a repris les praxinoscopes utilisés lors de son installation Loops pour animer les personnages en noir et blanc de Jason. J’adore !


Musique : http://www.musicscreen.be/  Boxeur sous licence creative commons

L’installation L’oeil du cyclope est quant à elle un mélange de technologies numériques et de bricolages loufoques pour rendre obsolète l’action de tourner la page ! Jubilatoire !

"Pourquoi le poisson?" de Marchalot, Dans l'oeil du cyclope, mars 2014

« Pourquoi le poisson? » de Marchalot, Dans l’oeil du cyclope, mars 2014

Le public est au centre de l'espace de projection...

Le public est au coeur de la projection…

C’est dans cet espace que Philippe Dupuy nous présente la forme matérielle de son projet de résidence Une histoire de l’art. En parallèle à sa version numérique diffusée par la revue Professeur cyclope, une longue suite de dessins défile en boucle sous nos yeux. Accorder son rythme de lecture au défilement imposé des images et à la présence d’autres lecteurs provoque une lecture fragmentée. Passionnant !

"Une histoire de l'art" de Philippe Dupuis, mars 2014

« Une histoire de l’art » de Philippe Dupuis, mars 2014


Seule ombre à cette journée ensoleillée est de ne pas avoir eu de place pour le spectacle The paper cinema’s odyssey. Si deuxième édition il y a … je penserais à réserver ! Pour finir, un petit tour au Magic’salon s’impose. Le bon vieil album papier a encore de beaux jours devant lui !

Magic'salon (librairie et bar), Pulp festival, mars2014

Magic’salon (librairie et bar), Pulp festival, mars 2014

Joan Fontcuberta à la Maison Européenne de la Photographie

Diorama présentant "le grand gardien du Bien Total", Fauna, 1985-1989

Diorama présentant « le grand gardien du Bien Total », Fauna, 1985-1989

J’ai eu la chance d’assister à une conférence de Joan Fontcuberta à Arles en 2009. Il participait à un séminaire sur le « statut de la photographie à travers ses usages ». Moment privilégié où la rencontre d’une oeuvre vous oblige à déplacer vos lignes de pensée.       Au delà de ses publications, j’avais très envie de découvrir son travail in situ. La Maison Européenne de la Photographie lui consacre actuellement un vaste espace où neuf séries emblématiques sont présentées. Si la manipulation des images est au coeur de son travail, l’organisation de l’espace d’exposition est aussi un élément clé de ses projets. Il peut ainsi multiplier les moyens pour « faire croire », donner l’illusion de la réalité : dioramas et vitrines répondent aux photographies et films pour envelopper le spectateur d’informations multiples.

Vitrine consacrée à l'abbé Jean Fontana, Les Hydropithèques, 2003-2012

Vitrine consacrée à l’abbé Jean Fontana, Les Hydropithèques, 2003-2012

Les réactions des spectateurs sont passionnantes, les « c’est incroyable », « c’est pas vrai » fusent dans les salles … En fonction du parcours de l’exposition choisi, la crédulité des spectateurs évolue et impose parfois des retours sur preuve.  Des regards complices s’instaurent avec l’impression de participer à un grand jeu de piste. Connaître la démarche de l’auteur ne vous préserve pas de toute mystification. Face aux premiers paysages de la série Orogénèse, j’ai regretté haut et fort l’absence d’un cartel classique indiquant les coordonnées géographiques de ces paysages virtuels !

Quatre paysages virtuels réalisés par les logiciels Vistapro, Bryce et Terragen à partir des tableaux du Douanier Rousseau, Courbet, Kandinsky et Gainsborough, 2002-2004

Quatre paysages virtuels réalisés par les logiciels Vistapro, Bryce et Terragen à partir des tableaux du Douanier Rousseau, Courbet, Kandinsky et Gainsborough, Orogenèse, 2002-2004

L’esthétisme est aussi au rendez-vous. Devant les séries Palimpsestes et Herbarium, peu m’importe la véracité des images, l’agencement des formes et des couleurs me touche, le réel peut être réinventé !

Plusieurs reproductions d’un portrait du Gréco intriguent tout au long de la visite. Derrière cette image reprise sur la couverture du catalogue de l’exposition se dissimule une nouvelle série Camouflages … Joan Foncuberta qui a toujours aimé se déguiser invite à une dernière partie de cache-cache avec sa propre image !

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