Michel Ocelot au Forum des Images

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Michel Ocelot, Jacques Bled et Laurent Valière au Forum des Images, 16 décembre 2017

On peut être le père de Kirikou et galérer pour trouver le financement de son prochain long métrage. Michel Ocelot, invité du Carrefour du cinéma d’animationa conté devant un public conquis la pugnacité qu’il a dû déployer pour faire vivre sa nouvelle héroïne, Dilili.

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Dilili

Convaincu d’avoir écrit un scénario merveilleux, Michel Ocelot est quelque peu décontenancé (le mot est faible) devant la salve de refus qu’il essuie lorsqu’il présente son projet aux partenaires historiques de l’animation. Trois producteurs, les chaînes de TV et même le CNC retoquent son histoire. Plus étrange encore, il reçoit une dizaine de lettres anonymes lui expliquant à quel point son scénario est mauvais.                                      Mis à part la parenthèse enchantée de la production d’Azur et Asmar, Michel Ocelot s’est toujours battu pour défendre ses histoires et face à cette opposition générale, loin d’abdiquer, il commence sans attendre son film en explorant Paris avec son appareil photo.

Michel Ocelot aux égouts de Paris

Michel Ocelot dans les égouts de Paris

Il parcourt un nombre incroyable de kilomètres sur et sous l’asphalte parisien et ouvre les portes de lieux illustres ou plus inattendus recueillant ainsi plus de 17000 photos. Tous les décors du film seront réalisés à partir de ces photographies. Michel Ocelot donne à voir un Paris de la Belle Epoque entre rêve et réalité grâce à d’incroyables décors composites.

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Le salon de Sarah Bernhardt est composé de tentures de l’Opéra, de fauteuils du musée d’Orsay, d’une chaise redessinée par Michel Ocelot…

Michel Ocelot n’aurait pas pu continuer l’aventure seul. Lors de la rencontre, il a tenu à saluer le soutien indéfectible de Jacques Bled des Studios Mac Guff Ligne et a rendu hommage à Virginie Guilminot du studio Les Fées Spéciales. Le film se fabrique entre Paris, Montpellier et Bruxelles.                                                                                               Avant de montrer quelques extraits du film qui devrait sortir sur nos écrans en octobre 2018, Michel Ocelot rappelle les éléments clés de son scénario. Lors de l’exposition universelle de 1900, une fillette canaque, Dilili, est confrontée à un mystère terrifiant. Un groupe de malfaiteurs appelé Les Mâles Maîtres enlève les petites filles de la capitale.

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© Nord-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

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© Nord-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

© Nors-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

© Nord-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

Aidée dans sa lutte contre le mal par un jeune livreur en triporteur et par une cantatrice interprétée par Nathalie Dessay, la jeune Dilili va rencontrer un nombre impressionnant de figures illustres de la Belle Époque, des artistes, des scientifiques, des politiques… La part belle est donnée aux femmes avec un trio éclectique composé de l’actrice Sarah Bernhardt, du prix Nobel de physique Marie Curie et de l’anarchiste Louise Michel.              Lors des questions du public, Michel Ocelot précise que son film a été pensé pour la 3D mais pour des raisons économiques la technique d’animation retenue est un savant mélange de 3D et de 2D réalisé avec les logiciels libres Blender et Krita.

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Dans cette séquence du Bateau-Lavoir, deux personnages sont animés en 3D, les autres en 2D… Ils ne font juste pas la même chose…

En attendant la sortie du film, on peut faire une petite balade parisienne en suivant les pas de Michel Ocelot. Il nous souffle la première étape, le square Rappe dans le 7ème arrondissement à la découverture de l’architecte Jules Lavirotte.

La réalisatrice Gitanjali Rao au Forum des images

Workshop de Gitanjali Rao au Forum des images , 4 février 2017

Workshop de Gitanjali Rao au Forum des images , 4 février 2017

Dans le cadre de son cycle India Express, Le Forum des images recevait la réalisatrice indienne Gitanjali Rao. Emerveillée par son court métrage Prainted Raimbow, j’étais très curieuse de découvrir son travail.                                                                          Passionnée d’art, elle est diplômée de l’institut des arts appliqués de Mumbay (ex Bombay). Elle découvre le cinéma d’animation lors d’un festival qui met à l’honneur l’oeuvre du réalisateur polonais Jerzy Kucia. Elle voit à travers cet art la possibilité de réunir sa passion de la peinture et son désir de faire des films. Autodidacte, elle apprend son métier d’animatrice dans un studio d’animation de Mumbay en réalisant des publicités. Parallèlement à ce travail alimentaire, elle commence un travail personnel sur son temps libre, elle réalise en 2002 son premier court métrage Orange. C’est avec son deuxième court métrage Prainted Raimbow que son travail est reconnu, elle reçoit de très nombreux prix tant dans son pays qu’à l’étranger. Prainted Raimbow est notamment primé à la Semaine de la Critique à Cannes.                                                                                                                            Au delà des projets aboutis, Gitanjali Rao présente deux films qui n’ont pu être finalisés faute de financement. Elle a travaillé pendant plus d’un an avec la firme Walt Disney à une adaptation du Mahabharata transposé dans le monde contemporain. Elle a aussi réalisé les premiers plans de Girgit qui raconte l’histoire de trois jeunes qui quittent leur village natale pour travailler dans une grande ville. Elle espère pouvoir reprendre ce projet en un long métrage.

Un des personnages de Shadows of Mahabharat (2010)

Le méchant de « Shadows of Mahabharat « (2010)

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Les deux personnages principaux de  » Shadows of Mahabharata » (2010)

Ce qui passionne Gitanjali Rao est de mettre les arts traditionnels indiens au centre de sa démarche artistique. Elle découvre grâce à Internet les styles des différentes régions de son immense pays et s’en inspire pour son animation : les miniatures indiennes, la peinture de Madhubani, les marionnettes en cuir découpé de Karnataka, les peintures murales… Son dernier court métrage True Love Story a lui aussi été sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes en 2014. Il n’a pas actuellement de distributeur en France, c’est un véritable privilège de le découvrir sur un grand écran.

gitanjali-rao-true-love-story-shortTrue Love Story nous propose à nouveau un voyage entre le réel et le rêve à travers la rencontre de deux jeunes vendeurs des rues. Il souligne aussi le danger que peut représenter Bollywood comme unique source d’évasion. Au delà des images lumineuses, j’ai été marquée lors de la projection par l’intensité réaliste de la bande son. Nous sommes comme les protagonistes agressés par la circulation intensive de la ville qui détruit les vies. Lors des questions du public, Gitanjali Rao dévoile son rêve de travailler à une co-production entre l’Inde et la France. Vivement qu’elle soit entendue !

Les livres illustrés et les films d’animation de l’institut Kanoun

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Logo du studio Kanoun, Iran

Intriguée par le logo animé qui annonce les courts métrages des contes de la mère poule, j’ai été ravie d’assister à la conférence donnée par Bamchade Pourvali au Forum des images le mois dernier sur l’Institut pour le Développement Intellectuel des Enfants et des Adolescents, l’institut iranien Kanoun. Particulièrement intéressée par les liens entre les livres illustrés et le cinéma d’animation, j’ai choisi dans cette très riche présentation des oeuvres d’artistes qui sont à la fois illustrateur et réalisateur.

L’idée première de l’institut Kanoun, créé en 1964, était de favoriser la traduction, l’édition et la diffusion de livres en direction de la jeunesse à travers un large réseau de bibliothèques. Les bibliothèques se sont rapidement transformées en centre d’art proposant des activités artistiques de plus en plus variées aux enfants ;  cinéma, musique, danse, théâtre…                                                                                                                                                        Un des premiers livres marquant de l’institut a été la création en 1967 de l’album Le petit poisson noir par l’écrivain Samad Behrangi et l’illustrateur Farshid Mesghali.

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Paru en 2006 aux éditions Grandir

Le petit poison noir est un être de désir, il veut savoir comment se termine le cours d’eau dans lequel il vit avec sa mère. Contre l’avis de cette dernière, il décide de suivre le fil de l’eau et d’atteindre l’océan. Au cours de son voyage il fait de nombreuses rencontres avec différentes créatures qui peuplent la rivière… Pour Bamchade Pourvali, cet album introduit l’une des philosophies essentielles de l’institut Kanoun, inviter les enfants à sortir de leur cadre habituel pour aller à la rencontre de la vie.

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pelicanCe récit initiatique est accompagné de magnifiques linogravures de l’artiste Farshid Mesghali qui réalisera par la suite le premier dessin animé produit par le Kanoun, Agha-ye Hayoola (M. Monstre) en 1970 .                                                                                       Petit poisson noir remporte en 1969 le grand prix du livre pour enfants de Bologne.

Le deuxième album présenté par Bamchade Pourvali est Les corbeaux de l’écrivain Nader Ebrahimi et de l’illustrateur Noureddin Zarinkelk.

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L’illustration de la couverture rappelle le court-métrage du dessinateur Chaval, Les oiseaux sont des consque devait connaître Noureddin Zarinkelk ayant étudié l’animation en Europe auprès de Raoul Servais. Les fleurs du tapis est un autre album réalisé par ce duo d’auteurs. L’illustration, d’un style très différent de l’album précédent, est un hommage à l’art du tapis iranien.

les-fleurs-du-tapis2Le premier film réalisé en Iran par Noureddin Zarinkelk est un petit bijou surréaliste qui enchaîne à un rythme trépidant de multiples métamorphoses : le penseur de Rodin côtoie la statue de la Liberté mais aussi un mollah et une femme voilée.

Quatre plus tard, il réalise Amir Hamzeh et le Zèbre qui est une oeuvre majeure selon Bamchade Pourvali. Ce film rassemble de nombreux éléments de la culture iranienne : les miniatures, la musique, la danse et aussi la figure du diable…

Un autre artiste fondateur du Studio d’animation Kanoun est Ali Akbar Sadeghi, les miniatures iraniennes et les légendes du Livre des Rois sont à la source de ses illustrations et de ses films.abdolrazagh-palhevan

Le dernier film d’animation présenté est l’oeuvre du cinéaste Sohrab Shahid-Saless qui s’inspire directement de la technique de la pixilation inventée par Norman McLaren.

Tous les films réalisés dans le cadre de l’institut Kanoun, quelque soit leur durée, étaient accompagnés à leur sortie par une affiche. C’est Abbas Kiarostami qui est l’auteur de celle du film de Sohrab Shahid-Saless, un bel exemple de son talent de graphiste.

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Abbas Kiarostami, Noir et blanc, 1972

Pour ceux qui aimeraient continuer cette découverte… De nombreux courts métrages d’animation réalisés dans le cadre de l’institut Kanoun ont été édités en DVD par les distributeurs suivants : Les films du préau, Les films du Whippet et Les films du paradoxe.

Kôji Yamamura au Carrefour du cinéma d’animation

Le vieux crocodile de Kôji Yamamura, 2005

Le vieux crocodile de Kôji Yamamura, 2005

Promesse tenue ! Le Forum des images annonçait une rencontre exceptionnelle avec Kôji Yamamura, elle le fut au delà de mes espérances. Celui-ci a présenté, avec beaucoup de générosité les oeuvres qui ont composé sa dernière décennie de travail.                             Du Mont Chef aux Cordes de Muybridge, il nous a révélé la logique propre à chacun de ses courts métrages ainsi que les liens qui les unissent. Sa parole relayée avec beaucoup de talent par Ilan Nguyên était accompagnée par la projection de très nombreux croquis de recherche. Je n’ai nullement l’intention ici de faire le compte rendu exhaustif de cette rencontre de plus de trois heures. J’espère qu’elle sera accessible très prochainement sur le webTV du Forum des images. Si dans la structure même de la présentation, l’image et le son ont été pris en compte, c’est l’homme d’images qui m’intéresse avant tout et particulièrement l’enjeu de l’illustration dans sa pratique.

Ilan Nguyên et Kôji Yamamura, Forum des Images, 8 décembre 2013

Ilan Nguyên et Kôji Yamamura, Forum des Images, 8 décembre 2013

Parmi ses multiples sources d’inspiration Kôji Yamamura a rendu hommage à deux illustrateurs. Le premier est l’illustrateur néerlandais, Maurits Cornelis Escher (1898-1972). Une filiation étroite existe entre les deux artistes ; le motif récurent de la métamorphose, les recherches sur la notion d’infini, le désir de donner forme à un espace et à un temps personnels, le jeu sur les réflexions… A l’issue de la projection de son court métrage de fin d’études, Kôji Yamamura présente la lithographie d’Escher qui a nourri sa recherche, Three World. Kôji Yamamura nous explique qu’entre le monde aérien et le monde aquatique existe une membrane très fine à la surface de l’eau qui permet, par le reflet notamment, de jouer sur les interactions entre ces deux mondes. Un des plaisirs de sa pratique du cinéma d’animation est de pouvoir jouer sur les éléments indéfinissables qui surgissent entre deux images…

"Three world", lithographie d'Escher, 1955, http://www.mcescher.com/

« Three world », lithographie d’Escher, 1955, http://www.mcescher.com/

L’hommage suivant est consacré à l’auteur français, Léopold Chauveau (1870-1940). Kôji Yamamura adapte en effet en 2005, un livre illustré de ce dernier, Le vieux crocodile (1923). Il oublie son style personnel pour être le plus fidèle possible aux illustrations d’origine. En parallèle à ses recherches graphiques, Kôji Yamamura réalise des personnages en pâte à modeler afin de mieux appréhender leur physionomie sous différents angles. Il découvre alors que Léopold Chauveau, ancien chirurgien, a créé après la première guerre mondiale des monstres en bronze. Cette activité de sculpteur imprègne ses dessins, donne une épaisseur à son graphisme.

Léopold Chauveau et l'un de ses monstres sculptés

Léopold Chauveau et l’un de ses monstres sculptés

La mise en mouvement des deux personnages principaux, le vieux crocodile et la pieuvre, a passionné Kôji Yamamura. Comment rendre compte de l’apparence physique et de la psychologie propre à chacun des personnages par le contraste visuel de leur déplacement ? L’adaptation du Vieux crocodile est la première histoire d’amour à laquelle il s’est confronté. Histoire d’un amour passionnel si l’on en croit l’utilisation presque subliminale du rouge ! Un magnifique travail qui permet entre autre de découvrir un artiste injustement oublié.

En réponse à une question sur ses moyens de financement, Kôji Yamamura explique que la majorité de ses films sont autoproduits. Il mène en parallèle des travaux de commande et d’illustration qui lui permettent de gagner sa vie. Si nous pouvons avoir une petite idée de son travail d’illustrateur par le biais de son site, il est fort dommage qu’aucun de ses ouvrages ne soit disponible en France.

Son propre travail d’illustrateur peut être à l’origine d’une oeuvre animée. Invité d’honneur en 2006 du sixième festival de cinéma d’animation du Val d’Oise, il a créé l’affiche de l’évènement.

Affiche du festival "Image par Image" 2006

Affiche du festival « Image par Image » 2006

La mise en scène de ces enfants aux situations imaginaires lui donne envie de réaliser un film. Une possibilité d’aide de l’Agence Culturelle du Japon précipite les choses.  Il a quelques jours pour déposer un dossier de subventions. Il n’a pas de base narrative ou de concept, seul un motif visuel avec lequel il a envie de s’amuser.  Le choix du titre Une métaphysique de l’enfance donne de la cohérence à son projet. Son film se présente comme un enchaînement de vignettes indépendantes mettant en scène un enfant, seul protagoniste. Kôji Yamamura voit son court métrage comme un hommage à la rébellion enfantine.


A la fin de sa présentation Kôji Yamamura annonce qu’il travaille actuellement à l’adaptation d’illustrations qu’il a réalisées pour la couverture d’une revue littéraire japonaise, Bungakukaï. L’aventure ne fait que commencer !

Couverture de la revue Bungakukaï par Koji Yamamura, Septembre 2013

Couverture de la revue Bungakukaï par Koji Yamamura, Septembre 2013

Et pour finir, admirez le cadavre exquis réalisé par 70 étudiants en cinéma d’animation répartis en 17 équipes. Chaque équipe est partie de la même image de Kôji Yamamura qui ouvre et ferme chaque séquence de 10 secondes.

Youri Norstein au Forum des Images

Jours d’Hiver © 2003 IMAGINA entertainment and Dentsu Tech

        Je suis allée samedi à la rencontre d’un grand monsieur, Youri Norstein.

Invité par le Forum des images pour un week-end célébrant son oeuvre et celle de son ami japonais Kawamoto Kihachirô, il s’est prêté à de multiples échanges avec le public.           Avoir l’occasion de voir ses films sur grand écran est déjà un cadeau magnifique. Le « hérisson dans le brouillard « , « le héron et la cigogne » et « le conte des contes » se sont déployés sous nos yeux enchantés. L’entendre parler de son art, mais surtout de la philosophie de la vie qui le sous-tend, est un moment exceptionnel, à partager !

Son amour pour le Japon est né de la lecture d’un livre du poète Bashô découvert par hasard dans une librairie. La recherche de vérité et de simplicité qui fonde les poèmes courts japonais résume parfaitement sa conception de l’art,  » un sujet très simple peut devenir quelque chose de grand » nous dit-il ! Il prolonge par cette phrase  » le niveau de l’art ne dépend pas de l’échelle de l’évènement qui est représenté ». Son « hérisson dans le brouillard » est une magnifique illustration de cette idée.

Le hérisson dans le brouillard de Youri Norstein

Et lorsqu’il évoque des sujets graves comme la guerre, c’est par des détours percutants. Le départ à la guerre des hommes lors du bal populaire dans « le conte des contes » me touche particulièrement, c’est le bonheur au quotidien qui est anéanti au son de l’accordéon.

Le conte des contes de Youri Norstein

A la question « quels conseils donneriez vous à un enfant à l’aube de sa vie », Norstein a répondu « sois gai, drôle et attentif ». Attentif à la nature notamment ; que l’enfant ait conscience qu’une feuille d’arbre est vivante, que cet arbre est enraciné dans la terre et qu’il joue avec cette terre nourricière à se salir les mains ! Attentif aussi à « la musique de la parole, de la littérature ». Les textes de Gogol l’ont accompagné dès son enfance, il a choisi nous dit-il « d’être en bonne compagnie ». Shakespeare, Proust, Eisenstein, Rembrandt, Vélasquez sont ses compagnons de route.

Réunir l’oeuvre de Kawamoto et de Norstein au cours de ce week-end célèbre la complicité qui a existé entre les deux hommes, entre les deux créateurs. La participation de Norstein à « Jours d’hiver », oeuvre conçue par Kawamoto, en est le point d’orgue. Norstein ouvre cette mosaïque littéraire et visuelle en illustrant ces vers de Bashô :

 » Vers insensés :                                                                                                                   Errant au vent d’automne,                                                                                     ressemblerais-je au poète panier percé ? »

Il lui a fallu plus d’un an de travail pour réaliser quelques minutes du film tant il a été attentif aux moindres détails. « Qu’est-ce que le croisement des cultures ? » se demande -t-il tout au long du projet. Une de ses préoccupations est de trouver la couleur juste qui puisse unir le film. C’est dans les peintures de Roubliov qu’il a trouvé la solution : du doré, du marron, du bleu un peu gris. Et « ça a marché ! C’est ça, le croisement des cultures, la mémoire des choses que l’on a vu auparavant. »

L’icône de la trinité d’Andreï Roubliov, vers 1411

J’ai vu pour la première fois un extrait du « manteau », son adaptation de la nouvelle de Gogol. Vingt minutes muettes d’une grande intensité ! On suit son héros Akakiévitch dans les rues de Saint Pétersbourg puis à son domicile où réchauffé il se prépare à son activité de copiste. Le clair obscur est d’une grande richesse et la mobilité du personnage réalisé en papiers découpés est incroyable. Représenter un pauvre fonctionnaire en train de boire une tasse de thé peut être le sommet de l’art !

Le manteau de Youri Norstein

Youri Norstein a lu « le manteau » à l’âge de 12 ans, il en a écrit le scénario à 40 ans. L’oeuvre reste inachevée pour ses 70 ans, le moins qu’on puisse dire est que « le manteau » est le projet d’une vie. Les aléas liés à la réalisation du film sont nombreux mais à l’instar de Bashô qui lutte contre le vent dans « Jours d’hiver », Norstein n’a pas peur  d’affronter les difficultés et ne renonce pas. Son ami Kawamoto avait lancé une souscription publique pour terminer le financement de son oeuvre ultime « le livre du mort ». Je suis prête à parier que les donateurs seraient nombreux pour aider Norstein à terminer le financement de la réalisation du « manteau » !

Lewis Hine

 

photoJ’aime que les images résonnent entre elles, qu’un dialogue se crée par mon regard. Les burlesques américains m’ont accompagnée tout au long de la visite de la très belle exposition sur Lewis Hine organisée par la fondation Henri Cartier Bresson.

Ses photographies sur le travail des enfants, ses reportages dans les usines s’animent de nos souvenirs du «Kid» et «Des temps modernes».

Charlie Chaplin aurait-il vu cette femme slovaque photographiée par Lewis Hine avant de réaliser son court métrage « Charlot émigrant »?

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Slovak woman, Ellis Island, 1905

A l’inverse, Lewis Hine aurait-il vu l’un des derniers chefs d’oeuvre  d’ Harold Lloyd «Voyage au paradis» avant de réaliser ses photographies vertigineuses de l’ Empire State Building» ?

Voyage au paradis, Fred Newmayer, 1921

Peu importe que ces liens soient réels ou imaginaires, ils enrichissent mon musée personnel.

L’exposition dure jusqu’au 18 décembre et les deux courts métrages « Charlot émigrant » et « Voyage au paradis» peuvent être projetés dans la salle des collections du Forum des images.