« Les aventuriers » École et Cinéma 93 et 79

Capture d’écran 2024-01-07 à 14.44.59« La culture, ce n’est pas autre chose que cette capacité à relier le tableau ou le film que l’on est en train de voir, le livre que l’on est en train de lire, à d’autres tableaux, à d’autres films, à d’autres livres. »                                                                                                                      « Voir un fragment de film, détaché du flux narratif et de l’accoutumance visuelle qu’il provoque, le rend à nouveau visible. On peut imaginer, contrairement aux habitudes de la pédagogie classique, de commencer par des études de fragments avant de voir les films entiers. »                                                                                                               L’hypothèse cinéma, Petit traité de transmission du cinéma à l’école et ailleurs, Alain Bergala, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, 2002

Projection-conférence :                                                                                               Les aventuriers, 5 courts-métrages, 2002                                                                           Le Cinéma Le Méliès à Montreuil  (93)                                                                                   Mercredi 11 octobre 2023                                                                                                 Le Cinéma Louis Daquin au Blanc-Mesnil  (93)                                                                       Mercredi 18 octobre 2023

Le cinéma Le Foyer à Parthenay (79)                                                                         Mercredi 10 janvier 2014

Documents à télécharger  :  Pour aller plus loin … 93,  Pour aller plus loin …79

photogrammes

Photogramme1

Rentrée des classes, Jacques Rozier, 1955

Du photogramme à l’affichebinôme imaginatifLe personnage et le décorLes 25 plans de l’extrait

La chaussure trouée, extrait de Laurel & Hardy au Far West (Way Out West) de James W.Horne, 1937

photogramme2

« Le moine et le Poisson », Michaël Dudok de Wit, 1994

Fiche extraite du dossier Vert la Nature, festival Image par image 2020, fiche pédagogique  La Parade des animés, Cinémas 93, 2013

Making of en anglais à partir de 6:07

Photogramme3

Le hérisson dans le brouillard, Youri Norstein, 1975

Les animauxQue ressent le Petit Hérisson ?La voix qu’on n’entend pas dans la rivière et le brouillardYojek

Yulia Aronova, artiste et réalisatrice

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Photogramme du court métrage du festival « Image par image » 2017

Chaque année, le festival Image par Image invite un réalisateur à concevoir sa bande annonce et son affiche. C’est l’artiste russe, Yulia Aronova, qui a relevé ce défi pour l’édition 2017. Nous sommes véritablement saisis par la richesse de sa proposition. En moins d’une minute, une ferme-cinéma se crée sous nos yeux. C’est drôle et émouvant à la fois. Ce petit bijou animé qui ouvrira toutes les séances du festival célèbre le cinéma et l’intelligence des spectateurs.                                                                                                        Spectateurs qui pourront aussi découvrir dans le programme spécial du festival « Grand-Petit et petits-grands » son dernier court-métrage produit lors d’une résidence au studio Folimage, « One, two, tree… ». Ça pulse aussi !

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je me définis plus comme une artiste que comme une réalisatrice. Même si j’adore raconter des histoires je n’ai pas l’assurance absolue d’être une bonne réalisatrice. Par contre je dessine depuis toujours et le style graphique est très important pour moi. C’est comme une signature. Je me sens à l’aise avec le « comment faire » alors que le « quoi dire » me pose toujours problème…

Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour vous dans votre enfance ?

J’ai grandi dans une famille de médecins. Dès trois ans j’ai commencé à dessiner. J’étais souvent seule avec mes dessins. Je me créais un monde imaginaire. Mon père aurait voulu que je devienne dentiste mais il ne m’a pas empêchée de choisir une formation artistique. C’est après l’enfance, dans mon école d’art, que j’ai rencontré des professeurs qui ont été importants pour moi.

Une image qui vous accompagne…

Je change tous les jours… Aujourd’hui c’est le tableau qui est derrière vous, je suis fascinée par cette forme rouge. Hier c’était un portrait… Une photo de famille prise par mon père lorsque j’avais six ans est importante pour moi. Mon père m’a photographié avec ma soeur ainée et ma mère au bord de la mer. Chacune de nous trois a pris une pose différente qui représente son caractère. (Faute de voir la photo, Yulia me mime les trois poses, c’est très drôle ! Yulia a aussi des talents d’actrice !) Presque trente ans après nous avons refait cette photo en Inde en répétant les gestes de la photographie initiale.

Pouvez-vous nous parler de votre formation artistique ?

A l’adolescence j’ai intégré l’Institut National de la Cinématographie à Moscou (VGIK). J’ai choisi la section « cinéma de fiction » parce que c’était prestigieux. (Eclats de rire) Lorsque je me suis retrouvée seule sur un grand plateau avec des techniciens à diriger, j’ai vite compris que ça n’était pas pour moi. (Yulia mime alors un « technicien russe ». Hilarant ! J’aurais dû avoir une caméra avec moi !). J’ai échangé ma place avec un étudiant qui était dans la section « cinéma d’animation ». J’ai trouvé alors un monde dont l’échelle me correspondait mieux.

Connaissiez-vous alors le monde de l’animation ?

Non pas du tout. Ma seule référence était Wallace et Gromit. Je suis tombée amoureuse du cinéma d’animation en le faisant. A l’école on dessinait beaucoup, presque toute la journée ! J’ai fait mon premier film clandestinement dans un petit souterrain sous l’école avec un copain comme opérateur. Il racontait l’histoire d’un éléphant et d’un chien. Mes acteurs étaient des marionnettes. On l’a tourné avec une caméra argentique. On n’avait pas de retour sur l’animation avant de développer la pellicule. Le mouvement est très saccadé mais je garde précieusement ce film car grâce à lui, j’ai compris ce que je voulais faire… Faire de l’animation est pour moi une forme de méditation, un espace mental où je suis bien. Cependant je fais toujours mes films dans l’intention de les montrer…

Eskimo est-il votre film de fin d’études ?

eskimo

Eskimo de Yulia Aronova, 2004

Non, il n’y a pas de film de fin d’études à VGIK. En dernière année on doit présenter de grandes esquisses qui définissent un travail de préproduction, qui déterminent le style graphique, le design du film à venir. J’ai proposé des dessins à partir d’un texte de Marina Tsvetaeva sur sa relation à sa mère et à la musique (Yulia reprendra plus tard ce travail préparatoire pour réaliser son très beau court métrage Mother and Music). Pour la petite histoire, chaque étudiant à un parrain qui est souvent un professionnel reconnu, j’ai eu la chance d’avoir Youri Norstein. Ce dernier était très critique par rapport à l’enseignement donné à l’école. Face à mes grands dessins il disait toujours de dessiner plus petit, que c’était plus poétique… A la sortie de l’école, j’ai eu la moins bonne note de tous les étudiants en animation, je n’étais pas conforme à leurs attentes.

Comment avez-vous alors réalisé Eskimo ?

J’étais attirée par l’animation en volume. Tout en étant étudiante, j’ai rencontré des spécialistes de la marionnette dans des petits studios à Moscou. Ils m’ont beaucoup appris. Un étudiant canadien, Pierre Boulanger, suivait à VGIK des études de réalisation de films de fiction. C’est lui qui m’a donné l’idée du pingouin et du cirque. Après l’école, j’ai demandé à ma grand-mère de me prêter une pièce de son appartement, je l’ai transformée en un très beau studio. Pendant quatre mois avec un opérateur japonais, Makoto Sembon, qui était aussi étudiant à VGIK, nous avons réalisé le film. C’est un très bon souvenir.

Dès ce premier film vous avez collaboré avec le musicien Lev Slepner ?

C’est mon copain qui était spécialiste du son qui me l’a fait rencontrer. Je considère Lev comme mon co-auteur. J’adore son travail, nous nous comprenons…

Lev Slepner en concert

Lev Slepner en concert

Comment travaillez-vous ensemble ?

Lorsque l’animatique de mon film est prêt, je mets des morceaux de musique provisoires dessus. Ce sont des références. Ça donne l’ambiance, le rythme que je désire… Ensuite je donne cette maquette à Lev. Il me propose toujours une composition magnifique, il a un sacré talent. Nous discutons énormément. Il fait beaucoup de propositions. Le plus dur c’est de couper, de choisir dans sa musique. En plus d’être compositeur Lev est un musicien de jazz, il aime faire des concerts avec son groupe.
Presque tous vos films sont « sans parole », pourquoi ce choix ?
L’animation est déjà une langue en soi. C’est la langue des gestes, du rythme, du graphisme… Si je peux montrer quelque chose sans mot, je préfère. C’est l’école de Chaplin !
Eskimo a remporté plusieurs prix dans les festivals. Cette reconnaissance a-t-elle facilité votre intégration dans le monde du travail ?
Ça n’a pas été immédiat, il a fallu du temps pour que le film existe et soit connu. Mais Eskimo est une bonne expérience. Lorsque j’ai fait le tour des studios, c’était ma carte de visite. Je pouvais dire « je sais faire ça » ! Ce qui a compté pour moi c’est mon premier festival à Souzdal en Russie, j’ai reçu le prix Alexander Tatarsky et le prix du nouveau talent pour Eskimo en 2004.
Après Eskimo vous réalisez donc Beetle, boat, apricot dans les studios Animos puis Mother and Music. Ces deux films semblent deux parties d’une même oeuvre. Deux poèmes visuels assez nostalgiques où l’on voyage entre rêve et réalité…
Quand j’ai fait ces deux films j’étais très jeune, je voulais être prise au sérieux. Et pour ça je pensais qu’il fallait faire des choses très dramatiques, très poétiques, très artistiques ! (grands éclats de rire). Il m’était impossible alors de faire des choses simples, drôles, légères.
abricot

Beetle, boat, apricot de Yulia Aronova, 2005

Ces deux films se ressemblent aussi beaucoup au niveau de la technique utilisée. Elle rappelle l’ambiance des films de Youri Norstein. 

Je n’y ai pas pensé quand je les ai faits. J’ai effectivement utilisé une technique traditionnelle. Ce sont deux films tournés en pellicule sur un vrai banc titre avec des glaces. J’ai utilisé comme Youri Norstein la technique du papier découpé avec une texture d’aquarelle. Je suis à l’origine d’une rumeur amusante. Un journaliste me faisait remarquer, comme vous, la proximité de mon travail avec celui de Norstein. Pour rire je lui ai dit qu’il était mon oncle et qu’il était normal de préserver notre tradition familiale. Il m’a cru et la rumeur s’est répandue… Plus tard j’ai revu Youri Norstein lors d’un festival, il a beaucoup ri et m’a dit qu’il était très heureux d’avoir une nièce comme moi. C’est donc officiel, je suis la nièce de Youri Norstein !
Mother and music

Mother and Music de Yulia Aronova, 2006

A part votre parrain et oncle, avez-vous d’autres influences artistiques ?
C’est banal de dire Hayao Miyazaki mais son travail est génial ! J’adore aussi Swankmajer et les Frères Quay. En même temps, j’aime les séries comme les Simpson. Et bien sûr  Igor Kovalev. Lorsqu’il m’a donné un prix au festival Krok pour Мy mum is an Airplane, c’était magnifique !
Burd in the window d'Igor Kovalev, 1996

Bird in the window d’Igor Kovalev, 1996

Le film suivant, Camilla, est une véritable rupture par rapport à vos courts métrages précédents tant dans la forme que dans le fond. C’est un ovni cinématographique où vous mélangez diverses techniques d’animation avec de la prise de vue continue. Racontez-nous sa genèse.

Je n’aime pas ce film. Il est beaucoup trop long, pas assez rythmé. J’aimerais pouvoir refaire entièrement le montage. J’avais juste au début un personnage qui était un mix de 2D et de 3D. Sa tête, ses mains et ses bottes étaient en volume et ses bras et jambes étaient dessinés. Le scénario initial racontait l’histoire d’un oncle Fred qui allait pêcher. Ça ne marchait pas. Un jour j’avais la marionnette sur ma table et j’ai posé à côté d’elle un journal dans lequel il y avait une photo d’actrice. Le rapprochement entre la marionnette et la photo a fait tilt, j’avais mon histoire. Une histoire d’amour ! Pour faire ce film il y avait une grosse équipe, je ne pouvais pas improviser ni modifier les choses. On est vraiment libre que dans un film d’auteur et il faut que le film soit court !

Camille

Camilla de Yulia Aronova, 2008

Au début de la matinée vous m’avez dit que vous aviez du mal avec le « quoi dire » et pourtant vous devenez scénariste.

Oui, j’ai suivi des petits cours de scénariste pendant cinq mois après l’école VGIK. Mais là encore c’est en pratiquant que j’ai appris. Le studio Pchela a un projet intéressant, il réalise un almanach, une sorte de recueil de courts métrages fait par de jeunes réalisateurs. Chaque année ils ont besoin de huit à dix sujets. J’écris dans un carnet les idées qui me viennent, j’ai puisé dans ce fond. J’ai fait entre autre le scénario du court métrage On the wing de Vera Myakisheva. C’est dans ce studio que j’ai réalisé mon film Мy mum is an Airplane. C’était totalement nouveau pour moi de travailler pour les enfants. Мy mum is an Airplane est donc un film de commande. J’avais un petit budget et un délai très court. J’ai eu du mal à trouver l’histoire, j’avais écrit un petit poème de trois phrases avec des rimes. J’ai demandé à Sasha Nochin de m’aider à le continuer. Il a écrit un très grand texte, style rap, dans lequel j’ai choisi des extraits. Le tournage a été très rapide, le film est en 2D, il est fait sur ordinateur. Chaque histoire appelle sa technique. J’aime ne pas être enfermée dans un style, dans une technique.

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Мy mum is an Airplane de Yulia Aronova, 2013

J’aimerais publier un album jeunesse à partir de cette histoire. Ce n’est pas facile de trouver un éditeur russe. La maquette du livre est presque terminée, j’ai 26 dessins avec des petits poèmes. Je vais aller à la foire du livre de jeunesse de Bologne en avril prochain.

Votre dernier court métrage One, two, tree … a été réalisé lors d’une résidence à Folimage. Racontez-moi ça !

J’ai rencontré Zoia Trofimova à Annecy. Elle m’a expliqué le principe de la résidence à Folimage. Je devais concevoir un projet amusant pour les enfants d’une durée de 5 minutes maximum. J’ai associé deux mots, les mots « arbre et bottes » et mon imagination s’est emballée. Le dossier était très complet, je devais produire un scénario, un synopsis et un storyboard. Au dernier moment avant de l’envoyer j’ai ajouté dans le paquet des feuilles d’arbres que je venais de cueillir. Je ne sais pas si c’est ça qui m’a porté chance mais j’ai été choisie et là c’était le grand bonheur, comme dans un rêve ! Je suis arrivée à Valence au printemps, les arbres étaient en fleurs. On retrouve les cerisiers roses dans la séquence chez le coiffeur !

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One, two, tree de Yulia Aronova, 2015

J’avais neuf mois pour produire mon film, je travaillais du matin au soir. J’étais très motivée et très concentrée. J’ai changé très peu de choses dans l’histoire.

Ce court métrage est déjà sorti en France avec trois autres films choisis par Folimage sous le titre Neige et les arbres magiques. Il participe cette année à un autre programme conçu spécifiquement pour le festival Image par image, Grand-Petit et petits-grands. Que vous inspirent ces rapprochements avec le travail d’autres réalisateurs ?

Une fois que mes films sont terminés je ne les regarde pas. J’ai vu à Annecy le programme Neige et les arbres magiques lors d’une séance publique. C’était amusant de voir les réactions des enfants, ils semblaient heureux, ils répétaient les rythmes avec leurs mains, ils criaient. C’était très joyeux. Je n’ai pas encore vu Grand-Petit et petits-grands mais c’est pour très bientôt !

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Affiche réalisée par Nicolas Vong, stagiaire d’écrans VO

Vous avez aussi réalisé l’affiche et la bande-annonce pour le festival Image par image de cette année.

Yves Bouveret m’a fait cette proposition il y a plus d’un an. J’ai vraiment eu le temps d’imaginer, d’écrire et d’essayer des choses. J’étais très libre pour le thème. Yves m’avait juste demandé un court de 20 à 30 secondes. Je l’ai appelé régulièrement pour ajouter du temps, 35 secondes puis 40, puis presqu’une minute ! Je suis partie de deux personnages, une vieille dame et un robot. Au début j’avais plutôt une histoire dramatique, le robot aidait la vieille dame à se sentir vivante dans ses derniers jours.                   Eugène Boitsov s’est joint à moi et on a fait ensemble un brainstorming. On a écrit très vite l’histoire finale. On a animé chacun de notre côté, on se retrouvait sur Skype pour échanger.

Cette rencontre a pu se faire grâce à la présence de Yulia sur le festival « Image par image ». Elle y présente son court métrage « One, two, tree… » au public du programme « Grand-Petit et petits-grands ». Elle anime aussi toute la semaine un atelier avec un groupe d’enfants à Enghien !

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Atelier animé par Yulia Aronova, Enghien, février 2017

Isabelle Duval, auteure et réalisatrice

Isabelle en plein tournage "Des devinettes de Reinette"

Isabelle en plein tournage « Des devinettes de Reinette »

Le festival Image par image du Val d’Oise prépare sa 16 ème édition. A Goussainville, les écoles et les centres aérés vont découvrir ou redécouvrir la superbe série animée, Les devinettes de Reinette. Chargée de la rédaction du dossier pédagogique, j’ai eu envie de connaître la réalisatrice qui se cache derrière ce projet original. Quand l’imagination et le plaisir sont à la source de la connaissance…

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis auteure de bible graphique et littéraire, scénariste et réalisatrice de séries télévisées en animation volume.

Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?

Petite, j’avais peu d’activités extra-scolaires. J’ai beaucoup regardé la télé. Ça m’a formée. Les petites séries en volume m’ont particulièrement marquée comme «Le manège enchanté» ou «Aglaë et Sidonie». J’adorais aussi l’ours Colargol, c’est une série magnifique. J’aime son univers poétique.

Aglaë et Sidonie d’André Joanny- 1969-1973

Aglaë et Sidonie d’André Joanny- 1969-1973

J’aimais également beaucoup l’oiseau Antivol et la série en stopmotion Albert et Barnabé qui se passait dans l’île aux enfants mais j’adorais aussi Ernest et Bart des Muppets show. D’ailleurs j’ai réalisé il y a peu que Twini et Twiki, les personnages de Kiwi, leur ressemblaient un peu (un petit orange et un grand jaune). Je dessinais beaucoup aussi. Ma soeur aînée inventait des histoires. On développait ensemble tout un monde imaginaire. Je réalisais des petites planches de BD très naïves. J’étais fan du Journal de Mickey, des Pieds Nickelés… J’aimais déjà l’humour absurde.

Une image qui t’accompagne …

Depuis au moins une quinzaine d’années, c’est une photographie du Petit Loup en papier découpé du « Conte des contes » de Youri Norstein qui m’accompagne. Le personnage est blotti dans la main de son créateur. « Le conte des contes » est le film le plus personnel de Youri Norstein. Il évoque des souvenirs de sa petite enfance. Le petit loup gris a un regard tendre et triste. Youri Norstein dit : « il y a perpétuellement en moi ce mélange d’émerveillement et de tristesse ». Il dit aussi : « le bonheur c’est chaque jour de paix ». 

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En septembre dernier, j’ai participé au festival international du film d’animation, Krok. Je présentais un épisode de la série des Kiwis, «Petit Robot». Ce festival a la particularité de prendre la forme d’une croisière entre Moscou et Saint Petersbourg. J’ai rencontré à cette occasion Youri Norstein qui m’a dédicacé mon image fétiche.

Croisière Krok d’ Isabelle Duval, Septembre 2015

Croisière Krok d’ Isabelle Duval, Septembre 2015

A quel moment décides-tu de suivre une formation artistique ?

Je suis surtout autodidacte. Je n’ai pas été très sérieuse lors de mes dernières années de lycée. Je n’ai pas passé mon bac. Ma mère, inquiète pour sa fille, m’a inscrite à des cours de sténo-dactylo. J’ai abandonné au bout d’un trimestre mais je sais très bien taper ! Cela a été utile pour faire des missions d’intérimaire dans le secrétariat, j’ai fait pas mal de boulot alimentaire. Assez tôt, j’ai su que je voulais faire du modelage, de la sculpture. Avec une amie, j’ai modelé notamment des pièces de jeux d’échec. Nous faisions aussi des bijoux qui étaient exposés dans une vitrine des Bains Douches. Je connaissais Marylin, la physionomiste de la boîte ! Une étape importante pour moi a été un séjour d’un an aux Etats-Unis, j’ai travaillé dans le parc Disney d’Orlando. J’y ai fêté mes 20 ans. A mon retour, j’étais déterminée à reprendre des études. Mais sans le bac, ça n’est pas facile ! Je me suis inscrite aux cours du soir de l’école supérieure des Arts Appliqués DupérréJ’ai suivi des cours de BD et de modelage.

Quels ont été tes premiers pas dans le cinéma d’animation ?

Mon frère Florian, a organisé pendant une petite dizaine d’années un festival de films amateurs au cinéma Le Trianon de Romainville. Il collectionnait des caméras 8 mm et 16 mm qu’il prêtait aux apprentis-réalisateurs. C’est dans ce cadre que j’ai réalisé mon premier film en pâte à modeler avec une caméra 16 mm. Il s’agissait d’un festival où un début de scénario était imposé, les réalisateurs devaient inventer la suite. Une année par exemple, nous avions proposé l’histoire suivante : le personnage principal est en train de prendre une douche lorsqu’on sonne à la porte, il va ouvrir et trouve une lettre ou un paquet sur son paillasson. Les films faisaient entre 3 et 15 minutes. J’ai ensuite fait une bande démo que j’ai montrée à un autre festival d’animation à Bruxelles, AnimaJ’ai rencontré une des personnes responsable de l’habillage d’Arte. Ma démo lui a plu. Elle m’a demandé de réaliser plusieurs bandes annonces pour le magazine Thema. J’ai ensuite démarché TF1 pour laquelle j’ai réalisé trois logos animés. J‘ai fait aussi pas mal d’illustrations en pâte à modeler pour des magazines dont « Je lis déjà », « Les p’tites sorcières », « Ville et vélo » et des affiches pour Arte et le festival Voix d’Étoiles.

affichefestivalEn parallèle, j’ai rejoint mon frère Florian qui venait de créer sa boîte d’infographie pour la presse. Nous avons développé ensemble un pôle animation qui est maintenant l’activité principale.

Quelle est ta référence en matière de cinéma d’animation en volume ?

J’en ai plusieurs ! J’adore Ladislas Starewitch, ses marionnettes sont extraordinaires. Les films de Swankmajer, les animations en pâte à modeler de Garri Bardine et les magnifiques films en stopmotion de Barry Purves. Je suis aussi très admirative des films des studios Aardman, bien sûr ! Un de mes derniers coups de coeur est le réalisateur australien, Adam Elliot. J’ai adoré «Mary et Max», l’histoire est émouvante, on croit à l’existence de ces deux personnages inclassables.

Mary et Max d’Adam Elliot, 2009

Mary et Max d’Adam Elliot, 2009

Qu’est-ce qui te plaît dans cette technique d’animation ?

La matière, la pâte à modeler, est très présente et pourtant on l’oublie pour être embarqué dans l’histoire. C’est magique de donner vie à une matière qui était inerte au départ. Pour moi, l’animation en volume est la synthèse des deux activités que j’aimais lorsque j’étais ado, la BD et le modelage. Parfois, les personnages, leurs comportements nous échappent. Il n’y a pas d’images clés. Lorsque je décompose un mouvement en pâte à modeler, il y a une partie improvisée. C’est ce qui m’intéresse, j’aime être surprise par la matière.

Tu aimes travailler en famille ?

Je travaille avec mon frère Florian depuis 20 ans. On est naturellement complémentaire.    Il a lui aussi suivi les cours de l’école supérieure des Arts Appliqués Dupérré, mais ceux du jour ! Il a du flair, il a cru à l’idée «Des devinettes de Reinette». Il nous a donné les moyens de développer les six premiers épisodes de la série pour pouvoir mieux démarcher les TV. Il est devenu producteur parce qu’aucun autre producteur n’était intéressé par notre série. Il a envie aussi de mettre la main à la pâte. Pour Reinette, c’est lui qui a fait l’armature de toutes les marionnettes. Pour Kiwi, il a développé des personnages secondaires. De mon côté, en parallèle au travail artistique, je fais aussi de la prospection. C’est ma fille Eloïse qui fait la voix de Reinette et qui chante…

Florian Duval en plein travail !

Florian Duval en plein travail !

Pourquoi as-tu choisi une grenouille comme héroïne ? Pour la rime ? Pour sa grande bouche ?

Je ne sais plus ! Tout est parti d’un jeu auquel je jouais avec mes enfants… «Et si j’étais tel animal…» La rime «Reinette- devinette» a dû jouer, c’est sûr ! La création du personnage principal est une étape importante. Reinette évoque pour moi une petite reine, elle est installée, majestueuse, sur sa feuille de nénuphar. De plus, elle est simple à modeler, toute ronde !

Tu as décliné le concept des Devinettes de Reinette dans des albums de jeunesse,  que t’apporte ce nouveau support ?

Ça n’a pas bien marché ! D’autres numéros étaient prévus mais on s’est arrêté au volume deux. Dans chaque volume, il y a trois devinettes originales. La structure est identique au court métrage animé. J’ai fait depuis avec les éditions Actes Sud, un album jeunesse original, «Le nouveau de la classe». J’avais envie d’utiliser des marionnettes, du papier découpé….

Le nouveau de la classe d’Isabelle Duval, 2013

Le nouveau de la classe d’Isabelle Duval, 2013, Actes Sud Junior

Tout est fait sur ordinateur à partir de scan. Composer une image fixe est un travail très minutieux, je passe beaucoup de temps sur une page. J’ai d’autres propositions mais pas le temps pour l’instant de les développer…

Les fans des Devinettes de Reinette peuvent-ils espérer une troisième saison ?

Tout est prêt ! J’ai écris les scénarios, choisis les nouveaux personnages, écris les chansons… Si un responsable de programmation jeunesse d’une chaîne TV est intéressé….

Tu développes une nouvelle série pour France 5, Kiwi, qui marche bien.  As-tu envie d’explorer d’autres formats ?

Oui, je viens justement de terminer un synopsis pour un spécial TV de 26 minutes. On retrouvera les deux héros de Kiwi, Twini et Twiki mais ils évolueront dans un vrai décor… Kiwi est une série qui mélange deux techniques d’animation: la stop-motion pour les marionnettes des Kiwi, les objets et les personnages qu’ils rencontrent, et l’animation numérique pour les lettres des mots-images. Il y a d’une part une dimension pédagogique, de découverte d’une langue étrangère, et d’autre part une dimension narrative, puisque chaque épisode est avant tout une aventure de nos deux héros à la découverte du monde. L’idée n’est pas de proposer un cours mais un éveil à l’anglais par le biais de petites histoires drôles et loufoques, une première sensibilisation à la langue, pour habituer l’oreille des enfants à d’autres sons et leur offrir de découvrir en substance quelques mots en anglais qu’ils prendront plaisir à répéter.

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Les Kiwis, Isabelle Duval, 2013

Tu as des projets pour un public adulte ?

J’ai imaginé plusieurs séries « Ma meilleure amie» en 2D ou «Psychocat» et «Les Potofeu de l’amour» en volume. Ce sont des parodies. Il existe un pilote pour chacune de ses séries, une histoire à suivre j’espère… Mais pour l’instant j’aime travailler pour les enfants. J’aime à la fois le côté ludique et le côté pédagogique que l’on peut développer dans une série pour les petits. Apprendre en jouant, je trouve ça superbe ! Et puis c’est un public que j’aime rencontrer, la réaction des enfant est motivante, on a une vraie reconnaissance de son travail.

Pour finir, une question très personnelle, quel est ton animal préféré ?

Mon gros chat ! Je n’en ai qu’un.

Après vérification, aucun épisode n’est consacré à cet animal. Pourquoi ?

Le premier épisode pilote « Des devinettes de Reinette » était consacré au chat !

Photogramme du pilote "Les devinettes de Reinette"

Photogramme du pilote « Les devinettes de Reinette »