« Une image mystérieuse »2 Ecole Lucie et Raymond Aubrac

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Photo © musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Après l’ombre mystérieuse de Tim Noble et Sue Webster, les élèves de Laurence et Emilie ont reçu la photographie de cette étrange sculpture. Voici leurs premiers textes :

« La Curieuse Statue. Il était une fois, un petit monstre nommé Grossourcile. Il habite dans la forêt. Un jour, il demanda à Papa monstre : « – Pourquoi je ne peux pas sortir de la forêt ? » Le papa lui dit : « – Parce que les Hommes te chasseraient ! » Le petit monstre déçu part de sa grotte. Il se promenait quand… AH ! Il voit une petite fille. Mais l’enfant lui dit : « – Pourquoi as-tu peur ? – Pa parce que mon papa m’a m’a dit que les les les humains mmme chasseraient. – Quoi ? dit la petite. Nous ne chassons que les renards ! – Ah bon ? – Oui ! Je vais te montrer, regarde… » Une fois qu’ils arrivent au village, tout le monde a un petit peu peur, mais après ça va. Le soir venu, Grossourcile rentre chez lui sans se faire remarquer. Le lendemain matin, il part sans rien dire. Arrivé au village, il demande à la petite : « – Comment t’appelles-tu ? – Je m’appelle Lila, et toi ? – Grossourcile. – Hi hi ! Alors, dit la petite fille, t’es un monstre ? – Oui, dit-il, mes ancêtres sont ogre et lutin. Mes grandes oreilles me viennent des lutins et mon petit nez, des ogres. – Bon, on va jouer ? lui dit Lila. – Oui, dit la créature. » Après une bonne journée, les parents de Grigri l’attendaient devant la grotte. L’Être magique raconte tout à ses parents puis rajoute : « – Au pire, si cela se passe mal, je me transforme en pierre. – Bon d’accord ! dit le père. – Je veux bien, dit la mère. » Le gentil Grigri les remercie. Depuis ce jour, le petit curieux passe de bons moments avec ses amis. » Hassan

Hassan

Hassan

« C’est l’histoire d’un gentil monstre qui s’appelle Gigantosaurus. Il est très laid parce qu’il est petit, et chauve. Il a des oreilles pointues, un nez plat, de grosses lèvres, un gros ventre et de grands pieds. Il sort pour se changer les idées. Un jour Gigantosaurus rencontre une petite fille qui s’appelle Camille. Elle est poursuivie par un loup. La petite fille demande à Gigantosaurus s’il peut l’aider. Il se cache derrière les buissons et fait peur au loup. Le loup disparaît. Maintenant, Camille réalise que Gigantosaurus est le plus courageux des monstres. » Lucas

« C’est l’histoire d’un gentil monstre qui s’appelle Megax qui se promenait dans la forêt et qui croisa des méchants trolls qui attaquaient des humains et Megax les sauva. » Kahil

« Il était une fois un vieux monstre qui s’appelait Mrs Magoo. C’était un gentil monstre qui réfléchissait beaucoup. Mrs Magoo avait de petits monstres. Ils étaient très actifs et faisaient des bêtises. Donc, il devait toujours les surveiller. » Lucie

« Il était une fois un nain qui s’appelait Gas. Il a un grand front comme les hommes préhistoriques, deux grandes oreilles et une grande bouche. C’était un homme courageux, fort et gentil. Un jour, une sorcière zinzin le transforma en nain. » Stanislas

« C’est l’histoire d’un vieux singe qui est gentil avec les animaux mais méchant avec les humains. Il a des oreilles comme les elfes. Il avait des pouvoirs magiques mais ses pouvoirs magiques étaient cachés dans une grotte profonde. Il ne le dit à personne. Et les humains le cherchent partout dans la forêt pour qu’il leur donne des pouvoirs magiques. Pour ça, il est en train de réfléchir à un plan pour qu’il chasse ces humains qui veulent prendre ses pouvoirs magiques. » Amel

« Il était une fois un gobelin qui s’appelait Arnol. Son histoire n’est pas comme celle des autres gobelins. Il est gentil, petit, malin, gros et aussi poilu. Un jour, ce petit Arnol se baladait dans le village des trois Brigands. Lorsqu’il entendit un bruit étrange venant d’une petite maison faite en bois et en paille, il décida d’entrer dans cette chaumière. Il ouvrit la porte quand il vit l’esprit de sa mère. Mais un autre gobelin la tenait prisonnière. C’était un des trois brigands. Arnol sortit un énorme marteau pour l’assommer. L’esprit était libre. » Lilia

« Il était une fois un monstre qui s’appelait Sagan. Il aimait sauter dans les flaques. Sagan ressemblait à un singe, mais ses oreilles ressemblaient à des oreilles de cheval. Il était gentil. Voici son histoire : il fut abandonné chez ses grands-parents qui habitaient dans la forêt. Quand il fut un peu plus grand, ses grands-parents appelèrent un professionnel pour lui apprendre à grimper aux arbres. Enfin, il devint fort et il sauva beaucoup d’animaux. » Meiline

« C’est l’histoire d’un monstre qui s’appelait Terrifieur. Il a de grandes oreilles et un grand nez. Il n’est pas gros, il est normal. Il détruit tous les méchants, il sauve tout le monde aussi. » Mohammed

« Il était une fois, Eric, un ogre gentil. Il vivait dans un château et il était triste parce qu’il était tout seul. Personne ne voulait venir chez lui parce qu’ils avaient peur. Alors, il s’amusait tout seul. » Valentin

« C’est l’histoire d’Elfie, un Mongen (un monstre gentil et poilu). Un jour, il réfléchit et trouva une quête: c’était la quête d’une épée, le dragon d’or. Elle était sur la plus grande montagne du monde! Un soir, il s’enfuit de la maison où vivaient ses parents. Quand il arriva au pied de la montagne, il trouva un dragon protecteur de l’épée d’or. Mais le courageux Elfie n’était pas venu les mains vides à la montagne! Il avait pris avec lui des petites épées très puissantes, les kounains. Et c’était comme ça que le musclé Elfie tua le dragon et trouva l’épée d’or. Il est devenu le chef de sa ville et vécut heureux jusqu’à la fin de sa vie. » Ziyad

Tu connais peut-être Claude Ponti, il écrit et dessine des livres pour les enfants. Lui aussi s’est amusé à imaginer un personnage à partir de cette sculpture.

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Claude Ponti et son album « Voyage au pays des monstres », l’école des loisirs, 2020

 « Moi, c’est Léhaut-Polnu. Je copie imparfaitement la personne que j’habite. Je suis pareil et différent. J’ai de véritables conversations avec mon hôte, car deux pensées presque identiques obligent à une très grande finesse d’esprit. » Claude Ponti

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Claude Ponti

Claude Ponti a imaginé ce personnage ami secret en découvrant les sculptures de Léopold Chauveau au Musée d’Orsay qui consacre une très belle exposition à cet artiste jusqu’à fin juin.

© musée d'Orsay : Sophie Crépy

© musée d’Orsay / Sophie Crépy

Léopold Chauveau est né en 1870. Sous la pression de son père il fait des études de  médecine. Chirurgien pendant la première guerre mondiale, il est marqué par les horreurs et l’absurdité de la guerre. Au début des années 20, à la mort de son père, il se consacre entièrement à sa pratique artistique. Outre ses sculptures de monstres, il dessine et écrit des livres pour les enfants et les adultes.

portraitRevenons à notre image mystérieuse. Parmi toutes ses sculptures de monstres, celle-ci est particulière. Elle pourrait être un autoportrait de l’artiste. Qu’en penses-tu ? Trouves-tu qu’elle lui ressemble ? Compare le nom donné par Claude Ponti au prénom de l’artiste, que remarques-tu ?

À écouter !

D’autres histoires de monstres à découvrir ici !

En 2005, un réalisateur japonais, Koji Yamamura, a adapté en film d’animation un album illustré de Léopold Chauveau, Le vieux crocodile. C’est en anglais !

Les étudiants de première année de l’école des Gobelins ont réalisé une minute animée à partir de l’univers de Léopold Chauveau en partenariat avec le Musée d’Orsay.

Tu peux découvrir les autres films ici.

« Maternelle et cinéma » en Seine-et-Marne

couv« Ce n’est pas la réalité qui compte dans un film, mais ce que l’imagination peut en faire. »                                                      Charlie Chaplin, Histoire de ma vie, Edition Laffont, 2002

Projection-conférence :                                                                                                   La boîte à malice                                                                                                                   Voyages de rêve                                                                                                       Cinéma Espace Prévert de Savigny-le-Temple                                                             Samedi 9 décembre 2017

Document accompagnant la conférence : pour aller plus loin..

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« Imagination « , Kôji Yamamura, 1993

Photogrammes : Images séquentiellesmétamorphoses.

Rencontre fortuite autour d’un chapeau et d’un parapluie…

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« Imagination « , Kôji Yamamura, 1993

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« Imagination « , Kôji Yamamura, 1993

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Les vacances de Hegel, René Magritte, 1958

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Chut !, Patrick Couratin, Harlin Quist, 1998

Kôji Yamamura, c’est aussi iciici ou encore !

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Impression d’arc en ciel, Gitanjali Rao, 2006

Photogrammes : regard subjectif

Voyages de rêve, c’est aussi ici et !

Deux dossiers très complets réalisés par les conseillers pédagogiques départementaux arts plastiques et visuels du 77 : La boîte à malice, Voyages de rêve.

« Maternelle et cinéma » dans le Val d’Oise

Caprice en couleurs d'Evelyn Lombart et Norman McLaren, 1949

Caprice en couleurs d’Evelyn Lombart et Norman McLaren, 1949

                » Le film est une musique qui vous atteint par l’intermédiaire de l’oeil. »                    Elie Faure, De la cinéplastique à son destin social, Librairie Plon, 1937

La nouvelle programmation Maternelle et Cinéma met à l’honneur deux grands créateurs de courts métrages d’animation avec La boîte à malice de Koji Yamamura et Jeux d’images de Norman McLaren.

Présentation des deux programmes au Cinéma Jean Gabin d’Argenteuil                     Mercredi 14 octobre 2015

Les présentations de La boîte à malice et de Jeux d’images sont maintenant en ligne !

En 2014, la ville de Montréal célèbre le centième anniversaire de la naissance de McLaren, à cette occasion Koji Yamamura et son épouse Sanae revisitent le court métrage Caprice en couleurs réalisé par Norman McLaren et Evelyn Lambart en 1949.

Document accompagnant la présentation Pour aller plus loin et fichiers à télécharger :

Images séquentielles : Karo et Piyobupt- Maison et Kipling Jr

Points de vue : Quel est ton choix ?

Mémory : Kipling 1 Kipling 2-  Kipling 3 Kipling 4Kipling 5

Kôji Yamamura au Carrefour du cinéma d’animation

Le vieux crocodile de Kôji Yamamura, 2005

Le vieux crocodile de Kôji Yamamura, 2005

Promesse tenue ! Le Forum des images annonçait une rencontre exceptionnelle avec Kôji Yamamura, elle le fut au delà de mes espérances. Celui-ci a présenté, avec beaucoup de générosité les oeuvres qui ont composé sa dernière décennie de travail.                             Du Mont Chef aux Cordes de Muybridge, il nous a révélé la logique propre à chacun de ses courts métrages ainsi que les liens qui les unissent. Sa parole relayée avec beaucoup de talent par Ilan Nguyên était accompagnée par la projection de très nombreux croquis de recherche. Je n’ai nullement l’intention ici de faire le compte rendu exhaustif de cette rencontre de plus de trois heures. J’espère qu’elle sera accessible très prochainement sur le webTV du Forum des images. Si dans la structure même de la présentation, l’image et le son ont été pris en compte, c’est l’homme d’images qui m’intéresse avant tout et particulièrement l’enjeu de l’illustration dans sa pratique.

Ilan Nguyên et Kôji Yamamura, Forum des Images, 8 décembre 2013

Ilan Nguyên et Kôji Yamamura, Forum des Images, 8 décembre 2013

Parmi ses multiples sources d’inspiration Kôji Yamamura a rendu hommage à deux illustrateurs. Le premier est l’illustrateur néerlandais, Maurits Cornelis Escher (1898-1972). Une filiation étroite existe entre les deux artistes ; le motif récurent de la métamorphose, les recherches sur la notion d’infini, le désir de donner forme à un espace et à un temps personnels, le jeu sur les réflexions… A l’issue de la projection de son court métrage de fin d’études, Kôji Yamamura présente la lithographie d’Escher qui a nourri sa recherche, Three World. Kôji Yamamura nous explique qu’entre le monde aérien et le monde aquatique existe une membrane très fine à la surface de l’eau qui permet, par le reflet notamment, de jouer sur les interactions entre ces deux mondes. Un des plaisirs de sa pratique du cinéma d’animation est de pouvoir jouer sur les éléments indéfinissables qui surgissent entre deux images…

"Three world", lithographie d'Escher, 1955, http://www.mcescher.com/

« Three world », lithographie d’Escher, 1955, http://www.mcescher.com/

L’hommage suivant est consacré à l’auteur français, Léopold Chauveau (1870-1940). Kôji Yamamura adapte en effet en 2005, un livre illustré de ce dernier, Le vieux crocodile (1923). Il oublie son style personnel pour être le plus fidèle possible aux illustrations d’origine. En parallèle à ses recherches graphiques, Kôji Yamamura réalise des personnages en pâte à modeler afin de mieux appréhender leur physionomie sous différents angles. Il découvre alors que Léopold Chauveau, ancien chirurgien, a créé après la première guerre mondiale des monstres en bronze. Cette activité de sculpteur imprègne ses dessins, donne une épaisseur à son graphisme.

Léopold Chauveau et l'un de ses monstres sculptés

Léopold Chauveau et l’un de ses monstres sculptés

La mise en mouvement des deux personnages principaux, le vieux crocodile et la pieuvre, a passionné Kôji Yamamura. Comment rendre compte de l’apparence physique et de la psychologie propre à chacun des personnages par le contraste visuel de leur déplacement ? L’adaptation du Vieux crocodile est la première histoire d’amour à laquelle il s’est confronté. Histoire d’un amour passionnel si l’on en croit l’utilisation presque subliminale du rouge ! Un magnifique travail qui permet entre autre de découvrir un artiste injustement oublié.

En réponse à une question sur ses moyens de financement, Kôji Yamamura explique que la majorité de ses films sont autoproduits. Il mène en parallèle des travaux de commande et d’illustration qui lui permettent de gagner sa vie. Si nous pouvons avoir une petite idée de son travail d’illustrateur par le biais de son site, il est fort dommage qu’aucun de ses ouvrages ne soit disponible en France.

Son propre travail d’illustrateur peut être à l’origine d’une oeuvre animée. Invité d’honneur en 2006 du sixième festival de cinéma d’animation du Val d’Oise, il a créé l’affiche de l’évènement.

Affiche du festival "Image par Image" 2006

Affiche du festival « Image par Image » 2006

La mise en scène de ces enfants aux situations imaginaires lui donne envie de réaliser un film. Une possibilité d’aide de l’Agence Culturelle du Japon précipite les choses.  Il a quelques jours pour déposer un dossier de subventions. Il n’a pas de base narrative ou de concept, seul un motif visuel avec lequel il a envie de s’amuser.  Le choix du titre Une métaphysique de l’enfance donne de la cohérence à son projet. Son film se présente comme un enchaînement de vignettes indépendantes mettant en scène un enfant, seul protagoniste. Kôji Yamamura voit son court métrage comme un hommage à la rébellion enfantine.


A la fin de sa présentation Kôji Yamamura annonce qu’il travaille actuellement à l’adaptation d’illustrations qu’il a réalisées pour la couverture d’une revue littéraire japonaise, Bungakukaï. L’aventure ne fait que commencer !

Couverture de la revue Bungakukaï par Koji Yamamura, Septembre 2013

Couverture de la revue Bungakukaï par Koji Yamamura, Septembre 2013

Et pour finir, admirez le cadavre exquis réalisé par 70 étudiants en cinéma d’animation répartis en 17 équipes. Chaque équipe est partie de la même image de Kôji Yamamura qui ouvre et ferme chaque séquence de 10 secondes.

« Ma première séance » Cinéma l’Etoile de La Courneuve

Le moine et le poisson de Michael de Wit, 1994

Le moine et le poisson de Michael de Wit, 1994

Depuis trois ans, le cinéma l’Etoile de la Courneuve propose aux classes de maternelle une programmation spécialement conçue pour les jeunes spectateurs. Cette action, menée en collaboration avec l’association Cinémas 93, s’accompagne d’une formation pour les enseignants inscrits dans ce projet.

Nous nous sommes réunis autour du film « Perdu, retrouvé » de Phillip Hunt et du programme de courts-métrages « La parade des animés ». Après leur projection, nous avons échangé sur les liens qu’entretient le cinéma d’animation avec le monde de l’illustration. Découvertes et questionnements ont ponctué cette matinée trop courte !

Je n’ai pu notamment entonner ma petite chanson pour confirmer qu’une histoire peut se raconter de multiples façons (livre, écran, chanson, spectacle vivant).

Et pour le plaisir, voici un court-métrage qui lui, ne raconte pas d’histoires …

« Pieces, Koji Yamamura, 2003

…et la biblio-sitographie

Je vous invite aussi à participer aux Rencontres cinématographiques de la Seine Saint Denis pour continuer à découvrir sur grand écran d’autres petites merveilles graphiques !

Pierre-François Maquaire, créateur du site Heeza

Betty Boop, Snow White, 1933, http://archive.org/details/bb_snow_white

Betty Boop, Snow White, 1933,  http://archive.org/details/bb_snow_white

A quelques pas de la place de la République rénovée, se trouve un lieu insolite. Pour le découvrir, il faut pousser une lourde porte qui ne s’ouvre que pour les initiés (code), franchir un long couloir et sortir dans une arrière-cour décorée avec de très belles plantes vertes et des poubelles, vertes elles aussi ! Sur la gauche se trouve l’antre de Doc Heeza, une véritable caverne d’Ali Baba pour les fous d’images, chaque m2 est utilisé.                                       Mi-entrepôt, mi-magasin, ce local accueille tout ce qui touche de près ou de loin à l’image animée : livres, DVD, jouets optiques… Mais qui se cache derrière ce pseudonyme de Doc Heeza ? Pierre-François a accepté, non sans quelques réticences, de se dévoiler, un peu !

Se présenter en quelques mots…

Passionné de cinéma, d’illusions optiques, de BD, j’ai essayé d’en faire mon métier en devenant projectionniste. Après une période de chômage, j’ai décidé de créer Heeza.

Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?

J’ai beaucoup joué avec des projecteurs. J’ai récupéré un vieux projecteur 9,5 mm qui était chez ma grand-mère, il fonctionnait à l’origine sur du 110 volts. Je passais des Charlot et je m’amusais à faire le bruitage, les voix…  J’ai aussi filmé mes copains en super 8. J’aimais ça ! J’étais aussi un gros lecteur de BD. J’étais très content quand mes parents m’emmenaient voir le Walt Disney qui sortait tous les ans. Je me le passais et repassais dans ma tête, il n’y avait pas de magnétoscope pour les enfants…

Bambi des studios Disney, 1942, ressortie France décembre 1969

Bambi des studios Disney, 1942, ressortie France décembre 1969

Une image qui t’accompagne …

La belle et la bête de Cocteau. Ce film m’a beaucoup impressionné quand je l’ai vu à la TV tout petit. Je ne comprenais pas la fin, que ce soit le même comédien qui joue Avenant, la bête et le prince !

Jean Marais dans "La belle et la bête" de Jean Cocteau,  1946

Jean Marais dans « La belle et la bête » de Jean Cocteau, 1946

Quand ma fille ainée a eu 6/7ans, je l’ai emmenée voir le film au cinéma. Elle s’est posée les mêmes questions que moi à son âge. On en a parlé pendant plus d’une semaine. C’est sympa un film qui traverse des générations de spectateurs. J’aime beaucoup les trucs cinématographiques utilisés par Cocteau : les ralentis, la projection en marche arrière, les métamorphoses …

Quel diplôme as-tu passé pour te prévaloir du titre de « Doc Heeza », spécialiste certifié dans l’image animée ? Plus sérieusement quel a été ton parcours avant la création du site ?

A 16 ans, j’ai été apprenti chez un photographe de Nancy. Je me suis présenté à lui avec plein d’envies, je faisais déjà beaucoup de photos. J’ai vite déchanté, je ne faisais que balayer et préparer les produits, je m’ennuyais ferme. Un jour, le patron a fait un reportage dans une usine pendant trois jours et il m’a demandé, pour une fois, de développer les négatifs. Au moment de rincer le premier jeu de négatif, j’ai utilisé involontairement une eau trop chaude et j’ai détruit son travail. L’attaque étant la meilleure défense, je suis parti en claquant la porte. J’ai rejoint mes parents à Nantes, j’ai trouvé un boulot d’ouvreur dans un cinéma de la ville et de fil en aiguille, je suis devenu projectionniste. J’étais heureux de travailler dans un cinéma, je pouvais aller dans les cabines de projection, je pouvais voir autant de films que je voulais. J’ai adoré cet univers … Mon patron a ouvert un cinéma art et essai classé recherche. J’ai quitté le Katorza pour le Cinématographe.

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J’ai beaucoup observé le travail des projectionnistes, j’ai appris sur le tas. J’ai passé deux fois mon CAP. La première fois, j’ai eu la théorie mais pas la pratique. Ayant toujours été un fainéant et n’aimant pas les examens, je n’ai pas voulu le repasser tout de suite. Finalement, pour être mieux payé et avoir une reconnaissance de ma pratique, je l’ai repassé et cette fois-ci, je l’ai eu ! Le Cinématographe est un très beau ciné, il est dans une ancienne chapelle.

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J’ai arrêté d’être projectionniste en arrivant dans la région parisienne, j’ai bossé pendant un an chez un distributeur de BD à Paris. J’ai appris pas mal de choses sur la distribution et j’ai voulu me lancer à mon tour dans cette aventure.

L’année prochaine tu fêteras les 20 ans d’Heeza, quelles ont été les principales évolutions du site depuis son origine ?

Au départ, Heeza n’était pas un site, Internet n’existait pas pour le grand public. Je travaillais à la maison, je réalisais tous les trois mois un document qui était moitié catalogue, moitié fanzine. Photocopié au départ puis imprimé, je faisais tout ! Le rédactionnel, la maquette, le mailing, la mise sous plis, le suivi des commandes… Dans chaque numéro, il y avait mon portrait caricaturé, un acrostiche, des news, des réponses humoristiques aux remarques de mes lecteurs et bien sûr la présentation des nouveaux produits. J’envoyais à peu près 2000 documents papiers. En 98, Internet est arrivé. Pendant quelques temps, les deux moyens ont coexisté mais pour des raisons de coût, j’ai dû abandonner le catalogue papier.

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Pour me faire connaître, je faisais des salons comme les Cinglés du cinéma à Argenteuil et j’essayais d’avoir des articles dans la presse. J’ai eu des coups de pouce sympathiques. Par exemple, Jérome Bonaldi a parlé deux fois d’Heeza dans l’émission Nulle Part Ailleurs. J’ai pu voir concrètement l’impact des médias, mes ventes ont explosé à la suite de ces diffusions ! Lorsque Internet s’est développé, j’ai appris tout seul le langage Html, j’ai réalisé la première version de mon site. Mes compétences ont été vite dépassées, je ne savais pas par exemple gérer une base de données, je me suis donc fait aider pour la deuxième version. Si je n’ai pas fait la structure technique de mon site, par contre je sais le faire vivre, c’est moi qui le remplis, je m’occupe du contenu. Puis, j’ai eu beaucoup de demandes de clients qui souhaitaient voir les objets, les tenir en main. J’avais aussi envie de rencontres. J’ai ouvert le local près de République en 2005.

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Nous sommes nombreux à désirer percer le mystère du nom du site, peux-tu nous dire ce qui se cache derrière ce nom énigmatique ?

Lorsque j’ai créé la SARL, j’ai pensé l’appeler en référence directe avec les produits proposés, quelque chose comme «Mondo Cartoon». Mon père, fin businessman, m’a suggéré de choisir un nom plus générique, qui ne reflétait pas l’activité. Si dans 6 mois mon projet capotait et que je voulais vendre du fromage, tout ne serait pas à refaire ! Je ne me souviens plus comment je suis tombé sur le personnage du Colonel Heeza Liar  (jeu de mot he’s a liar) mais il m’a plu. C’est le héros de la première série animée américaine, il est fortement inspiré de Théodore Roosevelt.

Colonel Heeza Liar's Ancestor, 1924

Colonel Heeza Liar’s Ancestor, 1924

Et puis, comme la mère de mes enfants s’appelle Isabelle, j’avais une raison très personnelle d’aimer ce nom. En plus, il sonne bien, plein de noms sur Internet avaient deux voyelles à cette époque, pour une fois, j’étais à la mode !

Je ne vais pas te demander ton chiffre d’affaire mais arrives-tu à vivre d’Heeza ?

Non, je suis obligé de travailler à côté ! D’ailleurs, je lance un appel aux lecteurs de cet article, si vous avez un boulot pour moi, je suis preneur ! Je suis un fainéant contrarié, je ne rechigne pas devant l’effort …

Peux-tu nous décrire une de tes journées types ?

En arrivant au local, je vais voir sur Internet si j’ai des commandes, je les prépare, je suis l’as de l’empaquetage ! J’attends le client ! Je fais des pages pour mon site, par exemple, en ce moment je prépare la présentation d’une vingtaine de flipbooks réalisée par des étudiants de l’EESAB ( école européenne supérieure d’art de Bretagne). Je surfe à la recherche d’idées de nouveaux produits. En fin de journée, je vais à la poste envoyer mes colis.

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Cette «routine» est parfois rompue par des visites inattendues. Peux-tu nous partager quelques rencontres qui t’ont marquées ?

J’ai été très impressionné par la visite d’un grand magicien, Philippe Socrate. Il m’a fait découvrir les boîtes à secret. J’ai d’ailleurs beaucoup de magiciens qui viennent m’acheter des flipbooks. J’ai aussi des artistes, le réalisateur Koji Yamamura est venu deux fois. Je reçois aussi des gens du cirque, des collectionneurs, des profs… Beaucoup de gens qui font des ateliers avec des enfants ! Je trouve ça sympa !

Que penses-tu de l’anagramme entre «magie» et «image» ?

J’en pense rien, il fallait la trouver ! C’est Méliès qui a fait du cinéma un spectacle car il était un magicien. J’ai beaucoup aimé un très court interview de Méliès qui parle de la première projection des Frères Lumière. Lorsqu’il est arrivé, la projection était bloquée sur une image fixe, il ne comprenait pas ce qui était extraordinaire, il connaissait depuis longtemps les lanternes magiques puis subitement l’image s’est mise à bouger, waouh ! On peut écouter sa voix nous raconter cette anecdote sur le site de l’Ina. Quand j’étais petit je voulais être magicien ou clown…

Les cartes vivantes de Georges Méliès, 1904

Les cartes vivantes de Georges Méliès, 1904

Commerçant et passionné ; équilibre fragile, défi quotidien. Qu’est-ce qui te motive à continuer l’aventure ?

Je ne sais rien faire d’autre. Heeza fait vraiment partie de moi. Si je devais arrêter, ça ferait un grand vide. C’est pas la moitié de ma vie mais c’est beaucoup quand même. Tant que je le pourrai, je le ferai !

Yves Bouveret, délégué général d’Ecrans VO

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Le 23 février s’ouvre la 13 ème édition du festival « Image par image » dans le Val d’Oise, rendez-vous devenu incontournable pour tous les passionnés du cinéma d’animation. Depuis les origines, Yves Bouveret est au coeur de son organisation. Sa curiosité, son enthousiasme, son sens du partage et de la convivialité ont permis de fédérer autour de lui de nombreux partenaires. Des institutions au monde culturel, chacun se sent engagé pour que cet évènement rencontre un public toujours plus varié et nombreux ! Yves a accepté le temps d’un entretien d’être sous le feu des projecteurs. 

Peux-tu te présenter en quelques mots…

Je suis Yves Bouveret, je m’occupe d’une structure associative Ecrans VO depuis 10 ans. Cette association met en réseau 20 cinémas du Val d’Oise pour un travail d’action culturelle.

Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?

Le plus formateur dans mon enfance, ça n’a pas été l’école mais c’est lorsque j’ai été scout de France. Cette activité m’a donné beaucoup de liberté par rapport à ma famille et à l’école. Ce n’était ni l’idéologie religieuse qui était importante, ni bien sûr l’uniforme, car on était en jean, mais une forme d’«utopie réaliste» incarnée par des projets où le «vivre ensemble» était fondamental. A 15 ans j’ai fait un voyage de plusieurs semaines en Israël-Palestine, nous étions une dizaine d’adolescents encadrés par des jeunes de 20 ans. Nous nous déplacions en stop. C’était en 1982, pendant la guerre du Liban. L’été suivant nous partions en Corse faire une tournée avec la pièce de Bernard Shaw, « Androcles et le lion ». Ces expériences ont été fondatrices pour moi de l’importance d’être acteur et non spectateur dans certaines situations !

Une image qui t’accompagne …

La première image qui me vient est un rêve heureux récurent de mon enfance. Après une poursuite en forêt, je tombe lentement dans une salle de bal digne de celle du Guépard de Visconti. Je me réveille juste au moment de l’atteindre. Ce rêve me fait aussi penser aux films du réalisateur suisse Georges Schwizgebel.

Claudia Cardinale et Burt Lancaster dans le Guépard de Visconti, 1963

Claudia Cardinale et Burt Lancaster dans le Guépard de Visconti, 1963

J’ai été aussi marqué par un livre de photographies du vingtième siècle. Si mes souvenirs sont bons, on voyait sur la couverture Eisntein tirer la langue.

Einstein photographié par Arthur Sasse, 1951

Einstein photographié par Arthur Sasse, 1951

Après le bac, tu as suivi des études de gestion. Avais-tu le projet, dès ce moment-là, de travailler dans le milieu culturel et plus particulièrement dans le cinéma ?

Non, pas du tout. Je ne savais pas ce que j’allais faire. Mon orientation est plus liée à un réflexe sociologique qu’à un véritable choix. Mon grand-père s’occupait d’une grosse mutuelle, mon père avait fait HEC… J’ai fait un IUT de commerce international, puis j’ai travaillé dans une boulangerie pendant 6 mois à Londres. A mon retour, l’armée m’attendait et lorsque j’ai été libéré de mes obligations militaires j’ai fait une école de gestion en 3 ans. Pendant la deuxième année, j’ai été responsable d’une association d’étudiants «le Raid Africain des Grandes Ecoles». C’était un projet d’envergure, nous apportions en Afrique de l’Ouest des 504 pick-up. Au delà de l’apport matériel, le projet, sous l’égide de l’UNICEF,  était théoriquement humanitaire mais en réalité nous avons pu développer un réel échange culturel avec les gens que nous rencontrions. En troisième année, j’ai fait un stage de 10 mois chez Nestlé-Findus, j’ai commencé à savoir ce que je n’avais pas envie de faire. Au delà de gagner ma vie, j’avais besoin que mon travail ait un sens. A ma sortie de l’école j’ai fait un boulot alimentaire à mi-temps à la Maison Européenne de la photo.

Puis, tu es devenu pendant 9 ans (1993-2002) directeur-programmateur au cinéma Les Toiles de Saint Gratien dans le Val d’Oise. Comment cela s’est-il passé ?

Le cinéma «Les Toiles» existait à Saint Gratien depuis 1974, il avait été implanté au fond d’un forum. En 1992, il avait fait faillite et était fermé depuis 6 mois. Je connaissais le chef de cabinet du maire, François Busnel. Nous avions travaillé ensemble sur le Raid Africain des Grandes Ecoles, il en assurait la couverture médiatique pour RFI. On est resté en contact et il m’a proposé de déposer un dossier pour prendre la direction du cinéma avec un projet de reprise des 3 salles. Notre projet reposait sur une programmation de films «Art et Essai», nous avions comme modèle le fonctionnement proposé par les salles Utopia basé sur la multi programmation. Nous programmions 10 films par semaine sur les 3 salles du cinéma. Les spectateurs prenaient rendez-vous avec une oeuvre !  Nous voulions qu’un lien culturel se crée entre les spectateurs et la salle de cinéma. Nous avons aussi supprimé la publicité, la confiserie et nous avons mis systématiquement des courts-métrages en première partie. Pendant 5 ans, nous avons fonctionné avec une équipe de 3 personnes, nous étions des militants ! Pendant la journée, nous assurions le travail administratif, la programmation, la rédaction d’une brochure avec un éditorial, l’accueil des scolaires… et le soir, une semaine sur trois, nous tenions la caisse. Nous avons été soutenu par le maire, François Scellier.

Les Toiles au forum de Saint Gratien

Les Toiles au forum de Saint Gratien

Le succès a été au rendez-vous, nous sommes passés de 30 000 spectateurs à 72 000 spectateurs en 10 ans, le bouche à oreille a bien fonctionné, nous avons répondu à une attente. Le cinéma a eu un retentissement sur les villes voisines, le lieu était fortement identifié, nous sommes rentrés dans un cercle vertueux. Dès le début, nous avons été sensibles au jeune public et avons développé une action vis à vis des scolaires. Nous avons participé très tôt aux dispositifs nationaux, « école et cinéma » et «collège au cinéma». Nous étions très souples, très à l’écoute des demandes des enseignants dans le choix de notre programmation. ll était important que l’accès au cinéma soit simple et à l’écoute du terrain.

Un événement marquant de cette période …

Tous les réalisateurs qui sont venus rencontrer notre public. Bertrand Tavernier a été le premier avec « Capitaine Conan ». Il est revenu plusieurs fois, les débats pouvaient durer jusqu’à deux heures du matin. Je me souviens aussi de la venue de Patrice Leconte pour « Ridicule ». Pendant la projection du film, nous sommes allés manger au Mac Do en 2 CV. Leconte était en train de réaliser des pubs pour Mac Donald… Une des plus belles rencontres que j’ai faite aux Toiles a été la venue d’Emmanuel Finckiel pour son film          « Voyages ».

"Voyages" d'Emmanuel Finckiel, 1999

« Voyages » d’Emmanuel Finckiel, 1999

Combien de films vois-tu par an ? Ton regard de spectateur a-t-il évolué ?

Lorsque j’étais directeur des Toiles je voyais entre 200 et 250 films par an. Nous faisions un choix collégial de programmation, nous allions au festival de Cannes , à Annecy, à la Rochelle… Quand tu regardes un film dans l’objectif de programmer, ton regard est forcément critique… Maintenant, j’ai retrouvé la position hédoniste du spectateur, je choisis les films que j’ai envie de voir, je ne suis plus dans la position du programmateur. Mon rapport aux films est essentiellement lié à l’envie, au plaisir.

Quelle est l’année de naissance de l’association Ecrans VO ? J’ai trouvé deux dates, 1995 et 2002 …                                                                                                     Peux-tu nous dire ce qui a été à l’origine de cette création ? 

1995, c’est le centenaire du cinéma. Le Conseil Général du Val d’Oise a demandé aux salles d’organiser des petits évènements pour fêter cet anniversaire. Nous avons donc créer l’association Ecrans VO dans le but de fédérer l’action des salles de cinéma du Val d’Oise. Ensuite l’association est tombée en sommeil jusqu’en 2002. Entre-temps, les premiers multiplexes sont apparus, le Mégarama de Villeneuve la Garenne est créé en 1996. C’est un total bouleversement du paysage cinématographique. Le maire de Saint Gratien est devenu président du Conseil Général. Il décide d’appliquer une politique d’aide aux salles. En 2000 un poste de chargé de mission «images et cinéma» est créé puis en 2002 je deviens directeur de l’association Ecrans VO qui renaît de ses cendres. Le dénominateur commun aux salles est l’accueil du «jeune public», l’une des premières missions de l’association a donc été d’organiser avec l’Education Nationale et la DRAC des actions telles que «école et cinéma» et «collège au cinéma». Les projets développés avec les salles sont à géométrie variable. Chaque cinéma a une histoire, une situation et des locaux spécifiques. L’association est un lieu de débat où des problématiques communes sont discutées ( régulation des multiplexes, passage au numérique, nouveaux rythmes scolaires…). L’association permet de faire vivre un réseau qui est bénéfique à tous.

Une autre mission essentielle d’ Ecrans VO est l’organisation du festival «Image par image» qui en est cette année à sa treizième édition. 

Dès 1996 nous avons organisé un mini festival d’animation à Saint Gratien à la demande de directeurs d’école qui souhaitaient que leurs élèves puissent se construire une réelle culture cinématographique. Nous avons été rejoints très vite par le cinéma d’ Argenteuil pour l’organisation de ce festival à destination essentiellement des scolaires.  Avec la nomination d’un chargé de mission «images et cinéma» au Conseil Général, une dynamique territorial s’installe. Le cinéma « Les toiles » bénéficie d’une subvention pour élargir le festival à tout le Val d’Oise. Lors de la première édition, en 2001, 10 salles de cinéma sont concernées. Le festival devient donc départemental et « tout public ». Nos premiers invités sont les réalisateurs belges, Vincent Patar et Stéphane Aubier pour leur série de courts métrages « Pic Pic André Shows ».

 

" Pic Pic André " Vincent Patar et Stéphane Aubier

 » Pic Pic André  » Vincent Patar et Stéphane Aubier

Le chargé de mission, Olivier Millot, organise en parallèle du festival, une grosse exposition à l’abbaye de Montbuisson sur le cinéma d’animation. Lorsque je deviens directeur d’Ecrans VO en 2002, l’organisation du festival revient à l’association.

L’une de ses particularités est d’être un festival sans prix, je ne vais donc pas te demander d’établir un palmarès. Toutefois y a t-il eu des rencontres particulièrement mémorables au cours de ces treize années ?

Oui, bien sûr, les noms de Jean-François Laguionie et d’Isao Takahata me viennent tout de suite à l’esprit. Mais ce dont je me souviens surtout c’est le sentiment de grande liberté que je ressens lors du festival. J’accompagne les réalisateurs sur les routes du Val d’Oise à la rencontre du public. On est dans le concret, j’ai besoin de ça. Je me souviens particulièrement d’une rencontre entre des scolaires et les réalisateurs suédois, Uzi et Lotta Geffenblad. Un programme de courts métrages était proposé aux enfants de maternelle. Le matin nous étions à Villiers le Bel, lors de l’échange avec la salle, on demande aux enfants quels sont ceux qui sont déjà allés au cinéma. Sur une centaine d’enfants, un seul doigt se lève ! On demande à l’enfant quel film il avait vu. Il nous répond «La même chose qu’aujourd’hui, c’était hier avec le centre de loisirs».

" Les pierres d'Aston" d'Uzi et Lotta Geffenblad, 2007

 » Les pierres d’Aston » d’Uzi et Lotta Geffenblad, 2007

Au fil des années, un lien de fidélité s’établit, je pense notamment à Pierre Luc Granjon, j’ai toujours un immense plaisir à le retrouver. Je me souviens aussi de l’émotion ressentie par Koji Yamamura lors d’une projection scolaire, c’était la première fois qu’il voyait son film avec un public enfantin.

Par tes engagements multiples, professionnels ou bénévoles, tu es devenu une figure reconnue du monde de l’animation. Comment est née cette passion de l’image animée ?

Il y avait plusieurs ciné clubs en 16 mm  à Noisy-le Roi et Bailly où j’ai découvert dans des salles combles beaucoup de films comme les « 7 samourais » de Kurosawa ou « Les dents de la mer » de Steven Spielberg. Peu de films d’animation passaient au cinéma et c’est surtout par le biais de la télévision que je les ai découverts : le clip « Love is all » des studios Halas et Batchelor, les aventures de l’ours Colargol, «La traversée de l’Atlantique à la rame» de Laguionie…


Mon premier film en salle a été comme beaucoup d’enfants un Disney, Robin des bois. Mais c’est quand j’étais directeur des Toiles, que j’ai commencé à me construire une culture liée au cinéma d’animation. Dès 1994, je suis allé au festival d’Annecy, c’était très ressourçant, réjouissant de découvrir de nombreuses oeuvres essentiellement en format court. Il y avait aussi le festival de l’AFCA à Auch puis à Bruz… Ce que j’aime dans le cinéma d’animation c’est son aspect poétique, onirique. Je fais le parallèle avec le cinéma muet, notamment les burlesques, les mots laissent de la place aux mouvements, à la musique…Le champ des possibles est ouvert, j’aime ce qui est décalé, absurde, surréaliste. Je suis fan des intermèdes animés des Monty Python mais aussi tout le cinéma d’animation britannique, du studio Aardman à Mark Baker, Joanna Quinn …

" Girls' Night Out " de Joanna Quinn, 1987

 » Girls’ Night Out  » de Joanna Quinn, 1987

J’ai le sentiment que les films d’animation formatent moins les spectateurs en devenir que sont les enfants. Et puis dans le cinéma en prise de vue réelle, le star-system trouble le discours. Pour moi, le cinéma, ce n’est pas uniquement les acteurs. Je suis  sensible à la mise en scène, aux auteurs, aux réalisateurs.

Le festival « image par image » c’est trois semaines de programmation, d’évènements organisés dans 20 lieux différents. J’imagine que la préparation se fait très en amont.                                                                                                             As-tu des lignes directrices pour t’aider dans son organisation ?

Le maître mot est l’anticipation. La programmation se fait par strate. La rencontre avec un auteur peut aboutir quelques années plus tard à la mise en valeur de son oeuvre lors du festival. C’est aussi un travail «main dans la main» avec les distributeurs et les producteurs, une relation de confiance s’est établie au fil des années. Notre année de travail est très rythmée, c’est un travail saisonnier. A la rentrée, en septembre-octobre, nous lançons les dispositifs nationaux d’éducation au cinéma puis à partir de novembre, nous mettons toutes nos forces dans la préparation du festival. Après le festival, nous préparons l’assemblée générale, nous réalisons les dossiers de subventions… Le travail administratif prend beaucoup de temps, on essaie de le «modéliser» pour que l’action culturelle soit la plus riche possible. Tout au long de l’année, il est important de se nourrir, de rencontrer des gens, de prendre des contacts. J’aime que mon action soit confrontée au principe de réalité, on n’est pas dans une économie de luxe.

Je ne vais pas te demander de commenter toute la programmation du prochain festival. Très arbitrairement j’ai sélectionné deux évènements sur lesquels j’aimerais que tu nous en dises un peu plus.

Le premier c’est la carte blanche au distributeur «Lardux films».

Après 10 années de fonctionnement, on était à un tournant et on a voulu donner toute son importance au travail des maisons de production. Mon engagement auprès de l’AFCA m’a fait connaître aussi d’autres problématiques de l’animation. Il existe en France une petite vingtaine de producteurs d’animation. Ils ont souvent un lien fort avec leurs auteurs. Après «Je suis bien content», «Les films de l’Arlequin» et «Autour de minuit», c’est au tour de  «Lardux films» d’être à l’honneur avec une carte blanche lors de la soirée d’ouverture mais aussi avec la présence de deux auteurs, Anne Laure Daffis et Léo Marchand qui vont partager leurs secrets de fabrication sur leur nouveau film à venir « La Vie sans truc ».

" la vie sans truc " d'Anne Laure Daffis et Léo Marchand

« La vie sans truc » d’Anne Laure Daffis et Léo Marchand

Le deuxième est le choix de Co Hoedeman comme invité d’honneur.

Nous ne sommes pas dans une course à la nouveauté même si nous proposons quelques avant-premières et des travaux en cours. Il est aussi intéressant de ralentir le temps pour appréhender l’oeuvre d’un auteur. Il est important de refaire découvrir ce genre de réalisateur. Nous avons préparé un programme contemplatif avec Co Hoedeman et sa présence prend tout son sens par rapport à notre engagement pour les tout petits.

Co Hoedeman et Ludovic

Co Hoedeman et Ludovic

Des projets ?

Je suis content de faire ce que je fais, je n’ai pas d’usure. Je travaille avec une équipe solide, j’aime le contact avec les élus, les spectateurs, les enseignants … Il est important aussi d’être capable de transmettre, que les choses que l’on construit puissent rester même si vous n’êtes plus là … Parallèlement  à mon activité, j’envisage de faire un master de didactique de l’image à Paris 3 en 2013-2014. Il est important pour moi d’étayer par un cursus universitaire toute la connaissance pratique acquise pendant toutes ces années. Je m’intéresse particulièrement aux propositions en matière de cinéma faites aux tout petits. A terme, monter une boîte de production me tente …