« Kiosque » d’Anete Melece

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Kiosque, Anete Melece, Pastel, L’école des Loisirs, 2021

Les éditions de L’école des loisirs viennent d’enrichir leur catalogue avec une pépite, l’album Kiosque réalisé par l’artiste lettone Anete Melece. Découvert l’an dernier alors que je travaillais sur le court métrage éponyme dont l’album est une adaptation, je rêvais que les lecteurs de langue française puissent à leur tour avoir ce bel objet en main, c’est chose faite !

Anete Melece a imaginé l’histoire de la plantureuse Olga coincée dans son kiosque à journaux après deux années à créer des images publicitaires dans une agence de design packaging. Elle gagnait bien sa vie mais le sentiment « d’être au mauvais endroit » l’a envahie peu à peu. Elle s’est mise à rêver d’autre chose…

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Extrait de la bande dessinée publiée sur le site de l’éditeur letton Gecko Press lors de la sortie de l’album en anglais.

… et finalement elle a décidé de quitter son travail alimentaire pour se former à l’animation et à l’illustration à la HSLU (université des Sciences appliquées et des Arts), une école publique de Lucerne en Suisse. Pendant ses études, elle a développé l’histoire d’Olga sous la forme d’un court métrage animé. Son film de fin d’étude lui a permis de réaliser le rêve d’Olga, voyager… … dans les festivals du monde entier.

The Kiosk from Anete Melece on Vimeo.

J’aime cette histoire aux multiples résonances. Le désir de liberté qui anime Olga et qui lui permet de se mettre en mouvement nous touche particulièrement en ces temps de confinement imposé. Chacun, petits et grands, se retrouve dans ce portrait quels que soient ses bloquages et ses envies d’ailleurs.

Si de nombreux auteurs d’albums ont donné une nouvelle vie à leur histoire en les animant, le chemin inverse est plus rare et souvent décevant. Le changement de médium effectué par Anete Melece est ici remarquable. Elle a entrepris l’adaptation de son film sept ans après sa sortie. Ce laps de temps important lui a permis d’envisager son histoire avec un oeil nouveau. Elle a pris la décision de ne pas utiliser des images extraites du film mais d’en créer de nouvelles. illustration L’alternance d’images en vignettes et d’images plein cadre créé un rythme intéressant, le lecteur peut moduler sa lecture et prendre le temps d’explorer de grands tableaux.

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La nécessité de condenser un évènement en une seule image impose de nouveaux choix formels, de point de vue, de cadrage et de format. Elle impose aussi de trouver des astuces pour figurer le mouvement en démultipliant par exemple le personnage comme dans la page ci dessous qui figure la trajectoire d’Olga sur la rivière.

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Le passage du film au livre a aussi nécessité l’écriture d’un texte, le court métrage étant sans parole. Ce texte émane du regard chaleureux que porte Anete Melece sur son personnage principal nous la rendant éminemment sympathique. Enfin, la couverture du livre a été conçue avec soin par l’ancienne designeuse. Une découpe de l’encadrement du kiosque permet de passer de l’intérieur à l’extérieur en ouvrant et fermant la couverture. Quelle sera la nouvelle destination d’Olga ?

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« Les voix du Fleuve » exposition de Constanza Aguirre

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Exposition « Les voix du Fleuve », Constanza Aguirre, Espace Icare, Issy-les-Moulineaux, mars 2021

En ces temps de disette culturelle, quel bonheur de recevoir dans sa boîte mail l’invitation à l’exposition d’une artiste dont vous aimez particulièrement le travail. Je n’avais pas vu Constanza depuis notre entretien en 2015, elle m’avait alors reçue dans son atelier de Saint Denis. Elle travaillait à sa nouvelle série Les voix du Fleuve dont une sélection de toiles est exposée à l’espace Icare d’Issy-les-Moulineaux. Cette première rencontre avec le public est organisée par les artistes du collectif Ik-Art jusqu’au 27 mars 2021.

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Vue de l’atelier de Constanza Aguirre, toile en cours de réalisation, décembre 2015

Le fleuve colombien représenté sur les toiles de Constanza est le Río Atrató. Fidèle à sa démarche Constanza a accumulé des images, des extraits de film et des dessins effectués lors de ses voyages sur le fleuve avant de commencer son travail pictural.

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Je suis à nouveau marquée par la représentation de ces corps nus charriés par le fleuve. Constanza m’avait expliqué que ces cadavres sans nom, conséquence de la violence endémique qui sévit dans la région, sont pris en charge par les habitants des villages. Sans chercher à savoir s’ils sont victimes ou bourreaux, les habitants leur offrent une sépulture. Les combats entre groupes paramilitaires ne sont pas le seul fléau auquel doivent faire face les populations qui vivent sur les berges du fleuve. Le Río Atrató est le fleuve le plus pollué de Colombie. La déforestation et l’exploitation minière illégale ont profondément perturbé l’écosystème du bassin fluvial. Depuis 2017, la cour constitutionnelle a pris la décision de garantir les droits du fleuve et de ses habitants. Les tableaux de Constanza révèlent une crise environnementale et humanitaire qui la heurte dans une région possédant l’un des écosystèmes les plus diversifiés au mode.

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Si dans cette nouvelle série Constanza reste fidèle au noir et blanc avec toutefois quelques traces d’un galion rouge, témoins d’un repentir et de l’histoire des afro-colombiens, son travail devient de plus en plus figuratif. Toutefois chacun est invité à inventer sa propre histoire, Constanza nous rappelle, par le titre donné à la série, que les voix du fleuve sont multiples. D’autres fleuves devraient d’ailleurs rejoindre le Río Atrató. Avec cette sérieConstanza entreprend un travail au long court mené en solitaire et bientôt on l’espère en équipe. Un autre rendez-vous est pris !

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« The future is now » Nam June Paik au Stedelijk d’Amsterdam

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L’exposition consacrée à l’artiste coréen Nam June Paik s’ouvre sur son emblématique TV-Buddha réalisé en 1972. Si cette installation est représentée dans toutes les publications qui parlent de l’art vidéo, j’ai tout à découvrir du parcours de l’artiste qui l’a réalisée. L’exposition du Stedelijk offre un aperçu complet de sa carrière artistique. Elle est prolongée jusqu’au 4 octobre.                                                                                                                             Avant de vous montrer quelques oeuvres qui m’ont marquée dans cette exposition foisonnante, une petite vidéo qui donne la parole à l’artiste ! Interview de Nam June Paik par Thierry Ardisson en 1989.

TV-Buddha fascine par sa simplicité, nous sommes témoin d’un face à face silencieux entre un bouddha en bois et son image captée par une caméra et retranscrite sur un écran. Je ne peux m’empêcher de penser au jeu enfantin « Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier qui rira aura une tapette », un jeu qui se poursuivrait ici à l’infini… Le passé et le présent enchaînés pour la vie éternelle.

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TV- Bouddha, Nam June Paik, 1974

Le bouddhisme zen irrigue d’autres oeuvres dont les deux hypnotiques  « One Candle ». Le bruit et le foisonnement d’images laissent la place au silence et à une flamme vacillante.

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One Candle / Candle TV, Nam June Paik, 2004

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One Candle (Candle projection), Nam June Paik, 1989 vue partielle de l’installation au Stedelijk, 2020

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One Candle (Candle projection), Nam June Paik, 1989 vue partielle de l’installation au Stedelijk, 2020

Des photographies de Klaus Barisch témoignent des premières performances de l’artiste réalisées lors de son séjour en Allemagne au début des années 60. Par exemple des photos prises après son étude pour Piano Forte jouée dans le studio de l’artiste Mary Bauermeister montrent sa complicité avec le compositeur d’avant-garde John Cage et leur intérêt partagé pour les « oeuvres ouvertes » et l’humour.

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Nam June Paik, John Cage, David Tudor, studio de Mary Bauermeister, 1960 ©Klaus Barisch

Si vous voulez savoir ce qui est arrivé à la cravate et aux cheveux de John Cage c’est ici.

Précurseur et innovant dans l’utilisation d’objets technologiques, certaines de ses oeuvres prolongent une réflexion ancienne sur la nature des objets et leurs représentations. C’est le cas de Three eggs qui s’inscrit dans une problématique féconde de l’histoire de l’art.

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Three eggs (1975-1982), Name June Paik

« Ça me fait penser à … Retour vers le passé  »

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Une et trois chaises, Joseph Kosuth, 1965

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La trahison des images, René Magritte, 1928-1929

Et aussi au « duel » entre les peintres grecs Parrhasius et Zeuxis raconté par Pline l’ancien dans son Histoire Naturelle« [Zeuxis] eut pour contemporains et pour émules Timanthès, Androcyde, Eupompe, Parrhasius. Ce dernier, dit-on, offrit le combat à Zeuxis. Celui-ci apporta des raisins peints avec tant de vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter; l’autre apporta un rideau si naturellement représenté, que Zeuxis, tout fier de la sentence des oiseaux, demande qu’on tirât enfin le rideau pour faire voir le tableau. Alors, reconnaissant son illusion, il s’avoua vaincu avec une franchise modeste, attendu que lui n’avait trompé que des oiseaux, mais que Parrhasius avait trompé un artiste, qui était Zeuxis. »

Une oeuvre interactive qui invite le spectateur à prendre la place de la bougie ?

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Three Camera Participation / Participation TV, Nam June Paik, 1969-2001

Sa famille de robots.

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Lors d’un interview avec un journaliste de Libération qui lui demandait pourquoi il avait choisi la figure du robot, Nam June Paik répondait : Tout simplement parce qu’il est beaucoup plus facile de réaliser un robot qu’une sculpture humaine. Rodin a mis un an à sculpter son Balzac; moi, je peux faire un robot par mois. Je suis donc plus rapide, plus vif que Rodin (rires), et d’ailleurs je suis pour l’automation ! Certes, je ne suis pas Rodin, mais j’ai quand même fait un Jean-Jacques Rousseau, un Marat, un Voltaire, un Diderot… que beaucoup de gens ont adoré. Je suis incapable de dessiner la figure humaine, sans doute parce que c’est une question trop complexe. Je peux dessiner un poulet, un chien, une voiture, mais pas un corps humain. Le totem est une vieille superstition et le robot est une création moderne, cybernétique. Mais en fait, cyber-totem = robot. Le robot est notre totem cybernétique, une cybervaccination du monde moderne.

Et enfin sa « chapelle Sixtine », trop vite vue ! L’heure de la fermeture du musée a précipité l’exploration des dernières pièces.

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« L’extraordinaire aventure de Zarafa » au parc de Sceaux

1Trente-cinq ans après la première exposition qui lui était consacrée, la girafe de Charles X, désormais célèbre sous le nom de Zarafa, est à l’honneur dans une nouvelle exposition du musée départemental de Sceaux. La fille du journaliste Gabriel Dardaud qui a exhumé cette incroyable histoire dans les années 50 a fait don au musée de la riche collection de son père consacrée à l’animal au long cou.2Une belle occasion pour raconter à nouveau les aventures de cette jeune girafe née au Soudan qui a terminé sa vie à la ménagerie du jardin des plantes de Paris.                          L’exposition s’ouvre sur un ensemble passionnant de dessins de l’animal avant qu’il n’ait été observé de visu par ceux qui la représentaient.                                                          Imagine-t-on un monde sans Google images ?

Diderot et d'Alembert

Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, 1768

Buffon

Histoire naturelle, Buffon, 1768

La scénographie met en scène l’acheminement du précieux cadeau du vice-roi d’Egypte à Charles X en présentant des objets d’époque et des dioramas contemporains réalisés en Playmobil.

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« Le passage de la girafe à Arnay-le-duc, J-R Brascassat, 1887

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Diorama « l’arrivée à Auxerre »

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Estampe, vers 1827

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Diorama, la présentation au roi Charles X au château de Saint Cloud

Enfin, un ensemble bigarré d’objets à la gloire de la girafe, témoin de l’engouement du public pour l’exotisme, est mis en valeur.

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Boîte à confiserie, vers 1827

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Morceau de girouette, vers 1827

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Forme en métal pour impression de textiles, vers 1827

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« Le Bouffon choisi de Benjamin Rabier », 1924

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Savons de Marseille, années 1950

« La girafe », « La belle Africaine », « Le bel animal du roi » est désormais connue sous le non de Zarafa. C’est un auteur américain, Michael Allin qui l’a dénommée ainsi dans son livre non traduit en français, La véritable histoire d’une girafe arrivée à Paris depuis le coeur de l’Afrique, publié en 1998. Allin« Giraffe, girafe, giraffa (anglais, français, italien), tous viennent de l’arabe zerafa, une variante phonétique de zarafa qui signifie charmant ou ravissant. »                                                    Les petits visiteurs qui se pressaient dimanche dans l’exposition avaient certainement en tête quant à eux l’héroïne du long métrage de Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie.

Wright Morris à la Fondation Henri Cartier-Bresson

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Vide pour la plupart de toute présence humaine, les photographies de Wrigt Morris sont étrangement très habitées. Il pose son regard sur de simples constructions en bois et donne une présence forte aux objets domestiques. L’exposition que lui consacre la fondation Henri Cartier-Bresson révèle trois romans de ce « photographe-écrivain » : The Inhabitants, The Home Place et God’s Country and My People.

The Inhabitants

The Inhabitants, 1946

The Home place

The Home Place, 1946

« Ici on s’use, les hommes et les femmes s’usent, les maisons et les hangars, les machines s’usent, et tous les dix ans, on remplace l’assise du fauteuil canné. »

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God’s Country and My People, 1968

« La dernière fois que j’ai vu Oncle Dwight, je l’ai questionné sur ma mère. Je savais que j’avais ses yeux et sa volonté obstinée. Si elle avait vécu, ma vie aurait été différente, aucun doute là-dessus. C’était une pionnière, la première de sa tribu à tenter de décrocher la lune. »

Réalité et fiction raisonnent au-delà des associations créées par Wright Morris.                    Ses photographies m’invitent dans les coulisses de films mythiques telles des photos de décors ou d’accessoires abandonnés.

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Une ferme en Hiver, Nebraska, 1941

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La ruée vers l’or, Chaplin, 1925-1941

Model T, Chez l'oncle Ed, Nebraska, 1947

Model T, Chez l’oncle Ed, Nebraska, 1947

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Pour épater les poules, Charley Bowers, 1925

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Chez le barbier Eddie Cahow, Nebrasca, 1947

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La poursuite infernale (My Darling Clementine), John Ford, 1946

Raoul Servais en jeune écrivain…

Raoul servais

« Servais » de Rudy Pinceel, 2018

On peut tout à la fois être le maître de l’animation belge, voir son oeuvre entrer dans un musée de son vivant et écrire un premier roman. Raoul Servais qui a fêté ses 90 ans le premier mai dernier était cette semaine l’invité d’honneur du centre Wallonie-Bruxelles et du Forum des images pour accompagner la sortie de son roman graphique « L’éternel présent ». La projection du documentaire de Rudy Pinceel, les conversations publiques animées par le passionné Louis Héliot et la projection d’une sélection de sa filmographie offraient une occasion rare de rencontrer ce grand artiste.

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Louis Héliot et Raoul Servais au centre Wallonie-Bruxelles 18/09/18

J’ai été frappée par la sincérité de cet homme qui exprime avec force sa révolte contre toute forme de totalitarisme, sa joie à s’emparer de crayons pour dessiner, son plaisir à chercher des techniques d’animation mais aussi la fatigue, l’ennui qui peut le saisir lors de la fabrication de ses films. L'éternel PrésentLe roman graphique L’éternel présent est « la correction » de son long métrage Taxandria sorti en 1994. La réalisation de ce premier long métrage ne s’est pas passé comme il le souhaitait, il a dû composer avec l’économie du cinéma en prises de vue réelles et faire des compromis tant sur le scénario que sur les techniques utilisées. Lors d’un entretien en 2010 avec le site Cinergie, il est revenu longuement sur cette expérience.

Fort heureusement le film n’a épuisé ni l’histoire de Taxandria ni l’énergie de Raoul Servais. Après la BD de Schuiten et Peeters Souvenirs de l’éternel présent sortie en 2009, nous pouvons maintenant découvrir l’histoire de cette dystopie telle qu’elle avait été imaginée par son créateur lors de l’écriture de son premier scénario. Je nous souhaite une bonne lecture !

Le Musée National du Cinéma de Turin

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Vue de l’intérieure de la Mole Antonelliana avec projection de Fantasmagories

Pour quitter la fraîcheur du parc national du Grand Paradis et affronter une grande ville comme Turin, il fallait une solide motivation : visiter le musée national du cinéma. Ce lieu envoûtant créé en 1958 par la chercheuse Maria Adriana Prolo fait corps avec le bâtiment de la Mole Antonelliana, véritable phare dans la ville.

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Dôme et flèche de la Mole Antonelliana

La collection d’objets de l’archéologie du cinéma est extraordinaire, plaisir de retrouver des valeurs sûres comme les marionnettes des théâtres d’ombres, les vues stéréoscopiques, les lanternes magiques… plaisir aussi de découvrir des procédés comme le paradoxe dioptrique qui joue avec une lentille prismatique.

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Le théâtre d’ombres construit par Carlo Pinelli, vers 1940

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Image pour un Paradoxe Dioptrique. L’effet est à voir sur place, impossible à photographier !

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Une boîte d’optique et…

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… une de ses vues !

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vues stéréoscopiques

L’interaction est une autre force du musée, les visiteurs explorent les dispositifs, joie de voir son image inversée dans une chambre noire géante, de regarder dans l’oeilleton du kinétoscope d’Edison, de jouer avec les effets spéciaux…

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Le sténopé de la chambre noire

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le décor inversé

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Sans les mains !

Les anciens spectacles sont aussi revisités avec une réinterprétation de la Fantasmagorie de Robertson et de la première projection des vues des frères Lumière. Dommage que la reconstitution du théâtre optique d’Emile Reynaud reste statique !                                        Le deuxième étage rend hommage aux professionnels qui font fonctionner La Machine du Cinéma à travers photos, affiches, dessins et multiples objets. L’envie de voir les films qui leur sont liés est démultipliée à l’infini… Le cinéma néo-réaliste est particulièrement mis à l’honneur.

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« Riz amer » de De Santis, 1949

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« Bellisima » de Visconti, 1951

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Cellulo de Bruno Bozzetto

La grande salle du temple (l’édifice devait accueillir à l’origine une synagogue) avec ses chaises longues rouges permet un repos bien venu avant de découvrir l’exposition temporaire consacrée à la musique. Le parcours qui s’élève sur la fameuse rampe hélicoïdale est passionnant !IMG_5724

J’espérais profiter de ce mini-séjour dans une grande ville italienne pour me procurer des albums de Emanuele Luzzati. Nous sommes allés dans 5 librairies et… je rentre bredouille ! Une charmante libraire jeunesse me dit, désolée, que Luzzati a plus de succès à l’étranger que dans son propre pays !

Roman-Photo au Mucem

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Visuel de l’exposition du Mucem (13 décembre 2017 – 23 avril 2018)

Le Mucem consacre une exposition passionnante à cette nouvelle forme de récit en images née en Italie au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Petite mise en bouche avec le documentaire d’Antonioni, L’Amorosa MenzognaLe réalisateur italien dévoile dans son court métrage les coulisses de fabrication des romans photos ainsi que l’engouement populaire pour ces récits et leurs vedettes.

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Photogramme de L’Amorosa Menzogna (Le mensonge Amoureux) de Michel Angelo Antonioni, 1949

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Photogramme de L’Amorosa Menzogna (Le mensonge Amoureux) de Michel Angelo Antonioni, 1949

Le photogramme ci-dessus illustre bien le jeu des acteurs qui travaillent en tableaux fixes en suivant les indications du photographe. L’image doit être très lisible, les gestes et les expressions des acteurs sont amplifiés. Les décors sont quant à eux très simples et les accessoires peuvent être dessinées sur l’image.                                                                 En parallèle du roman-photo sentimental se développe dans les années 50-60, le ciné-roman. Appelé aussi le cinéma du pauvre, le récit est construit à partir des photogrammes des films ou de photographies réalisées lors du tournage par un photographe de plateau.

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Ciné-roman « À bout de souffle » du photographe de plateau Raymond Cauchetier, Le Parisien Libéré, 1969

La Nouvelle Vague flirte avec ce genre populaire. À bout de souffle de Jean-Luc Godard bénéficie dès sa sortie de plusieurs adaptations en ciné-roman. Le livre de Pierre Pinchon, Contrebandes Godard, nous donne accès aux fac-similés de ces différentes versions. Leur comparaison est riche d’enseignements. La preuve en images avec la séquence finale du film.

Extrait « À bout de souffle », Le Hérisson, 2 pages, 1960

Extrait « À bout de souffle », Votre Film, 1962

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Extrait « À bout de souffle », Le Parisien Libéré, 1969

La télévision joue à son tour avec ce médium. En 1966, le magazine télévisé Dim, Dam, Dom produit un court métrage à la forme originale. Parodie des histoires sentimentales, il nous raconte les amours d’une pauvre orpheline et d’un metteur en scène entre Bretagne et Paris. Plus surprenant, il emprunte le style des romans photos, les pensées et les dialogues étant inscrits dans des bulles…

En 1992, l’équipe des Nuls reprend cette idée dans un épisode hilarant appelé Nous quatre !

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« Nous quatre » Les nuls du 14 mars 1992, Studio Canal, extrait

Les détournements sont nombreux : satiriques, pédagogiques, politiques, artistiques…        Ils montrent la richesse du médium. Petit aperçu de mes préférés…

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« Les pauvres sont des cons », Charlie Ebdo n°483, 1980, extrait

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« Amazing Rick Dick, Super Sleuth » dans « Now becoming then » de Duane Michals, 1990

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Photographies détournées de pin-ups pour les tracts clandestins « España en el corazón, Revue Internationale Situationniste, 1964