Raoul Servais en jeune écrivain…

Raoul servais

« Servais » de Rudy Pinceel, 2018

On peut tout à la fois être le maître de l’animation belge, voir son oeuvre entrer dans un musée de son vivant et écrire un premier roman. Raoul Servais qui a fêté ses 90 ans le premier mai dernier était cette semaine l’invité d’honneur du centre Wallonie-Bruxelles et du Forum des images pour accompagner la sortie de son roman graphique « L’éternel présent ». La projection du documentaire de Rudy Pinceel, les conversations publiques animées par le passionné Louis Héliot et la projection d’une sélection de sa filmographie offraient une occasion rare de rencontrer ce grand artiste.

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Louis Héliot et Raoul Servais au centre Wallonie-Bruxelles 18/09/18

J’ai été frappée par la sincérité de cet homme qui exprime avec force sa révolte contre toute forme de totalitarisme, sa joie à s’emparer de crayons pour dessiner, son plaisir à chercher des techniques d’animation mais aussi la fatigue, l’ennui qui peut le saisir lors de la fabrication de ses films. L'éternel PrésentLe roman graphique L’éternel présent est « la correction » de son long métrage Taxandria sorti en 1994. La réalisation de ce premier long métrage ne s’est pas passé comme il le souhaitait, il a dû composer avec l’économie du cinéma en prises de vue réelles et faire des compromis tant sur le scénario que sur les techniques utilisées. Lors d’un entretien en 2010 avec le site Cinergie, il est revenu longuement sur cette expérience.

Fort heureusement le film n’a épuisé ni l’histoire de Taxandria ni l’énergie de Raoul Servais. Après la BD de Schuiten et Peeters Souvenirs de l’éternel présent sortie en 2009, nous pouvons maintenant découvrir l’histoire de cette dystopie telle qu’elle avait été imaginée par son créateur lors de l’écriture de son premier scénario. Je nous souhaite une bonne lecture !

Le Musée National du Cinéma de Turin

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Vue de l’intérieure de la Mole Antonelliana avec projection de Fantasmagories

Pour quitter la fraîcheur du parc national du Grand Paradis et affronter une grande ville comme Turin, il fallait une solide motivation : visiter le musée national du cinéma. Ce lieu envoûtant créé en 1958 par la chercheuse Maria Adriana Prolo fait corps avec le bâtiment de la Mole Antonelliana, véritable phare dans la ville.

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Dôme et flèche de la Mole Antonelliana

La collection d’objets de l’archéologie du cinéma est extraordinaire, plaisir de retrouver des valeurs sûres comme les marionnettes des théâtres d’ombres, les vues stéréoscopiques, les lanternes magiques… plaisir aussi de découvrir des procédés comme le paradoxe dioptrique qui joue avec une lentille prismatique.

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Le théâtre d’ombres construit par Carlo Pinelli, vers 1940

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Image pour un Paradoxe Dioptrique. L’effet est à voir sur place, impossible à photographier !

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Une boîte d’optique et…

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… une de ses vues !

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vues stéréoscopiques

L’interaction est une autre force du musée, les visiteurs explorent les dispositifs, joie de voir son image inversée dans une chambre noire géante, de regarder dans l’oeilleton du kinétoscope d’Edison, de jouer avec les effets spéciaux…

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Le sténopé de la chambre noire

le décor inversé

le décor inversé

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Sans les mains !

Les anciens spectacles sont aussi revisités avec une réinterprétation de la Fantasmagorie de Robertson et de la première projection des vues des frères Lumière. Dommage que la reconstitution du théâtre optique d’Emile Reynaud reste statique !                                        Le deuxième étage rend hommage aux professionnels qui font fonctionner La Machine du Cinéma à travers photos, affiches, dessins et multiples objets. L’envie de voir les films qui leur sont liés est démultipliée à l’infini… Le cinéma néo-réaliste est particulièrement mis à l’honneur.

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« Riz amer » de De Santis, 1949

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« Bellisima » de Visconti, 1951

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Cellulo de Bruno Bozzetto

La grande salle du temple (l’édifice devait accueillir à l’origine une synagogue) avec ses chaises longues rouges permet un repos bien venu avant de découvrir l’exposition temporaire consacrée à la musique. Le parcours qui s’élève sur la fameuse rampe hélicoïdale est passionnant !IMG_5724

J’espérais profiter de ce mini-séjour dans une grande ville italienne pour me procurer des albums de Emanuele Luzzati. Nous sommes allés dans 5 librairies et… je rentre bredouille ! Une charmante libraire jeunesse me dit, désolée, que Luzzati a plus de succès à l’étranger que dans son propre pays !

Roman-Photo au Mucem

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Visuel de l’exposition du Mucem (13 décembre 2017 – 23 avril 2018)

Le Mucem consacre une exposition passionnante à cette nouvelle forme de récit en images née en Italie au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Petite mise en bouche avec le documentaire d’Antonioni, L’Amorosa MenzognaLe réalisateur italien dévoile dans son court métrage les coulisses de fabrication des romans photos ainsi que l’engouement populaire pour ces récits et leurs vedettes.

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Photogramme de L’Amorosa Menzogna (Le mensonge Amoureux) de Michel Angelo Antonioni, 1949

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Photogramme de L’Amorosa Menzogna (Le mensonge Amoureux) de Michel Angelo Antonioni, 1949

Le photogramme ci-dessus illustre bien le jeu des acteurs qui travaillent en tableaux fixes en suivant les indications du photographe. L’image doit être très lisible, les gestes et les expressions des acteurs sont amplifiés. Les décors sont quant à eux très simples et les accessoires peuvent être dessinées sur l’image.                                                                 En parallèle du roman-photo sentimental se développe dans les années 50-60, le ciné-roman. Appelé aussi le cinéma du pauvre, le récit est construit à partir des photogrammes des films ou de photographies réalisées lors du tournage par un photographe de plateau.

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Ciné-roman « À bout de souffle » du photographe de plateau Raymond Cauchetier, Le Parisien Libéré, 1969

La Nouvelle Vague flirte avec ce genre populaire. À bout de souffle de Jean-Luc Godard bénéficie dès sa sortie de plusieurs adaptations en ciné-roman. Le livre de Pierre Pinchon, Contrebandes Godard, nous donne accès aux fac-similés de ces différentes versions. Leur comparaison est riche d’enseignements. La preuve en images avec la séquence finale du film.

Extrait « À bout de souffle », Le Hérisson, 2 pages, 1960

Extrait « À bout de souffle », Votre Film, 1962

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Extrait « À bout de souffle », Le Parisien Libéré, 1969

La télévision joue à son tour avec ce médium. En 1966, le magazine télévisé Dim, Dam, Dom produit un court métrage à la forme originale. Parodie des histoires sentimentales, il nous raconte les amours d’une pauvre orpheline et d’un metteur en scène entre Bretagne et Paris. Plus surprenant, il emprunte le style des romans photos, les pensées et les dialogues étant inscrits dans des bulles…

En 1992, l’équipe des Nuls reprend cette idée dans un épisode hilarant appelé Nous quatre !

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« Nous quatre » Les nuls du 14 mars 1992, Studio Canal, extrait

Les détournements sont nombreux : satiriques, pédagogiques, politiques, artistiques…        Ils montrent la richesse du médium. Petit aperçu de mes préférés…

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« Les pauvres sont des cons », Charlie Ebdo n°483, 1980, extrait

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« Amazing Rick Dick, Super Sleuth » dans « Now becoming then » de Duane Michals, 1990

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Photographies détournées de pin-ups pour les tracts clandestins « España en el corazón, Revue Internationale Situationniste, 1964

Henri-Georges Clouzot, un réalisateur en oeuvres

IMG_1464Quarante ans après sa mort, Henri-Georges Clouzot est de retour dans sa ville natale. En écho à l’exposition organisée par son oncle au musée Galliera en 1924, L’art dans le cinéma français, l’exposition du musée Bernard d’Agesci de Niort célèbre l’art visuel en lien avec trois films cultes de la dernière période du réalisateur : Le Mystère Picasso, L’Enfer et La Prisonnière.

« Je ne suis pas un littéraire. On le dit, mais c’est faux. Quand je commence à raconter une histoire, c’est toujours en partant d’un choc visuel subi, pour aboutir à un choc réinventé, à une image déformée et quelquefois, je l’espère, efficace. »                                                                                                     H-G Clouzot à André Parinaud, Arts, n° 552

Ce désir de donner à voir les images mentales qui l’obsèdent est une constante dans l’oeuvre du cinéaste. Cette préoccupation est-elle à l’origine de sa collaboration avec Pablo Picasso ? Le prologue du Mystère Picasso présent dans l’exposition permet de le supposer… « On donnerait cher pour savoir ce qui s’est passé dans la tête de Rimbaud quand il écrivait Le Bateau ivre… dans la tête de Mozart pendant qu’il composait la symphonie Jupiter… pour connaître ce mécanisme secret qui guide le spectateur dans son aventure périlleuse. Grâce à Dieu, ce qui est impossible pour la poésie et la musique est réalisable en peinture… » 

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Photogramme du Mystère Picasso de Henri-Georges Clouzot, 1956

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« Tête de Faune  » de Pablo Picasso, été 1955

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Cahier du Cinéma, n° 60, juin 1956

L’article qu’André Bazin a écrit dans Les cahiers du cinéma à la sortie du film est exposé. Sa lecture est passionnante. Bazin souligne que seul le cinéma est à même de rendre compte des métamorphoses successives d’une peinture telle que la concevait Pablo Picasso. Le rapprochement entre la forme du film de Clouzot et celle des films d’animation expérimentaux m’intéresse particulièrement. Ce texte sera repris dans le recueil, Qu’est-ce que le cinéma ? édité aux éditions du CERF.                                                                                    … Cette conception ne fonde pas le dessin animé sur l’animation à postériori d’un dessin qui aurait virtuellement une existence autonome, mais sur le changement du dessin lui-même où plus exactement sur sa métamorphose. L’animation n’est pas alors pure transformation logique de l’espace, elle est de nature temporelle. C’est une germination, un bourgeonnement. La forme engendre la forme sans jamais la justifier…                                                               Un film bergsonien : « Le Mystère Picasso » de André Bazin, 1956

Dans L’enfer, ce n’est plus la conscience d’un artiste que Clouzot met en scène mais celle d’un personnage. Son scénario tient en une seule ligne. Marcel (Serge Reggiani) est un homme maladivement jaloux de son épouse Odette (Romy Schneider). Clouzot recherche  comment traduire plastiquement la névrose de son héros.

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Photogramme de « L’enfer » avec Serge Reggiani, H-G Clozot, 1964, film inachevé

Recherche désespérée s’il en est, l’obsession du réalisateur rejoignant celle de son personnage. Si le film n’a pu être achevé, les photogrammes et les rushs venus jusqu’à nous grâce au documentaire de Serge Bromberg sont des témoins hallucinants de ce désir de filmer l’intérieur d’un cerveau.

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Photogrammes de « L’enfer », 1964 / « H-G Clouzot, un réalisateur en oeuvres », musée Bernard d’Agesci

Après L’enfer, l’art cinétique est à nouveau sollicité pour le dernier film de Clouzot. Des oeuvres d’Yvaral, d’Antonio Asis, de Nicolas Schöffer et de François Morellet évoquent la galerie fictive de La Prisonnière.

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« Sphère-trames » de François Morellet, 1962 / « H-G Clouzot, un réalisateur en oeuvres », musée Bernard d’Agesci

L’exposition se termine par la reconstitution de l’appartement de Stan, le directeur de la galerie d’art joué par Laurent Tersieff. Joli cadeau offert aux visiteurs de se promener dans un décor de film composé par des oeuvres d’art ayant appartenu à Clouzot et au galeriste Daniel Cordier.

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« Le couple » de Meret Oppenheim, 1956 / « H-G Clouzot, un réalisateur en oeuvres », musée Bernard d’Agesci

Michel Ocelot au Forum des Images

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Michel Ocelot, Jacques Bled et Laurent Valière au Forum des Images, 16 décembre 2017

On peut être le père de Kirikou et galérer pour trouver le financement de son prochain long métrage. Michel Ocelot, invité du Carrefour du cinéma d’animationa conté devant un public conquis la pugnacité qu’il a dû déployer pour faire vivre sa nouvelle héroïne, Dilili.

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Dilili

Convaincu d’avoir écrit un scénario merveilleux, Michel Ocelot est quelque peu décontenancé (le mot est faible) devant la salve de refus qu’il essuie lorsqu’il présente son projet aux partenaires historiques de l’animation. Trois producteurs, les chaînes de TV et même le CNC retoquent son histoire. Plus étrange encore, il reçoit une dizaine de lettres anonymes lui expliquant à quel point son scénario est mauvais.                                      Mis à part la parenthèse enchantée de la production d’Azur et Asmar, Michel Ocelot s’est toujours battu pour défendre ses histoires et face à cette opposition générale, loin d’abdiquer, il commence sans attendre son film en explorant Paris avec son appareil photo.

Michel Ocelot aux égouts de Paris

Michel Ocelot dans les égouts de Paris

Il parcourt un nombre incroyable de kilomètres sur et sous l’asphalte parisien et ouvre les portes de lieux illustres ou plus inattendus recueillant ainsi plus de 17000 photos. Tous les décors du film seront réalisés à partir de ces photographies. Michel Ocelot donne à voir un Paris de la Belle Epoque entre rêve et réalité grâce à d’incroyables décors composites.

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Le salon de Sarah Bernhardt est composé de tentures de l’Opéra, de fauteuils du musée d’Orsay, d’une chaise redessinée par Michel Ocelot…

Michel Ocelot n’aurait pas pu continuer l’aventure seul. Lors de la rencontre, il a tenu à saluer le soutien indéfectible de Jacques Bled des Studios Mac Guff Ligne et a rendu hommage à Virginie Guilminot du studio Les Fées Spéciales. Le film se fabrique entre Paris, Montpellier et Bruxelles.                                                                                               Avant de montrer quelques extraits du film qui devrait sortir sur nos écrans en octobre 2018, Michel Ocelot rappelle les éléments clés de son scénario. Lors de l’exposition universelle de 1900, une fillette canaque, Dilili, est confrontée à un mystère terrifiant. Un groupe de malfaiteurs appelé Les Mâles Maîtres enlève les petites filles de la capitale.

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© Nord-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

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© Nord-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

© Nors-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

© Nord-Ouest Films/ Studio O/ Senator Film/Artémis

Aidée dans sa lutte contre le mal par un jeune livreur en triporteur et par une cantatrice interprétée par Nathalie Dessay, la jeune Dilili va rencontrer un nombre impressionnant de figures illustres de la Belle Époque, des artistes, des scientifiques, des politiques… La part belle est donnée aux femmes avec un trio éclectique composé de l’actrice Sarah Bernhardt, du prix Nobel de physique Marie Curie et de l’anarchiste Louise Michel.              Lors des questions du public, Michel Ocelot précise que son film a été pensé pour la 3D mais pour des raisons économiques la technique d’animation retenue est un savant mélange de 3D et de 2D réalisé avec les logiciels libres Blender et Krita.

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Dans cette séquence du Bateau-Lavoir, deux personnages sont animés en 3D, les autres en 2D… Ils ne font juste pas la même chose…

En attendant la sortie du film, on peut faire une petite balade parisienne en suivant les pas de Michel Ocelot. Il nous souffle la première étape, le square Rappe dans le 7ème arrondissement à la découverture de l’architecte Jules Lavirotte.

Will Eisner au musée de la BD à Angoulême

couvAller présenter Phantom Boy à Angoulême et tomber sur une exposition Will Eisner, la vie vous fait de beaux cadeaux. Cette exposition met à l’honneur son héros Spirit tout en faisant découvrir d’autres facettes de son travail prolifique. J’aurais aimé avoir plus de temps pour lire chacune des planches exposées mais si le but de l’exposition est de créer du désir, le pari est réussi ! Ma découverte de cette oeuvre ne fait que commencer !

Je me suis arrêtée longuement sur les 7 planches de Spirit, Gerhard Shnobble parues en 1948. Venue à Angoulême pour parler d’un héros volant je ne pouvais qu’être attirée par cette histoire. Tout me plaît ! L’insertion de photographies au milieu des dessins, les points de vue incroyables sur New York, la représentation du vol… Le chassé-croisé entre le Spirit et l’obscure employé de banque… La notion du héros classique revisitée…

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948 (détail)

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948 (détail)

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948 (détail)

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948 (détail)

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948

Spirit, Gerhard Shnobble, 1948

J’ai été aussi particulièrement intéressée par l’aspect autobiographique d’une grande partie de ses oeuvres…

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Le dessinateur apparaît subrepticement à l’angle d’un page accompagné par un étrange personnage. New York Trilogie

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Quand un auteur annonce à son personnage qu’il a envie de passer à autre chose ! Spirit : the last hero

Quand sa vie professionnelle et personnelle inspire ses romans graphiques.  Le rêveur

Quand sa vie professionnelle et personnelle inspire ses romans graphiques. Le rêveur

Le musée de la bande dessinée d’Angoulême accueille l’exposition jusqu’au 5 novembre. Elle peut être complétée par un passionnant dossier en ligne édité à l’occasion du centenaire de Will Eisner.

La réalisatrice Gitanjali Rao au Forum des images

Workshop de Gitanjali Rao au Forum des images , 4 février 2017

Workshop de Gitanjali Rao au Forum des images , 4 février 2017

Dans le cadre de son cycle India Express, Le Forum des images recevait la réalisatrice indienne Gitanjali Rao. Emerveillée par son court métrage Prainted Raimbow, j’étais très curieuse de découvrir son travail.                                                                          Passionnée d’art, elle est diplômée de l’institut des arts appliqués de Mumbay (ex Bombay). Elle découvre le cinéma d’animation lors d’un festival qui met à l’honneur l’oeuvre du réalisateur polonais Jerzy Kucia. Elle voit à travers cet art la possibilité de réunir sa passion de la peinture et son désir de faire des films. Autodidacte, elle apprend son métier d’animatrice dans un studio d’animation de Mumbay en réalisant des publicités. Parallèlement à ce travail alimentaire, elle commence un travail personnel sur son temps libre, elle réalise en 2002 son premier court métrage Orange. C’est avec son deuxième court métrage Prainted Raimbow que son travail est reconnu, elle reçoit de très nombreux prix tant dans son pays qu’à l’étranger. Prainted Raimbow est notamment primé à la Semaine de la Critique à Cannes.                                                                                                                            Au delà des projets aboutis, Gitanjali Rao présente deux films qui n’ont pu être finalisés faute de financement. Elle a travaillé pendant plus d’un an avec la firme Walt Disney à une adaptation du Mahabharata transposé dans le monde contemporain. Elle a aussi réalisé les premiers plans de Girgit qui raconte l’histoire de trois jeunes qui quittent leur village natale pour travailler dans une grande ville. Elle espère pouvoir reprendre ce projet en un long métrage.

Un des personnages de Shadows of Mahabharat (2010)

Le méchant de « Shadows of Mahabharat « (2010)

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Les deux personnages principaux de  » Shadows of Mahabharata » (2010)

Ce qui passionne Gitanjali Rao est de mettre les arts traditionnels indiens au centre de sa démarche artistique. Elle découvre grâce à Internet les styles des différentes régions de son immense pays et s’en inspire pour son animation : les miniatures indiennes, la peinture de Madhubani, les marionnettes en cuir découpé de Karnataka, les peintures murales… Son dernier court métrage True Love Story a lui aussi été sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes en 2014. Il n’a pas actuellement de distributeur en France, c’est un véritable privilège de le découvrir sur un grand écran.

gitanjali-rao-true-love-story-shortTrue Love Story nous propose à nouveau un voyage entre le réel et le rêve à travers la rencontre de deux jeunes vendeurs des rues. Il souligne aussi le danger que peut représenter Bollywood comme unique source d’évasion. Au delà des images lumineuses, j’ai été marquée lors de la projection par l’intensité réaliste de la bande son. Nous sommes comme les protagonistes agressés par la circulation intensive de la ville qui détruit les vies. Lors des questions du public, Gitanjali Rao dévoile son rêve de travailler à une co-production entre l’Inde et la France. Vivement qu’elle soit entendue !

Rencontre avec François Schuiten et Benoît Peeters…

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François Schuiten, Adrien Genoudet et Benoît Peeters au Centre Wallonie-Bruxelles

L’automne est flamboyant pour le duo des Cités obscures. Ils sont sous les feux de l’actualité avec la sortie du deuxième tome de Revoir Paris et une très belle exposition au Musée des arts et métiers, Machines à dessiner. A cette occasion, le centre Wallonie-Bruxelles organisait une rencontre avec les deux auteurs et Adrien Genoudet, coréalisateur d’un documentaire sur leur travail à quatre mains.

Il est commun de penser que le scénariste et le dessinateur interviennent successivement dans l’élaboration d’une bande dessinée. Schuiten et Peeters font exploser cette représentation, en effet ils réalisent ensemble la conception de l’histoire par un dialogue au long court. C’est une méthode « casse gueule », l’histoire peut leur échapper, toutefois ce risque est aussi le garant d’un plaisir renouvelé. Le film d’Adrien Genoudet et de Guillaume Diamant-Bergé, A quatre mains, donne à voir l’intimité de leur démarche artistique. Il a été tourné en un jour dans la maison de François Schuiten au mois de mars 2016. Les réalisateurs ont mis en place un procédé d’enregistrement simple pour se fondre dans le décor et se faire oublier. Ils ont pu ainsi capter les paroles, les gestes et les regards de Schuiten et de Peeters pendant l’élaboration des dernières planches de Revoir Paris, La nuit des constellations.

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« A quatre mains  » de Guillaume Diamant-Bergé et Adrien Genoudet

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A quatre mains, Guillaume Diamant-Bergé et Adrien Genoudet, 2016

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Dernières pages de Revoir Paris , La nuit des constellations, Casterman, 2016

L’image est au coeur de leur démarche. Albert Robida, Winsor McCay hantent leur panthéon visuel. L’excellente vidéo réalisée pour l’exposition du Musée des arts et métiers, Naissance d’une affiche, dévoile les photographies documentaires qui côtoient les multiples crayons sur la table de dessin de François Schuiten.

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Naissance d’une affiche, Vladimir Peeters, 2016

La relation de Kârinh aux images est une métaphore de leur travail. Comme eux, l’héroïne de Revoir Paris se shoote aux images, elle rêve, elle voyage à travers elles…

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Revoir Paris, Schuiten et Peeters, 2014

Pour Peeters, la case de BD est une petite maison. On est invité à entrer dedans, à l’habiter, à l’explorer, à chercher des détails. Voir une image est une démarche active.

Enfin, Schuiten et Peeters ont un grand plaisir à concevoir des expositions, le travail de scénographe prolongeant leur travail d’auteur. Machines à dessiner montre la fabrique de leur travail, dévoile le lien entre réel et imaginaire qui les anime et donne envie à tout un chacun de s’emparer d’un crayon.

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La salle de dessin, Machines à dessiner, Musée des arts et métiers

Vous avez jusqu’au 26 février pour découvrir Machines à dessiner