Youri Norstein au Forum des Images

Jours d’Hiver © 2003 IMAGINA entertainment and Dentsu Tech

        Je suis allée samedi à la rencontre d’un grand monsieur, Youri Norstein.

Invité par le Forum des images pour un week-end célébrant son oeuvre et celle de son ami japonais Kawamoto Kihachirô, il s’est prêté à de multiples échanges avec le public.           Avoir l’occasion de voir ses films sur grand écran est déjà un cadeau magnifique. Le « hérisson dans le brouillard « , « le héron et la cigogne » et « le conte des contes » se sont déployés sous nos yeux enchantés. L’entendre parler de son art, mais surtout de la philosophie de la vie qui le sous-tend, est un moment exceptionnel, à partager !

Son amour pour le Japon est né de la lecture d’un livre du poète Bashô découvert par hasard dans une librairie. La recherche de vérité et de simplicité qui fonde les poèmes courts japonais résume parfaitement sa conception de l’art,  » un sujet très simple peut devenir quelque chose de grand » nous dit-il ! Il prolonge par cette phrase  » le niveau de l’art ne dépend pas de l’échelle de l’évènement qui est représenté ». Son « hérisson dans le brouillard » est une magnifique illustration de cette idée.

Le hérisson dans le brouillard de Youri Norstein

Et lorsqu’il évoque des sujets graves comme la guerre, c’est par des détours percutants. Le départ à la guerre des hommes lors du bal populaire dans « le conte des contes » me touche particulièrement, c’est le bonheur au quotidien qui est anéanti au son de l’accordéon.

Le conte des contes de Youri Norstein

A la question « quels conseils donneriez vous à un enfant à l’aube de sa vie », Norstein a répondu « sois gai, drôle et attentif ». Attentif à la nature notamment ; que l’enfant ait conscience qu’une feuille d’arbre est vivante, que cet arbre est enraciné dans la terre et qu’il joue avec cette terre nourricière à se salir les mains ! Attentif aussi à « la musique de la parole, de la littérature ». Les textes de Gogol l’ont accompagné dès son enfance, il a choisi nous dit-il « d’être en bonne compagnie ». Shakespeare, Proust, Eisenstein, Rembrandt, Vélasquez sont ses compagnons de route.

Réunir l’oeuvre de Kawamoto et de Norstein au cours de ce week-end célèbre la complicité qui a existé entre les deux hommes, entre les deux créateurs. La participation de Norstein à « Jours d’hiver », oeuvre conçue par Kawamoto, en est le point d’orgue. Norstein ouvre cette mosaïque littéraire et visuelle en illustrant ces vers de Bashô :

 » Vers insensés :                                                                                                                   Errant au vent d’automne,                                                                                     ressemblerais-je au poète panier percé ? »

Il lui a fallu plus d’un an de travail pour réaliser quelques minutes du film tant il a été attentif aux moindres détails. « Qu’est-ce que le croisement des cultures ? » se demande -t-il tout au long du projet. Une de ses préoccupations est de trouver la couleur juste qui puisse unir le film. C’est dans les peintures de Roubliov qu’il a trouvé la solution : du doré, du marron, du bleu un peu gris. Et « ça a marché ! C’est ça, le croisement des cultures, la mémoire des choses que l’on a vu auparavant. »

L’icône de la trinité d’Andreï Roubliov, vers 1411

J’ai vu pour la première fois un extrait du « manteau », son adaptation de la nouvelle de Gogol. Vingt minutes muettes d’une grande intensité ! On suit son héros Akakiévitch dans les rues de Saint Pétersbourg puis à son domicile où réchauffé il se prépare à son activité de copiste. Le clair obscur est d’une grande richesse et la mobilité du personnage réalisé en papiers découpés est incroyable. Représenter un pauvre fonctionnaire en train de boire une tasse de thé peut être le sommet de l’art !

Le manteau de Youri Norstein

Youri Norstein a lu « le manteau » à l’âge de 12 ans, il en a écrit le scénario à 40 ans. L’oeuvre reste inachevée pour ses 70 ans, le moins qu’on puisse dire est que « le manteau » est le projet d’une vie. Les aléas liés à la réalisation du film sont nombreux mais à l’instar de Bashô qui lutte contre le vent dans « Jours d’hiver », Norstein n’a pas peur  d’affronter les difficultés et ne renonce pas. Son ami Kawamoto avait lancé une souscription publique pour terminer le financement de son oeuvre ultime « le livre du mort ». Je suis prête à parier que les donateurs seraient nombreux pour aider Norstein à terminer le financement de la réalisation du « manteau » !

Aya de Yopougon

Image du film issue du blog de Clément Oubrerie http://www.oubrerie.net

Exercice nouveau, écrire sur un film qui n’est pas sorti. J’étais hier au salon du livre, porte de Versailles et j’ai assisté à une rencontre avec une « petite » partie de l’équipe qui est en train d’adapter la BD Aya en film d’animation.

Comme de très nombreux lecteurs, j’ai été conquise dès le premier volume par cette chronique d’un quartier populaire d’Abidjan des années 70. Les histoires qui s’enchaînent sont hautes en couleur, on ne s’ennuie pas à Yopougon. La vie familiale, les relations entre voisins, les histoires de coeur et de fesses, l’avenir des jeunes sont au centre de cette chronique de la vie quotidienne. Les sujets sont universels mais le cadre africain rend cette histoire incroyablement riche et originale. Merci à Marguerite Abouet, scénariste de la série, de partager avec nous ses souvenirs d’enfance et son imagination joyeuse.

Les auteurs de la BD sont aussi les réalisateurs du film, ils ont choisi d’adapter les deux premiers volumes qui tournent autour de la naissance de Bobby.                                    Clément Oubrerie, très pédagogue, nous a présenté hier, une série d’images qui relate les différentes étapes de la création visuelle, de son carnet de voyage à Abidjan aux images finales du film, passionnant !

dessin d'une boutique par Clément Oubrerie http://www.oubrerie.net

On retrouve l’univers graphique de la BD, le dessin est selon ses propos « moins changeant ». Le cinéma d’animation implique un très grand nombre de collaborateurs d’où la nécessité de fixer les traits des personnages avec précision. Le découpage de la BD est déjà très cinématographique, usant de champ/contrechamp dès l’ouverture…Hier, nous n’avons vu que des images fixes, il nous faudra attendre la rentrée pour les voir s’animer.

Clément Oubrerie était accompagné par le musicien Mokobé et par l’acteur Emile Abossolo qui jouera plusieurs voix du film. Gage de l’importance donnée à la bande son ? Produit et réalisé par les mêmes sociétés qui sont à l’origine de l’adaptation du Chat du Rabbin de Joann Sfar, on peut être confiant ! Mokobé veut « apporter de la joie, à travers la musique », beau programme !                                                                                            Une des saveurs d’Aya est la langue utilisée par Marguerite Abouet, le nouchi ivoirien, les filles sont des « gazelles », des « freshnies », elles aiment aller « décaler » au « maquis » en secouant leurs fesses ( « bodjo », « pétou », tassaba ») ! Si vous avez quelques difficultés de compréhension, un lexique vous aide dans le « bonus ivoirien » qui clôt chaque volume.    Je suis impatiente d’entendre les voix s’incarner ! Scoop d’hier, Mokobé interprétera un disc-jockey d’un petit maquis .

Aya de Yopougon 1 Abouet/ Oubrerie Gallimard

Mokobé © Fifou

L’année 2012 est riche en adaptation BD/ film d’animation, « Tatsumi » d’Eric Khoo a ouvert le bal en février, cette semaine « Aloïs Nebel » sort sur les écrans… Je ne m’en lasse pas !

« L’hiver dernier » de John Shank

 

Dès les premiers plans du film, je suis intriguée par cet homme qui marche dans la neige.  Il fait froid, il fait noir, il a du mal à avancer, il est seul. Une voix off couvre le  silence, cette voix parle d’attachement à la terre, de filiation. D’autres images se superposent. Je revois la marche du colporteur savoyard joué par Richard Berry dans le très beau film « La trace ».

"La trace" de Bernard Favre 1983

Vivre de la terre n’a jamais été facile mais au XXIème siècle, c’est le fil de la transmission entre les générations qui est cassé. Johann est seul, son père lui a laissé en héritage,    une terre, des bêtes et des valeurs qui n’ont plus cours. Les lois du marché s’imposent aux  petits paysans du nord de l’Aveyron. Johann refuse de vendre ses veaux aux Italiens, il refuse l’élevage en batterie. Mais il n’a plus les moyens de choisir son mode de travail, son compte en banque est vide. L’incendie de sa grange ne fera que précipiter une fin inéluctable, la saisie de ses bêtes et la fin de son exploitation. Vincent Rottiers incarne de façon magistrale ce paysan jusqu’au-boutiste. Le clair-obscur de l’image magnifie son visage et renforce sa solitude. Solitude encore plus perceptible par les paysages grandioses de l’Aubrac qui n’ont rien à envier à ceux de Monument Valley.                       Le film est ponctué de références au western et au mythe du cow-boy ; les chevauchés,    le bétail, le fusil et surtout les nuits à la belle étoile près du feu qui crépite.

Pourtant toutes les nuits de Johanne ne sont pas solitaires, la caméra filme avec beaucoup de pudeur sa relation avec sa voisine fauconnière. Il partage son lit mais pas ses soucis ! Lorsque Johann est à la ferme, un jeune garçon vient travailler à ses côtés. Nous saurons qu’il s’appelle Pierre, qu’il est le fils d’un voisin, lorsque Johann le présentera à sa soeur. Sa présence discrète, attentive, inébranlable en fait-elle l’héritier moral de Yohann ?

A la fin du film, une autre marche cinématographique s’impose à moi, celle de Mona, jouée par Sandrine Bonnaire dans « Sans toit, ni loi ». Comme elle, Johann paie le prix fort, l’hiver est dur ! Hiver dernier ou dernier Hiver ?

" Sans toit ni loi" d'Agnès Varda 1985

Malgré des critiques élogieuses ( pas toutes !), le film est distribué, 15 jours après sa sortie, dans seulement quatre petites salles à Paris. Précipitez-vous !

 

« Cheval de guerre », Steven Spielberg, 2012

J’ai eu beaucoup de plaisir à lire le livre de Michael Morpurgo, plaisir que je n’ai pas retrouvé entièrement à la projection du film de Steven Spielberg. J’essaie de comprendre ma déception, l’histoire est sensiblement respectée, le film comme le livre nous raconte l’amitié entre un jeune fermier anglais et son cheval Joey sur fond de première guerre mondiale. Ce n’est donc pas l’histoire qui me gêne mais la manière de la raconter. La grande force du livre est que toute l’histoire est relatée par la voix de Joey, le cheval. C’est son regard, ses sentiments qui guident le lecteur dans cette aventure incroyable. Le roman s’ouvre sur ces mots :

«  Mes plus anciens souvenirs sont un mélange confus de champs accidentés, d’écuries sombres, humides, et de rats qui cavalcadent sur les poutres au dessus de ma tête. Mais je me rappelle assez bien le jour de la vente de chevaux : c’est une terreur qui m’a escorté toute ma vie. »

Les hommes parlent à l’oreille de Joey, ses propriétaires successifs qu’ils soient anglais, français ou allemands ont la même humanité. Raconter l’histoire du point de vue de Joey permet à Morpurgo de dépasser une vision nationaliste au profit d’un regard universel.    Respecter ce choix au cinéma est un véritable défi que Spielberg ne relève pas. Joey est le héros du film, soit, mais c’est un regard extérieur qui le met en scène et ça change tout.

Les images sont aussi trop belles, trop léchées. La photographie brille trop ! C’est moche la guerre !

Et puis, certains personnages du livre ont disparu dans le film. J’ai regretté ne pas retrouver le vieux soldat allemand, Friedrich-le-fou, j’ai une tendresse particulière pour lui. Il s’adresse à Joey et à Topthorn en ces mots :  » Moi, je vous le dis, mes amis ; je vous dis que je suis le seul homme sain d’esprit de ce régiment. C’est les autres qui sont fous, mais ils ne le savent pas. Ils font la guerre et ils ne savent pas pourquoi. C’est pas de la folie, ça ? Comment un homme peut-il en tuer un autre sans vraiment savoir pour quelle raison, si ce n’est qu’il porte un uniforme d’une autre couleur et parle une langue différente ? Et c’est moi qu’on trouve fou ! Vous deux, vous êtes les seules créatures raisonnables que j’aie rencontrées dans cette guerre absurde ; comme moi, c’est qu’on vous y a amenés. »

Joey et Topthorn

Quelques lignes plus loin, Friedrich évoque la désertion. Thème que Spielberg développe dans son film par deux autres personnages qui ne sont pas dans le roman, les deux jeunes frères allemands. Sont-ils plus photogéniques ?

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Je découvre que Morpurgo a écrit un autre roman sur la première guerre mondiale           « Soldat Peaceful » qui relate l’histoire de deux jeunes frères anglais dont l’ainé sera fusillé pour lâcheté face à l’ennemi. Ce roman est-il à l’origine de l’épisode des deux jeunes allemands de Spielberg ? Quoi qu’il en soit, une envie très forte de lire ce livre !

Et si grâce à son film Spielberg donne envie de découvrir d’autres oeuvres de Morpurgo, merci à lui. Pourquoi ne pas commencer par le magnifique roman  » Le roi de la forêt des brumes » qui a été adapté en un très beau court-métrage d’animation par Jean-Jacques Prunès.Le roi de la forêt des brumes

Paul Strand et Henri Cartier-Bresson à la Fondation HCB

Paul Strand, Nets (filets), Michoacan, 1933 © Aperture Foundation Inc, Paul Strand Archive

Deux photographes ; Paul Strand et Henri Cartier-Bresson, un espace commun ; le Mexique,  une même époque ; les années 30.                                                                         La Fondation HCB choisit d’exposer les photographies de ces deux artistes dans deux pièces séparées, à chacun son étage. La réalité est commune, le point de vue est singulier.

Commençons  par la pièce consacrée à Paul Strand. Dès les premiers instants, je suis fascinée par les nuances de gris qui composent chaque photographie, la richesse du noir et blanc est extraordinaire d’autant plus que cette qualité plastique se met au service du sujet de la photographie, qu’il soit portrait ou paysage.                                                   Grâce à la présentation d’un portfolio réalisé par Strand, on découvre l’importance que cet artiste accordait à la confrontation de ses images. Dans un livre comme dans une exposition, une photographie est rarement regardée seule mais en lien avec celles qui l’entourent.                                                                                                                           J’ai été touchée par le regard de ces mexicains qui ont arrêté les gestes de leur vie quotidienne le temps d’une photographie. Ce temps donné leur est rendu par l’attention du photographe qui les magnifie. Ils sont présentés à égalité des sculptures religieuses, Christ et Vierge des temps modernes. Ils sont les hommes et les femmes d’un lieu, d’une histoire. Les photographies de Paul Strand sont aussi un hommage à l’outil de travail, qu’il soit celui du paysan, du pêcheur ou du photographe. Paul Strand choisit d’utiliser lors de son séjour mexicain un appareil Graflex qui induit un rapport particulier au temps et au modèle, l’accord tacite de ce dernier est nécessaire, il accepte de faire une pause et de poser.

Paul Strand, Les Hébrides, 1954

Henri Cartier Bresson fait quant à lui un tout autre choix, il utilise un Leica dès le début des années 30, ce qui lui permettra de réaliser ces fameuses photographies « à la sauvette ».  Le face à face, s’il existe, n’est plus le seul rapport au modèle. Il peut être pris à son insu, comme cet homme allongé ; est-il endormi, blessé, mort ?

Henri Cartier-Bresson, Mexique, 1934 © Magnum Photos / Courtesy Fondation HCB

La lecture de l’image sollicite notre imagination. Je suis restée longtemps face à cette femme vêtue de blanc, vue de dos, traversant une place déserte, appuyée sur une béquille. Qui est-elle ? Où va-t-elle ? Quel est son passé, quel est son avenir ?                     J’ai été aussi touchée par les sourires captés par Henri Cartier Bresson, fruits du fameux « instant décisif ». Moments de légèreté, contrepoids aux rudes visages révélés par Paul Strand.

Les deux photographes s’intéressent au cinéma, une affiche le rappelle dans les salles d’exposition et une projection vidéo est organisée dans la verrière. J’ai pu ainsi voir un extrait  du film « The wave/Redes », tourné par Paul Strand et Fred Zinnemann en 1932.   On pense bien sûr à Nanouk en suivant le travail de ces pêcheurs d’Alvarado, mais la lutte contre la nature s’efface devant les luttes sociales qu’ils doivent mener pour vivre de leur pêche. J’aimerais pouvoir voir ce film dans une salle de cinéma !

Zinnemann/ Strand "The wave/Redes" 1932

Hasard de la programmation, nous pourrons bientôt découvrir un troisième point de vue sur le Mexique. Une exposition de l’oeuvre de Manuel Alvarez Bravo, contemporain de Strand et de Cartier-Bresson, sera présentée en septembre au Jeu de Paume.                         http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idArt=1505&lieu=1&idImg=1634

Manuel Alvarez Bravo, la fille des danseurs, 1933 © Association MAB

La colline aux coquelicots

« L’histoire de ce film est une pure fiction » . C’est par ces mots que se termine le générique de fin du nouveau film de Goro Miyazaki : « la colline aux coquelicots ».

L’histoire de Shun et Umi, deux jeunes lycéens du port de Yokohama est en effet adaptée d’un manga des années 80. Manga où l’amour est le thème principal.                             Une romance se développe entre les deux jeunes lycéens et leur relation va  s’enrichir peu à peu de la lutte commune pour la préservation d’un vieux bâtiment qui accueille des ateliers animés par les élèves. Leur idylle sera menacée par une photographie semant le trouble sur leur origine.

Au delà de cette histoire attachante, le véritable héros est le lieu même de l’action, cette colline qui relie terre et mer dans le port de Yokohama. J’ai été fascinée par les dessins qui font revivre cette ville japonaise. Au delà de la fiction, c’est cette reconstitution qui m’a éblouie : le port, les magasins, l’animation des rues…Contrairement aux préceptes de son père, Hayao Miyazaki, Goro Miyazaki s’est inspiré de photographies réalisées par le photographe Motochika Hirose. La réalité est transcendée !

Motochika Hirose

Cette réalité s’inscrit aussi dans un temps précis ; les jeux olympiques d’été de 1964.  Le Japon est à nouveau prospère mais la guerre de Corée est dans les mémoires et dans les coeurs.

L’attention aux gestes de la vie quotidienne est aussi remarquable, la préparation des repas dont Umi a la responsabilité rythme le récit tout comme la bande son qui occidentalise cette histoire qui nous est à la fois proche et lointaine.

Difficile de ne pas penser au père en regardant un film du fils ! Mais qu’apporte la comparaison voir la confrontation entre les deux réalisateurs ? Inquiète de plaquer mon regard européen sur une relation humaine et professionnelle dont les enjeux nous échappent, j’ai été très curieuse de découvrir le livre de Toshio Suzuki : »Dans le studio Ghibli- travailler en s’amusant ».

" Dans le studio Ghibli- travailler en s'amusant" Toshio Suzuki

Toshio Suzuki, producteur du Studio Ghibli, partage ses souvenirs sur son travail et sur ses relations avec les deux grands réalisateurs : Isa Takahata et Hayao Miyazaki . Univers singulier où se côtoient des artistes d’exception aux personnalités très fortes. Dans les toutes dernières pages du livre, il évoque les débuts de Gorô Miyazaki comme réalisateur du film « Les contes de Terremer », laissons lui la parole :

« Au début, il n’était pas prévu que ce soit lui le réalisateur, mais, peu à peu, je me suis dit que ce serait un choix judicieux. … Etre le fils de Hayao Miyazaki et réaliser, pour un premier film, l’oeuvre qui, de notoriété publique, a influencé le plus son père, c’était une pression terrible… Au début , Miya était fâché contre moi aussi. « Confier la réalisation à un type qui n’a pas la moindre expérience, ça ne va pas bien, Suzuki ? » me répétait-il. Mais, en mon for intérieur, je songeais à quelque chose : une réplique de Porco Rosso. Pour préparer l’avion du héros, Porco Rosso, apparaît Fio, une jeune ingénieure, et, quand Porco refuse son aide parce qu’il trouve qu’elle manque d’expérience, elle lui demande :   » L’important, c’est l’expérience ou l’inspiration ? » Porco répond : « C’est l’inspiration », et il réalise son erreur. C’est ainsi qu’il accepte la jeune fille. Gorô se trouvait dans le même cas, me semblait-il. »

Porco Rosso d' Hayao Miyazaki 1992

Hugo Cabret

Metropolitan Film Export

Le roman graphique de Brian Selznick, l’invention de Hugo Cabret m’a enchanté. J’ai aimé cette histoire, mélangeant fiction et réalité. Je me suis attachée à ce jeune orphelin, Hugo, qui tente de survivre dans les couloirs et pièces secrètes de la Gare Montparnasse, occupé à remonter les lourds mécanismes des pendules et à redonner vie à un étrange automate. Sa rencontre avec Méliès et la filleule de ce dernier, la jeune Isabelle, m’a précipité dans le cinéma des origines avec sa magie, ses rêves et ses désillusions. Mais plus encore que l’histoire c’est le traitement narratif qui a retenu mon attention. En effet, l’originalité du roman réside dans l’alternance entre les mots et les images qui prennent en charge l’histoire à tour de rôle. Les dessins en noir et blanc, très réalistes semblent être des extraits d’un storyboard. Ils sont déjà du cinéma !

"L'invention d'Hugo Cabret" Brian Selznick

J’étais très impatiente d’en voir l’adaptation réalisée par Martin Scorsese. Impatiente mais aussi craintive, la bande annonce m’avait fait peur, peur de la grosse machine hollywoodienne !

Il m’a fallu quelques minutes pour entrer dans le film. Est-ce l’effet de la 3D mais j’ai eu dans un premier temps le sentiment d’être dans un parc d’attraction plutôt qu’au cinéma. Puis la magie a opéré… Faire un spectacle « grand public » est le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à Georges Méliès. Le film montre très bien que le drame de ce grand cinéaste a été la défection du public face à ses oeuvres. Scorsese leur redonne une nouvelle vie.

SI Scorsese respecte le fil de l’intrigue du roman, il prend quelques libertés avec les personnages. Etienne, le jeune homme passionné de cinéma disparaît, son rôle de passeur avec lui ! C’est Hugo dans le film qui prend sa place et qui permet la première rencontre entre Isabelle et le cinéma. La complicité entre les deux jeunes héros est ainsi renforcée.

Hugo et Isabelle

L’épouse de Méliès, Mamie Jeanne, est plus présente à l’écran que dans le roman. De même, Scorsese invente une très jolie fleuriste qui humanise l’inspecteur de sécurité et il crée de toute pièce des amoureux âgés qui ponctuent le film de véritables sketches ! Leurs teckels finissent eux aussi par vivre en couple !

Mais comme dans le livre, le couple vedette est celui formé par Hugo et Méliès. Après l’antinomie, c’est la symbiose qui fonde leurs liens, tous les deux sont des « réparateurs », ils réparent des mécanismes compliqués mais aussi les erreurs, les fautes. On retrouve le thème de la rédemption cher à Scorsese.

Méliès et Hugo

Selznick a introduit dans son roman des dessins, des photographies d’époque. Scorsese reprend ces citations et les développe. La fiction lui permet de reconstituer des scènes de Méliès en y ajoutant la magie de la 3D, la scène de l’aquarium est une petite merveille, les dessins qui s’animent comme des thaumatropes en est une autre ! L’hommage au cinéma des origines est compatible avec l’utilisation de la 3D,  Scorsese comme Méliès cherche à faire rêver le public, tous les moyens sont bons pour nous entraîner dans  » l’invention des rêves ».

Le retour à la réalité est rude ! Le quai de la ligne 4, station  « Les halles » m’offre tout de même une promesse inattendue, mes yeux s’attardent sur une affiche du 104 annonçant des spectacles, performances et installations d’illusion et de magie nouvelle !

Les vacances de Noël vont être belles !

C' magic au 10

Salon du livre et de la presse jeunesse

Graffiti sur le mur en face du salon du livre et de la presse jeunesse Montreuil

Journée professionnelle au salon de Montreuil, rendez-vous incontournable pour l’amoureuse de l’image que je suis ! Comme d’habitude, le plus dur est de choisir !   L’offre est, une fois de plus, très riche ; éditeurs, conférences, expositions, rencontres, signatures…  Il est facile d’avoir la tête qui tourne, d’autant que je ne suis pas la seule à aimer la littérature jeunesse et que la température monte, monte au fil de la journée !

Voilà ma petite sélection, le plaisir comme unique critère de choix !

Stand G29 : Soleil Productions                                                                                                Mes yeux s’attardent sur la couverture d’une Bande Dessinée  » La marche des crabes ».     Y a-t -il un lien avec le court métrage  » La révolution des crabes » découvert en 2005 au festival du court métrage d’humour de Meudon ? La charmante hôtesse me le confirme et me conte avec un plaisir partagé l’histoire d’Arthur et de ses 300 grosses pages qu’aucun éditeur ne voulait prendre. Lassé, il décide d’en faire un court métrage qui a connu un succès phénoménal sur YouTube et dans de nombreux festivals. Son retour vers les éditeurs a été quelque peu facilité, trois tomes sont sortis aux éditions Soleil. Il ne reste sur le stand que le tome 2 que je feuillette avec plaisir…

BD "La marche du Crabe" Arthur de Pins

J’apprends sur le net que l’aventure ne s’arrête pas là ! Arthur de Pins est en train de réaliser un long métrage adapté de sa BD, le film a déjà son site sur lequel vous pourrez visionner son court métrage. La boucle est-elle bouclée ?         http://www.lamarcheducrabe-lefilm.com/

Pôle cinéma d’animation : « Léo Lionni : des livres aux films »                                             Le salon de Montreuil ne se contente pas d’accompagner les dernières parutions des éditeurs, il soutient aussi l’offre patrimoniale.                                                                      Léo Lionni est un grand auteur de la littérature jeunesse, il jongle avec les mots et les images pour nous raconter des histoires très simples mais à l’impact émotionnel percutant. C’est « Frédéric » mon préféré, héros qui regarde le temps passé, qui privilégie « l’être » à « l’avoir », qui fait chanter les mots et provoque l’imagination. Je craque toujours à la fin de l’album quand Frédéric rougit  d’émotion aux compliments des autres petits mulots.

Frédéric Leo Lionni L'école des loisirs

Et bien voici que Frédéric s’anime ! Grâce à l’association Cinémas 93 et à « l’école des loisirs », cinq courts métrages réalisés dans les années 80 par Léo Lionni nous sont présentés. Malgré des conditions de projection qui ne sont pas idéales, le charme opère !

Léo Lionni sera à l’honneur dans la prochaine édition du festival « Ciné Junior » dans le Val-de-Marne du 1er au 14 février 2012. Un ciné-concert et  38 planches originales ayant servi à la réalisation des films d’animation seront présentés, à vos agendas !

Ciné Junior 2012 Affiche de Giampaolo Pagni

Frédéric de Léo Lionni ( film d'animation)

Frédéric de Léo Lionni ( film d'animation)

Niveau -1 : Exposition CIRCUS                                                                                          Face à la foule qui envahit l’espace, mon premier réflexe est de fuir mais pourtant je veux voir l’installation proposée par Benoît Jacques. Je me faufile non sans mal jusqu’à Funambulibili.                                                                                                                           L’effort est récompensé, je suis touchée par ces six équilibristes perdues dans une ronde infinie qui passe de la lumière à l’ombre. Que se passe-t-il derrière l’écran blanc ? Reviennent-ils à l’identique ? La chute est-elle possible ?

Funambulibili de Benoît Jacques

Funambulibili de Benoît Jacques

Artiste inclassable ; écrivain, illustrateur, éditeur, plasticien….                     Personnellement, je suis entrée dans son univers par ses flip-books, petites histoires décalées, contées en images animées, allez les découvrir sur son site : http://www.benoitjacques.com/

Mes autres découvertes resteront secrètes, déjà emballées d’un joli papier cadeau, et oui, la lecture c’est un plaisir qui se partage.