Réaliser le portrait d’hommes et de femmes qui font vivre la culture « ici et maintenant ».
Réaliser le portrait d’hommes et de femmes qui font vivre la culture « ici et maintenant ».
Tout commence par la découverte dans une brocante d’Amsterdam d’un lot d’anciennes plaques de lanternes magiques. Toute heureuse de cette nouvelle acquisition, je n’ai plus qu’une envie, les voir à nouveau projetées sur un mur. Un ami bien inspiré me met en relation avec Claude Bataille. Outre sa générosité à aider une néophyte handicapée de ses dix doigts, Claude est un homme au contact chaleureux … et il cause ! De coups de fil en coups de fil, cet homme passionné et passionnant raconte le fil d’une vie où l’amour des images et le désir de transmettre sont essentiels… En voici quelques extraits !
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis en partie un autodidacte … Je dis souvent que j’ai été une «Madame Claude» de l’image, j’aime mettre les gens en relation, organiser, fédérer… J’aime le travail bien fait, engendrer du plaisir…
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour vous dans votre enfance ?
Mon maître de CM2, Monsieur Pierre, à l’école primaire d’Orsay. Il était généreux et exigeant. Mon premier souvenir sont les parties de foot avec lui, on jouait tous pieds nus parce qu’on n’avait pas de fric pour acheter des chaussures. Le deuxième souvenir important, est qu’il nous lisait à la fin de chaque semaine un épisode de « La Guerre des boutons » de Louis Pergaud. Mon oncle, qui distribuait « L’humanité dimanche » sur le marché d’Orsay, m’a offert le livre pour mes dix ans. Je le relis presque tous les ans. Il est pour moi un ouvrage de référence pour la vie réelle et mon engagement dans l’Education Populaire lui doit beaucoup.
Une image qui vous accompagne…
Un grand film en noir et blanc avec un pasteur joué par Robert Mitchum, « La nuit du chasseur ». C’est mon film fétiche, il ne se raconte pas, il se voit ! Lorsque j’ai été responsable d’une salle d’Art et Essais, je me suis fait engueuler lorsque j’ai voulu le programmer pour les enfants. A une époque, il était interdit au moins de 16 ans.
Quelle a été votre première rencontre avec le cinéma ?
En tant que spectateur, je crois que mon premier film était « Néron ». Je me souviens aussi d’avoir vu avec ma mère « Les diables de Guadalcanal » avec John Wayne, c’était au cinéma de Palaiseau, « Le Coucou ». J’étais effaré par ces mecs qui crânent dans le cockpit de leur Curtiss P 40.
Je ne suis pas un grand cinéphile. Je suis plutôt un technicien du cinéma. J’étais responsable au début des années 60, d’un club d’aéromodélisme dans la MJC intercommunale d’Orsay. On y a créé un ciné-club, comme je n’étais pas maladroit de mes doigts et que je pouvais emprunter la 2 chevaux camionnette de mon père épicier, je suis devenu le projectionniste attitré. J’avais un projecteur 16 mm, un Debrie MB 216 que je transportais dans deux grosses valises en bois. J’assurais une séance de ciné-club dans chacune des communes de la vallée. Juste avant de partir à l’armée j’ai vu « Les tontons flingueurs » et lors de mon service militaire que j’ai effectué au Sahara, j’ai très vite remplacé le projectionniste ! Je voyais un film par jour, du « nanard » aux films d’Alexandre Nevski !
Quelle est votre formation initiale ?
Juste après le BEPC, mes parents m’ont inscrit au lycée technique Maximilien Perret à Vincennes. J’ai un brevet technique dans le chauffage central, aujourd’hui, nommé « génie thermique »…
Vous abandonnez très vite votre travail de chauffagiste…
Oui, au grand désespoir de ma mère ! Au retour de mon service militaire, une nouvelle MJC est créée à Bures-sur-Yvette. Je postule sur le poste de secrétaire que j’obtiens, je continue aussi à être projectionniste… J’avais un copain à la MJC de Palaiseau, il était responsable de la section voyage-découverte. Avec deux autres copains, nous avons traversé le Sahara en 2 chevaux.
Avant de partir, j’ai acheté la caméra 16 mm de Jean-Claude Drouot (alias Thierry la Fronde). J’ai tourné un film d’une heure sur notre aventure. A notre retour, nous avons projeté notre film muet dans le grand amphi de maths de la fac d’Orsay, nous étions soutenus par la presse locale ! Nous en étions les bonimenteurs…
… puis vous quittez aussi la région parisienne !
En 1976, je deviens directeur de la MJC des Teppes à Annecy. J’ai à disposition un magnifique bâtiment conçu par les architectes Jacques Lévy et Maurice Novarina. Nous créons une salle de cinéma commerciale. Il faut dire qu’à cette époque les structures sociales et culturelles n’avaient le droit de projeter que du 16 mm (format substandard), nous nous sommes battus pour avoir accès au 35 mm (format standard). La salle fut baptisée au non de Jean Dasté, en sa présence et en référence au film « Zéro de conduite » de Jean Vigo. Nous faisions énormément d’entrées en pratiquant un prix très bas, nous étions aussi dans les premiers à avoir installé des fauteuils pour handicapés. J’attachais beaucoup d’importance à accueillir les enfants. Je ne me contentais pas de faire la programmation, j’étais aussi le monsieur qui accueille, qui donne un vrai billet à chaque enfant, qui est dans la cabine de projection…
J’ai développé un partenariat avec le lycée Gabriel Fauré, les lycéens ont réalisé un court métrage « Images en Herbe » sur l’accueil des enfants dans une salle de cinéma. J’ai aussi rejoint Ginette Dislaire, fondatrice de l’association « Les enfants de cinéma » qui fête ses 20 ans cette année…
Annecy, c’est aussi le festival international du film d’animation…
J’ai été administrateur du festival d’Annecy sous la direction de Jean-Luc Xiberras. C’était encore très artisanal, on ne dormait pas beaucoup pendant le festival ! J’allais chercher des hongrois, des tchèques, des russes à l’aéroport de Genève … J’ai organisé dans la salle de la MJC des rétrospectives et des rencontres qui m’ont marqué, Bruno Bozzetto, Karel Zeman, le studio La Fabrique de Jean-François Laguionie, Jan Swankmajer… C’est important de mettre face aux spectateurs les gens qui font le cinéma. Certains réalisateurs sont devenus des copains comme René Laloux. Je l’ai rencontré lors de sa rétrospective en 1989. Jean-Luc Xiberras avait réussi à rapatrier de Prague des originaux de tournage de « La Planète sauvage », nous lui avons offert un carton avec des dessins de Roland Topor, des petits bouts de papier découpé… Un peu plus tard, je lui ai trouvé une copie 35 mm de son court métrage « Les temps morts ». Ça crée des liens.
D’autres rencontres marquantes ?
J’ai rencontré le réalisateur Jean Odoutan lorsqu’il est venu présenter son premier long métrage, Barbecue Pejo dans le cadre du circuit de cinéma itinérant des Pays de Savoie (Cinébus). Lorsqu’il a créé le festival Quintessence en 2003, il m’a invité à participer à cette aventure. Il m’a nommé expert du praxinoscope et j’ai animé pendant trois ans des ateliers sur le pré-cinéma. J’ai participé aussi au circuit de projection itinérante en plein air. Jean Odoutan avait pu obtenir des camions dont un côté était peint en blanc pour servir d’écran. Il a aussi créé une école de cinéma au nord de Cotonou.
En 2008, le musée-château d’Annecy a organisé une grand exposition sur Emile Colh. A cette occasion, Maurice Corbet qui est attaché de conservation au musée m’a présenté Marc Faye qui est l’arrière-petit-fils de l’illustrateur O’ Galop, le créateur du Bibendum Michelin. Je venais de dénicher des plaques de lanterne dessinées par O’Galop. Il est venu les voir chez moi, il devait passer l’après-midi, il est resté trois jours… Marc a monté une société de production, Novanima, il a réalisé entre autre un documentaire animé sur Benjamin Rabier et sur Henri Gustave Jossot.
Comment avez-vous créé Praximage ?
Mon travail salarié était de plus en plus difficile. Mes employeurs de la fédération des MJC ont estimé que j’étais un mauvais gestionnaire, j’ai été muté. Depuis l’école primaire, j’ai des problèmes avec les maths, ça m’a poursuivi toute ma vie… Je suis devenu ensuite responsable d’une Maison de quartier dans la banlieue de Grenoble, à Saint-Martin-d’Hères. J’ai continué à développer le cinéma en direction des jeunes…mais au bout de quelques temps je suis licencié. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me mettre à mon compte grâce à l’indemnité qui m’est allouée. Je suis très bricoleur. J’ai fabriqué une quarantaine de malles pédagogiques sur les lanternes magiques, les jouets optiques, le théâtre d’ombre… J’ai animé des ateliers, réalisé des expositions, participé à des conférences, restauré des appareils … C’est maintenant ma fille Sophie qui a pris le relais.
Et comment avez-vous commencé votre collection d’objets anciens sur le cinéma ?
J’ai monté ma collection par nécessité professionnelle quand j’ai créé Praximage. Avant, je n’avais qu’un ou deux appareils emblématiques. Lorsque j’ai préparé une grande exposition à Montbéliard, je me suis fait prêter de nombreux objets. Ensuite, j’ai commencé à explorer les vide-greniers, on attrape très vite la collectionnite aigüe. Pour moi, un appareil ne doit pas être inerte, il doit fonctionner. J’essaie de ne pas le dénaturer mais je n’hésite pas à le «moderniser» pour qu’il marche. J’essaie de ne pas accumuler, je n’hésite pas à vendre un objet pour en acheter un autre qui me paraît plus intéressant. J’essaie aussi de mettre mes compétences techniques au service des autres. J’ai rénové un projecteur 35 mm qui appartenait à Ladislas Starewitch, le Pathé-baby d’O’ Galop…
Et maintenant, quelles sont vos activités ?
Je suis retraité, j’aime être dans mon jardin, faire la sieste, bricoler des mobiles… L’image qui me touche le plus, c’est la belle image projetée par une lanterne magique pour le graphisme, la naïveté du propos, les couleurs autres que «Pantone». Je partage maintenant cette passion avec mes voisins en organisant des projections en plein air dans mon quartier…
Lieu de perdition pour ma carte bleue, les librairies exercent sur moi un pouvoir d’attraction irrépressible. J’aime l’objet livre ! J’aime admirer les vitrines accrocheuses, j’aime flâner dans les rayons, j’aime lire les résumés des quatrièmes de couverture, j’aime confronter mes choix avec les avis des libraires… Alors quand la librairie est tenue par une amie, les visites sont doublement agréables. Depuis presque deux ans, Catherine et Sarah animent avec passion la librairie Les Petits mots à Meudon. Juste entre l’effervescence de la rentrée littéraire et la folie des fêtes de fin d’année, un petit moment de calme pour parler d’un métier entre rêve et réalité.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis aujourd’hui libraire. C’est une profession que j’exerce depuis deux ans, j’ai repris la librairie du centre-ville de Meudon début janvier 2013 .
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Le sport ! J’ai fait beaucoup de handball et de tennis. J’aime la performance, me dépasser, obtenir des résultats. Le sport m’offrait un contexte réjouissant pour progresser que n’avait pas l’école. Mon père exerçait une grosse pression sur mes résultats scolaires.
Une image qui t’accompagne…
Les illustrations d’Apoutsiak de Paul-Emile Victor. Je me cachais dans un placard pour le lire. J’avais besoin d’être seule, comme dans une bulle protectrice.
Je me revois encore quand j’ai réussi à lire mon premier livre toute seule. C’était Oui Oui au cirque d’Enid Blyton. J’étais à l’arrière de la voiture de mon père, nous allions chez le médecin.
Les images de plaisir de mon enfance sont liées au sport ou à la lecture.
Tes études et tes premiers emplois ne te destinaient pas forcément à devenir libraire, peux-tu nous parler des grandes étapes qui ont ponctué ton parcours professionnel ?
J’ai fait des études de commerce et j’ai travaillé une vingtaine d’années dans une grosse entreprise américaine spécialisée dans le chocolat et le café. Je m’occupais du marketing, de la vente, des achats…Il est arrivé un moment où je n’étais plus satisfaite, ni de ce que je faisais, ni de l’entreprise dans laquelle je travaillais…
Devenir libraire ça représentait quoi pour toi ?
La concrétisation d’un rêve qui s’est avéré être très éloigné de la réalité ! Je me voyais lire toute la journée, découvrir de nouveaux auteurs… J’avais besoin d’un changement professionnel, j’ai hésité entre des métiers liés aux livres ou des métiers en relation avec le sport, mes deux passions ! J’ai commencé une formation de libraire et j’ai fait plusieurs stages dans des librairies avant de me décider.
Tu es une grosse lectrice ?
Oui, je lis beaucoup. La lecture a été très importante dans mon enfance et mon adolescence. Puis entre 20 et 30 ans, lorsque j’ai eu mes enfants, j’ai fait une pause, je n’avais plus le temps. Je me souviens du livre qui a fait redémarrer ma vie de lectrice, c’est Les piliers de la terre de Ken Follett. Un des livres qui m’a beaucoup marqué est Le coeur cousu de Carole Martinez. C’est un livre qui m’a vraiment parlé !
Plus généralement, face à la production pléthorique, comment réalises-tu le choix des livres que tu proposes dans ta librairie ?
C’est un véritable cauchemar ! Je me dois d’être réaliste. Ce que j’aimerais garder dans mon fond n’est pas toujours en adéquation avec ce que mes clients recherchent : la nouveauté, les livres dont on parle ! J’ai un tout petit fond, de l’ordre de 10% de mon stock. Tous les mois, je reçois les catalogues d’offices et de nouveautés des éditeurs. Des représentants peuvent nous accompagner mais il est vraiment difficile de choisir. Une thématique peut nous accrocher, il y a aussi les auteurs que l’on connaît. Il faut réagir très rapidement. Les prix littéraires sont très prescripteurs, l’émission La grande librairie aussi.
Tu as aussi mis en place un site de commande en ligne, est-ce un complément indispensable à la vente directe ?
Indispensable ? Non, mais très utile ! C’est une seconde vitrine. J’annonce les évènements, les dédicaces qui vont avoir lieu. C’est aussi un outil pour les professionnels, les documentalistes des établissements scolaires font leur commande via le site. J’aimerais qu’il soit plus à jour mais je cours continuellement après le temps…
Justement, en quoi consiste ton travail au quotidien ?
L’essentiel est l’accueil du client, répondre à sa demande le plus rapidement possible. Toutes nos autres tâches sont fractionnées par cette activité principale. La logistique est aussi fondamentale ; passer les commandes, recevoir les colis, gérer les factures et les litiges, recevoir les représentants… Ranger les livres, les mettre en valeur, aménager la vitrine…
Lors du réaménagement de la librairie, tu as gardé le rayon papeterie… C’est un choix ou une nécessité ?
A Meudon, il n’y a plus d’autres papeteries en dehors du rayon de Monoprix. Il y a plein d’articles qu’ils n’ont pas. J’ai donc une vraie demande. La papeterie est aussi en adéquation avec le profil de ma librairie qui est orienté vers le scolaire. La papeterie correspond à 15-20% de mon chiffre d’affaire mais elle offre une meilleure marge que les livres.
Au bout de deux ans, ton bilan comptable est-il encourageant ?
Oui, j’ai gagné de l’argent dès ma première année. Mais l’économie d’une librairie reste fragile. Les frais fixes sont importants, nous avons un seuil incompressible : loyer, salaire de mon employée… Entre septembre et décembre, de la rentrée littéraire aux fêtes de Noël, je fais 60% de mon chiffre d’affaire.
J’aimerais te faire réagir à cette page de Literary Life de Posy Simmonds…
Quel est pour toi l’avenir du «petit libraire indépendant» ?
C’est la loi Lang sur le prix unique du livre qui permet aux petites librairies de continuer à exister face à la grande distribution. On est obligé d’évoluer, de vivre avec son temps… Créer un site, faire appel à un coursier pour satisfaire le plus rapidement possible les clients sont des moyens pour lutter contre l’hégémonie d’Amazon.
Les libraires font-ils de bons personnages littéraires ?
Oui ! La Jolie libraire dans la lumière de Frank Andriat. A L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon. Au bon roman de Laurence Cossé…
Magie blanche, magie noire, magie rouge … Et si Paul Maz donnait à la magie une nouvelle couleur … La couleur de la passion, la couleur de l’engagement et la couleur du coeur ! Son spectacle « Le Magicien de Papier » est programmé actuellement au théâtre de la Vieille Grille. Une belle occasion de faire connaissance avec son père Quénot qui ouvre les portes du possible ! Perché no ? Pourquoi Pas !
Se présenter en quelques mots …
Je suis d’abord quelqu’un de curieux et de passionné. Cette curiosité m’a conduit à des virages professionnels et à des choix de vie importants. Il y a une quinzaine d’années je suis tombé, un peu par hasard, dans l’art magique. Cela se traduit maintenant par la création de spectacles destinés au jeune public qui allient à la fois le conte et la magie.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Deux choses : la découverte de la nature et les voyages. J’ai eu la chance de naître à Fontainebleau qui possède une forêt extraordinaire. Elle était le terrain de jeu de mon enfance et je connaissais très bien les rochers ! Fontainebleau est aussi lié à mon grand-père qui était guide au musée chinois de l’impératrice Eugénie. Il avait son logement de fonction à l’intérieur du château. J’ai eu droit à des visites privées pleines de mystère à mes yeux d’enfant.
Mon père voyageait beaucoup, j’ai vécu en Afrique et en Nouvelle Calédonie pendant plusieurs années. Nous voyagions sur des bateaux longs courriers. Je me souviens en particulier du voyage entre Pointe Noire au Congo et la France, le trajet a duré 30 jours. Chaque matin je me réveillais dans un nouveau port. Je pense que ma curiosité, mon ouverture vers l’inconnu vient en partie de cette époque.
Une image qui t’accompagne…
Je ne sais si je suis influencé par ce que je viens de te dire ou par le décor du café où nous nous trouvons, fait de boiseries et de cuivres mais l’image qui me vient est celle d’une partie de pêche dans le port de Lagos au Nigéria. Je me revois petit bonhomme de 11 ans sur le pont de cet immense bateau. J’avais fabriqué une canne à pêche avec une bobine de fil et un hameçon bricolé. J’avais mis un morceau de pain pour appâter les poissons et ça a marché ! J’ai pris un poisson ! J’étais au comble de la joie !
Si mes sources sont bonnes, tu as commencé ta vie professionnelle comme ingénieur informatique…
Absolument, j’ai travaillé pendant 10 ans dans l’informatique. C’était dans les années 70. Je suis devenu père très jeune à 21 ans. J’avais besoin d’un métier lucratif. Je suis entré à la Compagnie Internationale pour l’Informatique (CII) qui m’a formé aux nouvelles technologies. Je gagnais bien ma vie mais ma vraie fibre était plutôt littéraire.
Plus jeune j’écrivais des poèmes, de la musique, je jouais dans un orchestre. L’écriture était restée une passion. J’ai décidé de postuler comme journaliste dans les technologies de l’information. On était peu nombreux sur le créneau. J’ai travaillé notamment pour Le Monde Informatique, 01 Informatique, Les Echos , La Tribune …
Ça marchait bien, puis j’ai créé ma propre société. Je suis devenu un animateur reconnu de la presse informatique. J’ai beaucoup pris la parole en public, j’ai animé de nombreux débats.
Jusqu’aux dix ans de ton fils pour lesquels tu as préparé ton premier tour de magie…
Je voulais lui faire une surprise pour son anniversaire et j’ai été l’arroseur arrosé ! Après ce premier tour, j’ai senti tout de suite que je voulais en faire mon métier. Je crois fortement que c’est l’envie et le désir qui mènent les choses. Ce n’est pas forcément très rationnel, mais c’est ce qui fait réussir parce qu’on devient acharné ! Je passais des heures à travailler des tours ! J’ai commencé à prendre des cours de magie, mais j’étais toujours journaliste. Pour que ma reconversion soit viable économiquement, j’ai décidé de faire de la magie à partir d’un domaine que je connaissais bien : l’informatique. J’ai pris un pseudonyme et j’ai proposé à des sociétés comme IBM ou Oracle d’animer leurs stands sur les salons professionnels. Je concevais des prestations commerciales magiques pour les industriels. J’inventais des tours en faisant des métaphores : les jeux de cartes représentaient des bases de données, les cordes devenaient des réseaux… Progressivement, je me suis éloigné de la presse et de l’informatique…
Parcours pour le moins audacieux, original…
Pour moi, il est cependant assez logique ! C’est toujours le même principe qui me fait agir : le bonheur de faire et d’expérimenter. J’ai horreur de m’ennuyer, j’adore être inspiré. C’est le plaisir qui me projette vers un but surtout quand je sens que cette passion, comme la magie, peut m’accompagner longtemps. Mon intérêt s’inscrit dans la durée. Je veux être heureux dans ce que je fais ! La recherche de la rentabilité n’est pas mon moteur. Par contre, je ne me déconnecte pas de mes responsabilités, j’ai toujours attaché de l’importance à la nécessité de subvenir efficacement aux besoins de ma famille.
La magie peut être vue comme un art d’initiés, entouré de secret, de mystère, un peu fermé. Comment as-tu été accueilli ?
C’est vrai, pour moi ce qui définit la magie c’est d’abord le secret. Les magiciens possèdent un secret que les spectateurs n’ont pas. J’ai d’abord pris des cours à la Fédération Française des Artistes Prestidigitateurs (FFAP), j’y allais tous les mois. Puis j’ai pu accéder à des cercles de magie. Les magiciens, amateurs ou professionnels, ont été bienveillants, ils ont reconnu ma passion et j’ai pu gagner leur confiance.
Tu as développé de nombreux talents que l’on peut admirer dans tes spectacles : conteur, musicien, ventriloque, mime, comédien … Cette ouverture vers d’autres arts du spectacle vivant est-elle une nécessité ?
Je suis convaincu que la magie ne se suffit pas à elle-même. Un spectacle n’est pas une collection de tours. La magie doit arriver logiquement dans une histoire, une intrigue ou une situation. Elle doit intervenir dans un spectacle porteur de sens.
J’ai été marquée par l’importance des mots dans ton spectacle.
Le théâtre est indispensable à la magie. J’ai pris des cours pendant trois ans dans une école de théâtre à Fontenay sous Bois. Les mots sont essentiels pour installer un personnage. Pour prendre l’exemple du Magicien de Papier que tu as vu mercredi, le « Père Quénot » a une identité forte. Il a un petit métier, il récupère des vieux papiers en sillonnant les rues de Paris. Il est un peu musicien avec son concertina et un peu poète aussi. J’aime glisser dans mes spectacles des vers que j’affectionne particulièrement comme ceux de Federico Garcia Lorca, Deux marins au bord de l’eau : Il rapportait en son cœur un poisson des Mers de Chine. Parfois on le voit passer minuscule dans ses yeux. Je cherche à créer un univers poétique qui éveille l’imaginaire des spectateurs, qui les fait décoller de la réalité ! Pour revenir au « Père Quénot », ce sont les enfants qu’il rencontre qui lui donnent de la valeur. Sa pauvre condition est sublimée par le regard des enfants. Chaque rencontre entre lui et les enfants est porteuse d’une petite histoire et d’un tour de magie.
Tu as trois spectacles jeune public qui tournent actuellement – Le souffle magique – Le magicien de papier – Abracabaret, le théâtre magique de Marcellus.
Oui, je crée peu de spectacles mais je les raffine avec le temps ! Chacun des spectacles a évolué depuis sa création. J’ai tendance maintenant à les alléger, à enlever des tours. Je pense qu’ils étaient trop copieux, créer une légère frustration est une bonne chose. Pour chacun de mes spectacles, je pars de la réalité. Le « Père Quénot », c’est un peu moi. « Marcellus » est lié à mon père Marcel. Je suis chez moi, sur scène, avec eux ! Michel Bouquet a dit : j’ai le courage de rentrer sur scène tous les soirs parce que je défends quelque chose qui est à moi. Lorsque tu es sur scène c’est cela que tu donnes !
Le fait de t’adresser en priorité aux enfants t’impose-t-il des contraintes spécifiques ?
Bien sûr j’écarte toute vulgarité. Ma première préoccupation est de valoriser le spectateur, Surtout si je l’invite à monter sur scène avec moi. Je joue avec lui mais je ne dois pas le mettre en difficulté. Il doit être fier de cette expérience. Je veille aussi à être compréhensible. Cela ne m’empêche pas de créer des petits mystères. Par exemple, dans le magicien de papier, j’ai introduit une montre à gousset dans le tour des réveils. Les enfants ne connaissent pas cet objet. Est-ce important ?
Je me rappelle un échange avec un copain magicien, Peter Din qui me disait avoir été fasciné par le mot Chandernagor quand il était petit … J’aime aussi transmettre quelque chose aux enfants, je ne leur apprends pas un tour de magie mais à la fin du Magicien de papier, ils savent faire des arbres avec des feuilles de papier journal, ils connaissent une chanson après Abracadabret, le théâtre magique de Marcellus… Mais au delà des contraintes, j’ai à mon sens une grande responsabilité : créer de bons souvenirs d’enfance.
Parallèlement à tes spectacles où tu es seul maître à bord, tu as aussi participé à des projets collectifs, je pense notamment au spectacle «Méliès, Cabaret magique» créé au Théâtre de la Vieille Grille qui t’accueille actuellement. Tu es plutôt un artiste solitaire ou le travail en groupe te tente-t-il ?
C’est une grande question pour moi. Je fais beaucoup de choses seul. Je suis un solitaire solidaire. Je suis solidaire de tout ce qui se passe autour de moi mais j’agis souvent en solitaire. Ma devise a longtemps été « Autonomie-Autonomie». Je suis un autodidacte dans l’âme. Du coup, je ne fais pas les choses classiquement, avec les codes habituels. Il est donc parfois difficile de partager ma démarche avec quelqu’un. Quand c’est possible, j’en suis ravi mais c’est rare. J’ai aussi besoin de me débrouiller seul. J’ai conscience des imperfections de mes spectacles mais ce qui est important c’est que le fond tienne, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils sont donnés !
As-tu une famille artistique ?
Ma maison et ma famille c’est le Théâtre de la Vieille Grille dirigé par Anne Quesemand et Laurent Berman. Je suis très attaché à ce lieu et aux personnes qui l’animent. C’est là où j’ai vraiment fait mes premières armes sur scène. Les moyens techniques sont assez simples mais le plateau accueille des artistes sensationnels qui vont souvent à l’essentiel, à l’épure. On n’a pas besoin de moyens énormes pour que la magie fonctionne. Tout est possible à partir du moment où l’on y croit ! De manière générale, j’aime les spectacles dépouillés mais flamboyants comme ceux de James Thierrée. J’aime les lieux qui ont une identité, le théâtre du Lucernaire, la Péniche Antipode…
J’ai découvert très récemment que tu avais une pratique de peintre …
La peinture est aussi magique. Elle participe à ma recherche du bonheur, au plaisir de la découverte. Ma peinture n’est pas figurative, je pars à l’aventure à chaque tableau. Je joue avec les couleurs et les plis du papier …
Témoin privilégié d’un atelier animé par Samuel, j’ai été impressionnée par sa faculté d’adaptation et sa capacité à accompagner un groupe dans un réel travail de création. J’ai ensuite découvert de façon presque simultanée son court métrage L’oiseau et son exposition Le prochain visible à l’artothèque de Saint Cloud. J’ai suivi de loin en loin son parcours dans le monde de l’art contemporain : la Nuit Blanche 2012, le MACParis, la Gallerie Felli… jusqu’à sa dernière exposition au Sel de Sèvres en compagnie de Valentin Van Der Meulen. Présent sur plusieurs fronts, Samuel est en train d’écrire son prochain court métrage d’animation, il participe aussi activement à la toute nouvelle association Barybal… Malgré cet emploi du temps chargé, il a accepté avec simplicité de nous parler de son parcours artistique …
Se présenter en quelques mots…
Je suis sculpteur et réalisateur de films d’animation : mon temps se partage entre l’atelier où je produis mes pièces et les endroits où j’expose. Je suis amené aussi à travailler pour certains studios d’animation et aussi réaliser des films avec des jeunes ou adultes dans le cadre de worshops.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Enfant je n’avais pas le profil scolaire et je me suis beaucoup ennuyé à l’école. Mais je pratiquais le modelage depuis tout petit, ma mère m’avait inscrit à un cours de poterie. J’ai fait une seule assiette et puis j’ai commencé à faire des trucs de mon côté. La prof me laissait tranquille, elle ne savait pas trop quoi faire de moi. J’y suis resté plusieurs années. J’avais aussi un voisin qui dessinait beaucoup, j’étais souvent avec lui. Il est d’ailleurs devenu sculpteur. Et puis il y a eu des découvertes artistiques fortes : la Pieta de Michel Ange à Rome qui m’a marquée enfant, plus tard les oeuvres d’Egon Schiele, Giacometti… Et puis, pendant deux ans, en seconde et en première, j’ai quitté le lycée, je suivais des cours par correspondance. J’ai beaucoup dessiné, je lisais, allais à Paris visiter des expos… Je suivais aussi des cours particuliers avec un prof, il m’a appris les techniques liées à la sculpture, aux matériaux et on parlait beaucoup d’art.
Une image qui t’accompagne…
Le personnage de Boris, le jeune fondeur de cloches que l’on voit dans le film «Andreï Roublev» de Tarkovski. C’est un peu la métaphore de l’artiste par excellence, il y a l’idée qu’il n’y a pas une transmission de savoir-faire qui garantirait la réussite. Lorsqu’on se lance dans le travail artistique, on fait un pari, on n’est sûr de rien. Je me sens proche de Boris. Comme lui, je suis face à un défi permanent : adapter des techniques, des procédés, assumer l’échec et recommencer…
Quand as-tu décidé que tu allais te consacrer à une carrière artistique ?
A l’adolescence, quand j’ai fait ma coupure scolaire au début du lycée. J’ai redécouvert à ce moment-là la sculpture. Il y avait quelque chose de primitif, de spontané dans la possibilité de transformer une matière, de s’exprimer à travers elle. La découverte d’un vrai terrain de liberté, comme une évidence. J’ai approfondi également ma connaissance dans l’histoire de l’art et la découverte d’artistes aux démarches contemporaines, Penone m’a beaucoup marqué notamment. Et c’est important, car on répond à l’art. L’art est stimulé par l’art. Il y a un dialogue entre son travail et l’oeuvre des autres. Certaines oeuvres sont des incitations, elles invitent à une réponse, à une réaction, à un écho… J’ai aussi lu des textes philosophiques et scientifiques, ils ont étayé ma réflexion. Ils ont eux aussi nourri mon travail. Dans chaque projet, on suit un cheminement qui est enrichi par des lectures, par la relation avec d’autres oeuvres d’art. Je m’intéresse à beaucoup de choses, je n’ai pas une connaissance pointue dans un domaine précis, je préfère faire des liens entre différents domaines…
Tu peux nous parler de ton rapport à la musique ?
J’en écoute beaucoup, de toutes les périodes, de la Renaissance aux musiques actuelles. Je m’intéresse notamment à la musique vocale, des chants grégoriens à Ligeti. Il n’y a pas une articulation conceptuelle entre mon travail et la musique, mais ce qui me passionne c’est comment une forme va au delà d’elle-même, se déploie, cette idée là est présente dans la musique. Cela me renvoie à la question des limites.
Et la science ?
Je m’intéresse à la science depuis que je suis tout petit. J’étais fasciné par l’idée que la totalité du code génétique se retrouve dans toutes les parties du corps. Je m’intéresse aussi à la physique quantique. Que le concept de la matière ait volé en éclat rejoint les interrogations sur les limites.
Les représentations deviennent instables. C’est la même chose dans l’art. Comment, justement, ne pas représenter un corps, un visage, de manière totalisante ? On ne peut plus faire un buste en rond de bosse dont le spectateur fait tranquillement le tour. Le visage se donne comme une présence qui échappe au regard.
Quelle formation spécifique as-tu suivie ?
Après le bac, j’ai fait une école d’arts appliqués à Chambéry (ENAAI). Le cinéma d’animation en volume m’a permis de faire le lien avec la sculpture. J’ai grandi à Annecy, je connaissais le cinéma d’animation grâce au festival. Gamin, j’étais attiré par l’animation, j’avais envie d’en faire mais techniquement c’était difficile, on était dans une période intermédiaire, entre le Super 8 et le numérique. Après j’ai fait un master 2 d’arts plastiques à Paris. C’était une formation plus théorique.
De tes deux modes d’expression, la sculpture et le cinéma d’animation, duquel te sens-tu le plus proche ?
Je pense que j’ai un cerveau plus orienté plasticien que cinéaste. Mais j’ai besoin de l’alternance, et en même temps il y a des choses que je ne peux pas faire avec la forme sculptée. Le cinéma d’animation a fait bouger mes lignes en sculpture. La sculpture n’est plus une forme figée dans le temps, elle est un élément d’un processus. Mon intérêt pour le cinéma d’animation est plus lié à la forme filmique qu’à la narration. Idéalement, j’aimerais que l’animation soit une sorte « d’opéra » sculpté, que ma sculpture puisse se déployer dans le temps, dans le mouvement, dans la couleur…
De nombreux réalisateurs de films d’animation sont aussi peintres, illustrateurs ou graphistes, je connais moins de réalisateurs-sculpteurs. Quels «maîtres» t’ont ouvert la voie ?
Le premier a été Swankmajer. J’ai vu son film « les possibilités du dialogue» très jeune à Annecy. Il m’a impressionné. Son rapport à la matière, à sa capacité expressive, est incroyable. On échappe à la narration et pourtant ça raconte beaucoup plus de choses qu’une seule histoire pourrait le faire.
Je pense aussi aux films expérimentaux des Frères Quay, à leurs jeux sur les sensations …
L’oeuvre de William Kendrige également, et puis les pièces et les performances de Solweig Von Kleist au musée du château à Annecy m’ont aussi beaucoup intéressé.
Tu as co-écrit le scénario de «L’oiseau» avec Marine Bachasel. Peux-tu nous parler de la genèse de ton film ?
Je suis parti d’intuitions personnelles. J’ai eu besoin d’un appui pour ne pas me perdre, garder le fil. J’avais besoin de quelqu’un qui m’aide à structurer, à élaguer. Les idées arrivaient en flux, Marine m’aidait à les canaliser, à fluidifier mon écriture, à prendre du recul… (…) Il a été réalisé dans une économie de moyens. Je voulais garder la possibilité de changer des choses au cours de la réalisation. Son écriture n’était pas figée, (…) Tout s’est fait rapidement. J’ai commencé en 2007 et la postproduction s’est achevée en 2009. Je l’ai fait en même temps que mon master. J’ai quelques regrets parce qu’en faisant on apprend et on voit ce qui aurait pu être mieux fait, mais il y a eu dans la réalisation de ce film une énergie incroyable !
Quel accueil a reçu ton film ?
J’ai été content. Il a eu une bonne diffusion par rapport aux moyens et à la prétention du projet. Il a été sélectionné dans pas mal de festivals en France et à l’étranger et ça a été une expérience positive de le suivre en festival et de rencontrer d’autres professionnels. J’ai pu participer ensuite à d’autres projets, faire des rencontres, animer des workshops….
Une autre activité importante pour toi, ce sont les ateliers que tu animes dans des contextes très variés. Qu’est-ce qui te motive dans cette pratique ?
Au début ça s’est fait un peu par hasard. On m’a proposé de faire un remplacement. Et puis, ça m’a plu. C’est toujours intéressant. J’essaie d’associer la technique du cinéma d’animation à un contenu qui a du sens pour les gens avec lesquels je travaille. Les sujets sont très variés ; par exemple j’ai fait des films sur la danse, sur la géométrie et même sur les tracteurs ! Le cinéma d’animation permet de renouveler le regard sur un thème, je le conçois comme un big bang créatif. Et puis les ateliers permettent d’expérimenter, tant au niveau des techniques que du montage : on peut tester des formes d’écritures et des registres différents. Il y a toujours des choses à imaginer avec les participants, qu’ils soient plus jeunes ou plus expérimentés. C’est très enrichissant aussi pour soi.
Tu as réalisé un très beau film d’atelier avec une classe de terminale au Maroc. Les jeunes témoignent de leur relation avec leur famille. Quelle a été l’origine de ce projet ?
C’est un projet phare dans mon parcours et une belle aventure humaine ! Pendant que j’étais envoyé au Maroc, un réalisateur marocain est venu travailler en France. On est parti sur l’idée d’un échange épistolaire sur le thème de la famille. Pendant 3 jours, on a travaillé sur l’écriture. La forme de témoignages spontanées s’est rapidement imposée. Je suis rentré en France et j’ai travaillé sur le montage son puis j’ai découpé le film en séquences. Je suis ensuite retourné au Maroc pour une dizaine de jours. Chaque élève s’est emparé d’une partie. Il y avait trois plateaux de tournage. C’est vraiment une chouette expérience, il est rare de travailler dans de telles conditions.
Tu as participé à la création d’une nouvelle association «Barybal animation» , tu peux nous la présenter ?
C’est un studio d’animation qui réunit plusieurs réalisateurs. On a en commun d’utiliser des techniques d’animation traditionnelles et de faire des interventions autour du cinéma. Notre administrateur est Olivier Catherin de la maison de production «Les trois ours». On mutualise la communication et nos compétences techniques, plastiques et pédagogiques. Face aux structures qui nous proposent des interventions, on n’est plus tout seul, on peut travailler en duo, en trio… En fonction du calendrier des uns et des autres et des compétences requises, on est plus à même de répondre aux projets.
Pour terminer j’aimerais que tu nous parles de ton futur court-métrage …
L’enjeu du prochain court sera de pouvoir injecter au maximum des problématiques travaillées au sein de ma sculpture. J’ai écrit une première mouture il y a quelques temps pour le dossier de financement, mais je suis en train de reformuler, d’éclater les choses afin que ce soit moins linéaire. Il y a un fil qui maintient les éléments mais l’idée est qu’on le perde, et que le film soit d’avantage organique. J’espère tourner l’été prochain à partir d’éléments en céramique. Et, même si j’ai eu des aides, cela restera un film avec peu de moyens. Je fais ce choix pour garder mon indépendance et travailler avec de la souplesse pour essayer des choses, rater, recommencer, et rater encore mieux. N’est-ce pas comme ça qu’on avance ?
Minuscules ou imposantes, les sculptures de Barbara ne tiennent pas en place, elles défient les lois de la pesanteur et nous entraînent à leur suite … Isolée ou en groupe, chaque sculpture possède une âme et une histoire, elle nous interpelle en silence. Telles des esquisses sculptées, elles se donnent à voir, mais surtout elles nous donnent à penser, à rêver, à imaginer…
Nulle envie de plaquer des mots sur elles mais désir de mieux connaître celle qui leur donne forme.
Se présenter en quelques mots…
Contemplative, timide et prenant les choses comme elles viennent.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
De passer mes journées dans l’atelier de ma mère peintre. Il y avait deux tables d’architecte, je me mettais à côté d’elle. Je lui piquais son matériel pour faire des expériences, je recopiais des tableaux sur des toiles, j’utilisais sa presse à gravure pour faire des gaufrages…
Une image qui t’accompagne…
C’est une image liée à une sensation. Quand j’étais ado, je faisais beaucoup de planche à voile à Noirmoutier. Un soir, il y avait une lumière géniale, le vent rabattait les vagues sur la plage, j’ai eu le sentiment de voler avec ma planche.
Devenir une artiste, c’est pour toi une vocation, une évidence, une lutte ou tout autre chose …
Une évidence ! J’ai besoin de me servir de mes mains pour créer quelque chose. C’est la sculpture mais aussi le bricolage !
Quels ont été ta formation et ton parcours ?
Après un bac scientifique, j’ai fait une année de prépa « arts graphiques » au lycée de Sèvres. J’ai complètement raté le concours des Arts déco mais j’ai eu celui de l’ESAG Penninghen. C’est une formation en 5 ans. Ça m’a surtout appris à travailler, je passais des nuits sur des projets. La formation est très variée : illustration, croquis, logo, photo, storyboard… Je n’ai rien fait par contre en volume, à part des maquettes d’architecture d’intérieure. Je suis une autodidacte en sculpture.
Quels sont tes déclencheurs d’idées ?
Observer les gens, leur démarche, leurs attitudes ! Je passe beaucoup de temps à ma fenêtre à regarder les passants. Il m’est arrivé de dévisager des gens dans le métro, involontairement j’ai pu provoquer de la gêne tellement j’étais fascinée par une expression, un visage.
Comment passes-tu de l’idée à la forme ?
Sans me poser de question. L’idée de départ est souvent transformée. C’est plutôt la forme qui prend le dessus. Par exemple le type à la fleur que je suis en train de patiner. J’avais envie de faire un homme accroupi. Je me suis demandée ce qu’il pouvait regarder. J’avais devant moi, les cosmos du jardin. J’ai eu envie de mettre une fleur. C’est aussi simple que cela. C’est vraiment l’attitude qui est première. Il m’arrive de chercher des photos sur internet comme lorsque j’ai commencé à travailler sur les équilibristes.
Quelle est la part du hasard, de l’accidentel ?
C’est ce qui m’intéresse le plus, l’accidentel. J’essaie de m’en servir au maximum. Par exemple, le fumeur qui est en haut de l’escalier est en terre. En séchant , la terre s’est déformée, Il s’est complètement affaissé. Ça m’a plu, je n’ai pas essayé de le redresser !
Après avoir travaillé la terre et le plâtre, tu utilises maintenant un matériau que tu composes toi même, peux-tu nous dire de quoi il est fait et ce qu’il t’apporte ? C’est un mélange de faïence et de cellulose. Je prends de la poudre de terre à laquelle j’ajoute de l’eau pour avoir une texture proche de la crème Nutella. Je trempe du PQ dans de l’eau pendant une journée, je le mixe ensuite et je l’égoutte dans une passoire. Je mélange le tout. Je dépose cette pâte homogène sur une plaque de plâtre qui absorbe l’excédent d’eau. J’ai ensuite comme un pain de terre. La terre seule me bloquait dans ce que j’avais envie de faire. J’avais besoin d’utiliser des armatures pour faire des formes plus aériennes, plus fines, plus grandes. Par contre, c’est moins agréable à travailler que la terre seule. Quand décides-tu qu’une sculpture est terminée ? Je la mets dans un endroit où je passe plusieurs fois par jour. Je la tourne. Dès qu’il y a un petit truc qui me gêne, je la retravaille. Ça peut durer longtemps. Je demande aux enfants et à Jean leurs avis. C’est souvent eux qui trouvent la solution à un truc qui ne va pas, qui me gêne sans que je n’arrive forcément à le formuler. J’en ai détruit très peu, j’en ai mis quelques unes aux encombrants, des gens les ont récupérées… Je peux aussi les casser, garder des petits bouts et recommencer. En général, je me débrouille pour les transformer. J’abandonne rarement. C’est comme un bouquin, je vais jusqu’au bout. Ton approche est figurative, l’essentiel de tes sculptures représente des corps humains. Y a-t-il des oeuvres, des artistes qui ont particulièrement comptés pour toi ? Giacometti, les bustes de Camille Claudel et le travail de Calder. Il y a aussi une sculpture de Rodin qui me touche beaucoup, on peut la voir au musée d’Orsay.As-tu envie de t’essayer à l’abstraction ?
Pas du tout !
Cette année, tu as ouvert pour la première fois ton atelier au public. Qu’est-ce qui t’a poussé à montrer ton travail en dehors du cercle familial ou amical ?
Je me suis forcée ! Je me suis dit que j’avais toutes les conditions réunies pour le faire : le lieu, l’évènement des portes ouvertes des artistes à Meudon. J’ai été ravie de cette expérience. C’était convivial. Je n’avais surtout pas envie d’expliquer mes sculptures, je n’en suis pas capable. Les gens ne me l’ont pas demandé mais par contre ils m’ont raconté ce qu’ils y voyaient.
Un superbe film !
JHJH
https://www.youtube.com/watch?v=JfZWmOijaug
JGJH
A quelques pas de la place de la République rénovée, se trouve un lieu insolite. Pour le découvrir, il faut pousser une lourde porte qui ne s’ouvre que pour les initiés (code), franchir un long couloir et sortir dans une arrière-cour décorée avec de très belles plantes vertes et des poubelles, vertes elles aussi ! Sur la gauche se trouve l’antre de Doc Heeza, une véritable caverne d’Ali Baba pour les fous d’images, chaque m2 est utilisé. Mi-entrepôt, mi-magasin, ce local accueille tout ce qui touche de près ou de loin à l’image animée : livres, DVD, jouets optiques… Mais qui se cache derrière ce pseudonyme de Doc Heeza ? Pierre-François a accepté, non sans quelques réticences, de se dévoiler, un peu !
Se présenter en quelques mots…
Passionné de cinéma, d’illusions optiques, de BD, j’ai essayé d’en faire mon métier en devenant projectionniste. Après une période de chômage, j’ai décidé de créer Heeza.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
J’ai beaucoup joué avec des projecteurs. J’ai récupéré un vieux projecteur 9,5 mm qui était chez ma grand-mère, il fonctionnait à l’origine sur du 110 volts. Je passais des Charlot et je m’amusais à faire le bruitage, les voix… J’ai aussi filmé mes copains en super 8. J’aimais ça ! J’étais aussi un gros lecteur de BD. J’étais très content quand mes parents m’emmenaient voir le Walt Disney qui sortait tous les ans. Je me le passais et repassais dans ma tête, il n’y avait pas de magnétoscope pour les enfants…
Une image qui t’accompagne …
La belle et la bête de Cocteau. Ce film m’a beaucoup impressionné quand je l’ai vu à la TV tout petit. Je ne comprenais pas la fin, que ce soit le même comédien qui joue Avenant, la bête et le prince !
Quand ma fille ainée a eu 6/7ans, je l’ai emmenée voir le film au cinéma. Elle s’est posée les mêmes questions que moi à son âge. On en a parlé pendant plus d’une semaine. C’est sympa un film qui traverse des générations de spectateurs. J’aime beaucoup les trucs cinématographiques utilisés par Cocteau : les ralentis, la projection en marche arrière, les métamorphoses …
Quel diplôme as-tu passé pour te prévaloir du titre de « Doc Heeza », spécialiste certifié dans l’image animée ? Plus sérieusement quel a été ton parcours avant la création du site ?
A 16 ans, j’ai été apprenti chez un photographe de Nancy. Je me suis présenté à lui avec plein d’envies, je faisais déjà beaucoup de photos. J’ai vite déchanté, je ne faisais que balayer et préparer les produits, je m’ennuyais ferme. Un jour, le patron a fait un reportage dans une usine pendant trois jours et il m’a demandé, pour une fois, de développer les négatifs. Au moment de rincer le premier jeu de négatif, j’ai utilisé involontairement une eau trop chaude et j’ai détruit son travail. L’attaque étant la meilleure défense, je suis parti en claquant la porte. J’ai rejoint mes parents à Nantes, j’ai trouvé un boulot d’ouvreur dans un cinéma de la ville et de fil en aiguille, je suis devenu projectionniste. J’étais heureux de travailler dans un cinéma, je pouvais aller dans les cabines de projection, je pouvais voir autant de films que je voulais. J’ai adoré cet univers … Mon patron a ouvert un cinéma art et essai classé recherche. J’ai quitté le Katorza pour le Cinématographe.
J’ai beaucoup observé le travail des projectionnistes, j’ai appris sur le tas. J’ai passé deux fois mon CAP. La première fois, j’ai eu la théorie mais pas la pratique. Ayant toujours été un fainéant et n’aimant pas les examens, je n’ai pas voulu le repasser tout de suite. Finalement, pour être mieux payé et avoir une reconnaissance de ma pratique, je l’ai repassé et cette fois-ci, je l’ai eu ! Le Cinématographe est un très beau ciné, il est dans une ancienne chapelle.
J’ai arrêté d’être projectionniste en arrivant dans la région parisienne, j’ai bossé pendant un an chez un distributeur de BD à Paris. J’ai appris pas mal de choses sur la distribution et j’ai voulu me lancer à mon tour dans cette aventure.
L’année prochaine tu fêteras les 20 ans d’Heeza, quelles ont été les principales évolutions du site depuis son origine ?
Au départ, Heeza n’était pas un site, Internet n’existait pas pour le grand public. Je travaillais à la maison, je réalisais tous les trois mois un document qui était moitié catalogue, moitié fanzine. Photocopié au départ puis imprimé, je faisais tout ! Le rédactionnel, la maquette, le mailing, la mise sous plis, le suivi des commandes… Dans chaque numéro, il y avait mon portrait caricaturé, un acrostiche, des news, des réponses humoristiques aux remarques de mes lecteurs et bien sûr la présentation des nouveaux produits. J’envoyais à peu près 2000 documents papiers. En 98, Internet est arrivé. Pendant quelques temps, les deux moyens ont coexisté mais pour des raisons de coût, j’ai dû abandonner le catalogue papier.
Pour me faire connaître, je faisais des salons comme les Cinglés du cinéma à Argenteuil et j’essayais d’avoir des articles dans la presse. J’ai eu des coups de pouce sympathiques. Par exemple, Jérome Bonaldi a parlé deux fois d’Heeza dans l’émission Nulle Part Ailleurs. J’ai pu voir concrètement l’impact des médias, mes ventes ont explosé à la suite de ces diffusions ! Lorsque Internet s’est développé, j’ai appris tout seul le langage Html, j’ai réalisé la première version de mon site. Mes compétences ont été vite dépassées, je ne savais pas par exemple gérer une base de données, je me suis donc fait aider pour la deuxième version. Si je n’ai pas fait la structure technique de mon site, par contre je sais le faire vivre, c’est moi qui le remplis, je m’occupe du contenu. Puis, j’ai eu beaucoup de demandes de clients qui souhaitaient voir les objets, les tenir en main. J’avais aussi envie de rencontres. J’ai ouvert le local près de République en 2005.
Nous sommes nombreux à désirer percer le mystère du nom du site, peux-tu nous dire ce qui se cache derrière ce nom énigmatique ?
Lorsque j’ai créé la SARL, j’ai pensé l’appeler en référence directe avec les produits proposés, quelque chose comme «Mondo Cartoon». Mon père, fin businessman, m’a suggéré de choisir un nom plus générique, qui ne reflétait pas l’activité. Si dans 6 mois mon projet capotait et que je voulais vendre du fromage, tout ne serait pas à refaire ! Je ne me souviens plus comment je suis tombé sur le personnage du Colonel Heeza Liar (jeu de mot he’s a liar) mais il m’a plu. C’est le héros de la première série animée américaine, il est fortement inspiré de Théodore Roosevelt.
Et puis, comme la mère de mes enfants s’appelle Isabelle, j’avais une raison très personnelle d’aimer ce nom. En plus, il sonne bien, plein de noms sur Internet avaient deux voyelles à cette époque, pour une fois, j’étais à la mode !
Je ne vais pas te demander ton chiffre d’affaire mais arrives-tu à vivre d’Heeza ?
Non, je suis obligé de travailler à côté ! D’ailleurs, je lance un appel aux lecteurs de cet article, si vous avez un boulot pour moi, je suis preneur ! Je suis un fainéant contrarié, je ne rechigne pas devant l’effort …
Peux-tu nous décrire une de tes journées types ?
En arrivant au local, je vais voir sur Internet si j’ai des commandes, je les prépare, je suis l’as de l’empaquetage ! J’attends le client ! Je fais des pages pour mon site, par exemple, en ce moment je prépare la présentation d’une vingtaine de flipbooks réalisée par des étudiants de l’EESAB ( école européenne supérieure d’art de Bretagne). Je surfe à la recherche d’idées de nouveaux produits. En fin de journée, je vais à la poste envoyer mes colis.
Cette «routine» est parfois rompue par des visites inattendues. Peux-tu nous partager quelques rencontres qui t’ont marquées ?
J’ai été très impressionné par la visite d’un grand magicien, Philippe Socrate. Il m’a fait découvrir les boîtes à secret. J’ai d’ailleurs beaucoup de magiciens qui viennent m’acheter des flipbooks. J’ai aussi des artistes, le réalisateur Koji Yamamura est venu deux fois. Je reçois aussi des gens du cirque, des collectionneurs, des profs… Beaucoup de gens qui font des ateliers avec des enfants ! Je trouve ça sympa !
Que penses-tu de l’anagramme entre «magie» et «image» ?
J’en pense rien, il fallait la trouver ! C’est Méliès qui a fait du cinéma un spectacle car il était un magicien. J’ai beaucoup aimé un très court interview de Méliès qui parle de la première projection des Frères Lumière. Lorsqu’il est arrivé, la projection était bloquée sur une image fixe, il ne comprenait pas ce qui était extraordinaire, il connaissait depuis longtemps les lanternes magiques puis subitement l’image s’est mise à bouger, waouh ! On peut écouter sa voix nous raconter cette anecdote sur le site de l’Ina. Quand j’étais petit je voulais être magicien ou clown…
Commerçant et passionné ; équilibre fragile, défi quotidien. Qu’est-ce qui te motive à continuer l’aventure ?
Je ne sais rien faire d’autre. Heeza fait vraiment partie de moi. Si je devais arrêter, ça ferait un grand vide. C’est pas la moitié de ma vie mais c’est beaucoup quand même. Tant que je le pourrai, je le ferai !
Marcos me reçoit dans la pièce principale de son appartement. Des rayonnages de DVD, de livres et de revues tapissent les murs, une table disparaît sous une montagne de documents. Des jouets de construction laissés au sol par ses trois jeunes garçons rappellent que le lieu est à la fois un espace familial et un espace de travail. Pour Marcos, le cinéma se décline sur tous les tons, sujet d’étude et de travail, pratique amateur et professionnelle, plaisir personnel et objet de partage, partage de connaissance et d’émotion …
Se présenter en quelques mots…
Je suis avant tout cinéphile. J’exerce plusieurs métiers liés au cinéma. Je suis à la fois critique et programmateur. Je fais de la formation auprès de divers publics. J’essaie aussi de réaliser. Pour résumer, tout tourne autour des films : en voir, en montrer, en parler et peut-être en faire.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Enfant, j’étais très casanier, pas très sportif. Lorsque j’avais 13 ans, ma mère m’a inscrit à un club photo. Ça été décisif pour moi. Grâce à la photo, je suis sorti de chez moi, ça m’a donné une bonne raison d’aller à la découverte du monde qui m’entourait et à la rencontre des autres !
Une image qui t’accompagne …
Il y a un film que j’ai découvert ado et que je revois souvent, que je connais presque par coeur : «Partie de campagne» de Jean Renoir.
C’est l’un des films les plus sensuels qui soient et en même temps l’un des plus mélancoliques. Il reste mon film préféré.
Quel est ton premier souvenir de cinéma ?
C’était en Espagne, dans une très grande salle. Je devais avoir trois ans. Je me souviens d’un gorille géant détruisant des hélicoptères puis faisant un signe aux spectateurs pour montrer qu’il était le plus fort. J’étais effrayé et je ne comprenais pas pourquoi les gens autour de moi riaient. Je crois avoir retrouvé depuis de quel film il s’agissait : « APE », une parodie de King-Kong réalisé par Paul Leder.
Tu as eu aussi très tôt, dès l’adolescence, le désir de faire des films, peux-tu nous parler de tes premières expériences derrière la caméra ?
A 15 ans je me suis acheté une caméra super 8. Je faisais des petites fictions avec des copains. Je me souviens aussi d’un film sur mon chat, dans lequel j’avais imaginé l’un de ses rêves. J’avais mis un bas sur l’objectif de la caméra pour rendre l’image floue puis j’ai filmé au ralenti une multitude de fenêtres et de portes qui se fermaient…
Je continue à filmer régulièrement en Super 8, ma famille et mes amis essentiellement. C’est un format amateur assez simple à utiliser tout en restant du cinéma, avec une image à projeter. Mon goût pour ce format est aussi lié au fait que mes grands-parents filmaient beaucoup en Super 8 (la famille, leurs voyages). Quand, j’étais enfant nous regardions leurs films chaque Noël. L’image Super 8 a une texture unique, je ne connais rien de plus beau pour garder des souvenirs.
Après ton bac tu t’inscris au département Cinéma de Paris 8 avec Jean Narboni plutôt qu’à La Fémis, le «dire» l’emporte-t-il alors sur le «faire» ?
Non, je venais d’avoir mon bac à Angers. Pour intégrer la Fémis, il faut un niveau bac + 2. J’ai donc décidé de faire un DEUG avant. La fac de Paris 8 était facile d’accès pour un étudiant de province. Il y avait encore un esprit soixante-huitard qui avait ses inconvénients mais qui offrait surtout une formidable liberté, de pensée, de parole. J’ai fait des rencontres marquantes. Jean Narboni, qui avait notamment été rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, représentait pour moi une figure importante de l’histoire de la critique. J’ai beaucoup apprécié son rapport aux films. Il ne faisait pas de cours magistraux, il nous montrait des films et provoquait l’échange. Il se mettait en retrait pour faire participer les étudiants, sans se placer au-dessus d’eux. J’étais tellement bien à Paris 8 que je n’ai finalement jamais passé le concours de la Fémis. D’ailleurs, Paris 8 était une fac où il y avait pas mal de pratique. Par exemple, j’avais un cours de montage (en 16 mm) avec Cécile Decugis qui a travaillé avec Godard, Truffaut, Rohmer…
C’est aussi à Paris 8 que j’ai réalisé mon premier court métrage en 16 mm. J’avais eu droit à deux bobines de 30 mètres (6 min environ). J’ai filmé un taxidermiste, puis j’ai ajouté un commentaire en voix off. C’est un film très inspiré du « Sang des bêtes » de Georges Franju, qui avait été un choc pour moi.
Un an plus tard, toujours à Paris 8, j’ai réalisé « La ville des chiens » sur la vieille ville de Goussainville, qui était devenu un véritable village fantôme depuis la construction de l’aéroport de Roissy. Bref, il était possible de réaliser des films dans cette université. Le « voir », le « dire » et le « faire » allaient ensemble.
Que t’inspire la vieille idée du critique vu comme un cinéaste frustré ?
Il y en a sûrement ! Mais c’est une vision très négative. Moi, je crois plus à l’idée de Jean Douchet que la critique est l’art d’aimer.
On écrit pour des raisons contraires à la frustration, on écrit pour formuler des sensations, des idées sur les films. Il faut rappeler que quand on écrit des critiques, on est rarement payé. Les critiques gagnent leur vie autrement. C’est par passion qu’on fait ça, et non par ressentiment ! Par ailleurs, même si ce n’est pas mon cas, je ne suis pas choqué que des critiques ne s’intéressent pas du tout à la pratique. On peut très bien parler d’un film sans savoir en faire.
J’ai été touché que le comité de rédaction de la revue Trafic me demande d’intégrer la revue. Cette revue mythique a été fondée notamment par Serge Daney il y a une vingtaine d’année. Cela correspond à peu près à mon arrivée à Paris. Je me revois très bien achetant le numéro 1. Le rythme de parution, trimestriel, permet un recul, une liberté par rapport à ce qu’on appelle « l’actualité du cinéma », imposée par le rythme des sorties en salles. François Truffaut a défini la politique des auteurs de films, Serge Daney avait, quant à lui, l’ambition de proclamer la politique des auteurs de textes sur le cinéma. Dans Trafic, c’est chaque auteur qui définit ce qui constitue pour lui l’actualité cinématographique, son actualité de spectateur. Ça peut être un film qui vient de sortir aussi bien qu’un film muet, une installation d’art contemporain autant qu’une question esthétique qui traverse toute l’histoire du cinéma.
Tu participes à des actions liées à l’éducation à l’image notamment dans le cadre du dispositif «école et cinéma». Quels sont pour toi les fondements d’une culture cinématographique ?
Ce que j’essaie de faire passer aux enfants mais aussi aux adultes, c’est de se sentir très libre par rapport aux films, sans aucune barrière culturelle. Ce n’est pas si facile d’être totalement soi-même devant un film, en mettant de côté tout ce que l’on en sait déjà, en ne se laissant pas écraser par tout le poids culturel dont il est chargé. Par exemple, il est toujours très difficile de voir pour la première fois un film qui est considéré comme un « grand classique », parce que notre regard est déjà conditionné par sa réputation. C’est d’autant plus vrai dans un cadre scolaire. Alors, pour dépasser ça, il faut permettre aux élèves d’exprimer le plus librement possible ce qu’ils ont ressenti, en leur disant que nous n’attendons pas des bonnes ou des mauvaises réponses de leur part, ni même qu’ils aiment ce qu’on leur montre, mais seulement qu’ils sachent exprimer leur émotion ou leur rejet. Il faut donc éviter les grilles de lecture préétablies, les idées arrêtées. Je pense à cette phrase de Truffaut : « Il faudrait considérer les films comme des êtres vivants ». Pour moi, à chaque film c’est tout le cinéma qui se rejoue. Il n’y a pas une conception du cinéma qui est plus légitime qu’une autre. Je peux aimer avec la même force des films très différents dans leur vision du cinéma, un film néo-réaliste italien autant qu’un film fantastique hollywoodien, un documentaire de Flaherty autant qu’un dessin-animé de Tex Avery. C’est en cela que le cinéma est un art : chaque artiste le réinvente pour lui-même. De même, en chaque spectateur chaque film résonne d’une façon différente.
Tu as un lien très fort avec la maison d’édition «Yellow Now» en tant qu’auteur mais aussi en tant que directeur de la collection «Côtés films». Qu’est-ce qui t’anime dans cette fonction ?
C’est un travail assez beau que d’aider les auteurs à accoucher d’un livre. Tout commence par mon propre plaisir de lecteur. Il y a quelques textes sur le cinéma qui m’ont autant marqué que des films. Ecrire sur le cinéma peut être un vrai exercice de création. Au départ de la collection, on était deux directeurs, je travaillais avec Fabrice Revault qui a été un de mes profs à Paris 8. L’idée était de proposer à des auteurs que l’on aimait d’écrire sur des films qu’ils aimaient, sans contrainte, sans cahier des charges. Dans cette collection, j’ai édité des auteurs qui m’avaient marqué quand j’étais étudiant. C’est assez émouvant de continuer de cette façon le « passage de relais ». Je pense à Narboni, à Revault mais aussi à Prosper Hillairet qui était un prof passionné et passionnant qui m’avait fait découvrir le cinéma expérimental, le cinéma underground américain.
Tu es aussi depuis quelques années programmateur à l’auditorium du Musée d’Orsay. En lien avec les expositions du musée, tu réalises un travail important de défricheur du cinéma des origines. Quelle part de contraintes et de liberté rencontres-tu dans ce travail ?
Ma programmation doit avoir un lien, soit avec les expositions du musée, soit avec la période de référence (1848-1914). Je peux travailler sur une thématique (Rêver d’Edgar Allan Poe), sur un cinéaste (Alice Guy), sur une maison de production (Dans la nuit de la Hammer)…
Par exemple, en lien avec l’exposition « L’ange du bizarre », on a décidé de proposer un sujet de cycle qui puisse exister à part entière plutôt qu’une programmation uniquement illustrative du thème de l’exposition. D’autant que le cinéma y est déjà très présent à travers des projections d’extraits de films, il ne fallait donc pas être redondant. On a donc cherché à mettre en valeur une cinématographie assez rare, méconnue du grand public et même de certains cinéphiles, en présentant des films de trois grands auteurs scandinaves : Sjöström, Christensen et Stiller. Le public était présent aux séances, on est content d’avoir donné une visibilité à ces films, dont certains sont parmi les plus beaux du cinéma muet. C’est très satisfaisant de montrer des films rares, et que des gens viennent les voir et les aiment. Ça donne le sentiment de participer un tout petit peu à l’histoire du cinéma…
Une dernière question ! Dans le texte de présentation, au dos de la couverture de ton livre sur Tourneur, on apprend que tu as fait une conférence sur Boby Lapointe à des universitaires anglais…
C’est vrai, j’ai réellement fait une conférence sur Boby Lapointe à Manchester ! C’était pour un colloque consacré à la chanson française. J’ai répondu à une annonce en proposant une contribution sur Boby Lapointe et j’ai été retenu. Même si j’avais face à moi un public francophone, l’explication de certains jeux de mots à des anglais était un vrai défi ! On ne peut pas imaginer un chanteur plus intraduisible que Boby Lapointe.
J’aime bien la chanson même si j’ai un rapport d’amateur avec cet art. Je me suis beaucoup amusé à réaliser des petits clips en Super 8 pour le chanteur Athanase Granson et le groupe Like billy-ho .
« Il ne faut pas dire que le passé éclaire le présent ou que le présent éclaire le passé. Au contraire, l’image est ce en quoi, « l’autrefois » rencontre « le maintenant » en un éclair pour former une constellation. » Walter Benjamin, Le livre des passages
C’est avec les mots d’un autre que le cinéaste Jean Lassave termine la présentation de son nouveau film « La Ciotat, mon bleu des origines » devant une salle comble dans les locaux de la SCAM. Plus qu’un orateur, Jean est un marcheur, son film nous invite à le suivre pour un voyage aux frontières mouvantes ; l’histoire se mêle au présent, l’individu au collectif, l’acteur au spectateur…
Se présenter en quelques mots…
Je suis réalisateur, cinéaste. J’appartiens à une génération qui a remis en cause la dogma du cinéma pour réaliser un cinéma engagé, politiquement et artistiquement. Je ne revendique pas spécifiquement l’étiquette de documentariste. Le documentaire, je le conçois comme un film à faire, comme une fiction. Je me souviens d’une phrase-clé de ma formation : «on fait du documentaire dans la fiction et de la fiction dans le documentaire». L’essentiel est d’essayer de capter une diversité de regards. Comme les cubistes, représenter un objet sous toutes ses faces. Tous les modes d’expression du cinéma m’intéressent. Je crois à la démocratie des images.
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Apprendre à nager, trouver un équilibre à la surface de l’eau. Jean Renoir disait « j’essaie d’être un bouchon». Je suis un méditerranéen, la mer est un élément fondamental. Il est vital de retenir ce qui fait peur, ce qui t’amène au fond de l’eau. Faire un film c’est comme nager avec style pendant 5-10 mètres.
Une image qui t’accompagne …
C’est un tableau que j’ai vu très jeune dans un gros livre: la figure du Christ de Rouault. L’épaisseur de peinture est le signe d’un repentir permanent, c’est d’une force incroyable.
Lors de la soirée organisée par la SCAM, avant la projection de ton film, tu as rendu un hommage à ton frère François qui t’a ouvert les portes du cinéma. Peux-tu revenir sur ce temps d’initiation ?
François était mon frère ainé, il avait 7 ans de plus que moi, c’était aussi mon parrain. Comme il était asthmatique, il était souvent malade. Ça lui a permis de beaucoup lire, il avait une très forte culture. Il était féru de littérature et passionné de cinéma. Mes parents allaient au cinéma une fois par semaine, nous laissant les cinq enfants sous la surveillance de François. François nous présentait alors les films qui sortaient, il se mettait devant un miroir et mimaient tous les rôles, faisait la musique… Il m’a donné la passion des images. Je rêvais d’une autre réalité à travers les images. A l’adolescence, j’animais un ciné-club dans mon lycée. Je concevais le programme avec mon frère. Il m’a fait programmer «La vie d’O’Haru, femme galante» de Mizoguchi. Ça a été un gros scandale !
Quel a été ton parcours pour devenir «documentariste» ?
J’ai fait l’IDHEC, la 29 ème promotion (1973-76). Il y avait à cette période un très fort engagement politique. Le cinéma de fiction était vu comme un cinéma bourgeois. Le cinéma engagé était le cinéma du réel, c’était l’époque du groupe Dziga-Vertov.
Les figures fortes de cette époque étaient Godard et Straub. Parallèlement, j’ai suivi des cinéastes plus classiques comme Renoir et d’autres.
Tu as commencé à réaliser des films au début des années 80, comment présenterais-tu ta filmographie à quelqu’un qui, comme moi, ne la connaît pas ?
Je ne sais pas. En fait je ne suis pas à l’origine de tous mes films. J’ai beaucoup répondu à des demandes, voir des commandes. J’ai été, pendant 7 ans, assistant de réalisation à la télévision. Le cinéma est un milieu très fermé. En tant que marseillais je ne connaissais personne, je n’avais pas de relation. Ça toujours été très difficile de gagner ma croûte. Donc, en sortant de l’IDHEC, on pouvait travailler tout de suite à la télévision. J’ai eu ma carte de réalisateur TV et deux projets de films. Le premier film est sorti en 84, c’était «Face B- contre-enquête» sur un fait divers. Ma filmographie est diversifiée sur le plan des formats ( j’ai fait des courts, des moyens et des longs métrages), j’ai fait principalement des films qui concernent l’histoire et la réalité sociale. En 88, j’ai participé à une grosse série qui s’appelait Génération, j’ai touché de près les archives. Parallèlement, il y a aussi les films qu’on ne fait pas, ils sont peut être aussi une oeuvre. J’ai écrit plusieurs scénarios de longs métrages, des scénarios de fiction. Pour l’instant, je n’ai pas pu monter les projets…
Tu as cosigné beaucoup de tes films, que t’apporte la collaboration avec un autre réalisateur ?
De tous les arts, le cinéma est le plus collectif. On ne peut pas faire un film seul. A chaque étape de fabrication, il y a la nécessité d’un travail en commun. Il y a toujours un dialogue. Faire des films à deux permet à la fois de se remettre en cause et de se rassurer. Bien sûr assumer à deux les choix, c’est compliqué, il y a toujours une tension à un moment donné.
Tu es membre d’un syndicat (SFR-CGT), de plusieurs associations ( ADDOC, SCAM, «Regards portés»). Que représente pour toi cet engagement dans l’action collective ?
C’est la suite logique de ma formation par rapport à un cinéma engagé. Le cinéma se prolonge d’une manière citoyenne, faire évoluer la société et le lieu où l’on travaille. Le cinéma est un des secteurs où l’on peut-être le plus exploité. Au nom de l’art, on peut faire n’importe quoi ! Il faut se défendre.
Ta dernière oeuvre est quant à elle éminemment personnelle, Tu explores la ville de ton enfance, La Ciotat, par le filtre de ta mémoire. Tu es derrière la caméra mais aussi devant puisque tu te mets en scène dans ton propre film avec comme «costume» un bleu de travail. Tu avais un désir caché d’être acteur ?
J’étais fasciné très jeune par Charlot. Quand j’étais tout petit à la Noël, j’improvisais des sketchs comiques pour faire rire la famille. J’avais inventé un personnage «Titi la gazette», c’était une sorte de Polichinelle avec un coussin dans le dos. Plus tard, au lycée, on m’a toujours pris pour quelqu’un de très sérieux, renfermé. En fait, je suis peut être un comique ! Jouer dans son propre film, c’est compliqué car on ne se voit pas ! Le chef opérateur n’a pas forcément l’idée de ce que tu veux faire. Mais je me devais d’être devant la caméra, pour moi c’est une question d’éthique. Si je veux parler de moi, il fallait que ça existe. Je suis acteur et spectateur de l’histoire, je dois être devant et derrière la caméra. Quand on revient sur le lieu de son enfance, tout à coup plein de choses apparaissent, viennent se superposer, c’est fugitif. L’idée qui présidait le film est que je ne voulais pas seulement raconter mon «égo-histoire», je pense que chacun est porteur à son niveau de la grande Histoire. C’est une idée développée par Pierre Nora dans «Les lieux de mémoire». J’ai repris le costume local, le bleu de Chine qui était porté par tous les gens des chantiers navals et par les pêcheurs. J’ai découvert qu’un groupe de musiciens «Moussu T e lei Jovents» l’avait aussi choisi comme costume de scène.
J’allais à la Ciotat pour les vacances d’été, j’ai toujours vu un ciel bleu. Je n’ai découvert le gris de la Ciotat qu’au moment du film. Avec Bruno Flament, le chef opérateur, on faisait des repérages fin octobre, on était allé voir le peintre-ouvrier, Gilbert Ganteaume, il avait plu toute la journée. Lorsqu’on est sorti, la lumière sur la calanque était superbe. Bruno avait sa caméra, il l’a laissée tourner. C’est ce qui est bien avec la vidéo, on peut se permettre d’attendre pour avoir le bon moment. Ces images sont au tout début du film.
Tu es non seulement présent à l’image mais aussi dans la bande-son avec une voix off très prégnante. Tu dis un texte que je trouve très beau, très poétique… A quel moment l’as-tu écrit ?
Il y a eu plusieurs étapes. Tout d’abord, on est allé sur les lieux, rencontrer des personnes. On a fait des repérages avec Bruno. A partir de ces premières images, j’ai écrit un premier texte. Il y a eu ensuite des réécritures au tournage et au montage. Le texte s’est transformé au contact des images et des sons. Comme beaucoup de personnes, je n’aime pas ma voix enregistrée. J’ai pensé devenir ventriloque, l’idée était que le texte sorte du ventre. J’ai aussi envisagé de faire dire le texte par un comédien, je n’étais vraiment pas sûr de ma voix et en plus le mixage son est ce qui coûte le plus cher, il ne faut pas trop se planter. J’ai contacté un comédien, il a lu le texte, il l’a trouvé trop personnel, c’était à moi de le dire, il est devenu mon coach !
Tes souvenirs s’entremêlent avec l’évocation d’hommes et de femmes qui ont ou qui ont eu comme toi La Ciotat comme port d’attache à un moment de leur vie. Tu commences bien sûr par Les frères Lumière, on croise aussi bien des artistes que des artisans, des figures historiques que tes contemporains. Comment as-tu établi la liste de tes invités ?
Je reviens à l’idée qui préside au film, le lien entre la petite et la grande histoire. Le fait que je sois acteur et spectateur. A un moment, je disparais pour laisser la parole aux acteurs de la ville. Il y a les figures historiques incontournables, les frères Lumière et le poète Emile Ripert et puis des choix plus personnels. Le chantier de la scop des charpentiers m’a fait pensé à l’atmosphère des studios de cinéma. J’avais aussi envie d’une réflexion sur l’image, c’est Bergala et Plossu qui font le lien entre la réalité que l’on rencontre et la théorie.
Et puis cette découverte du lien entre la pellicule Kodak 35 mm et la fabrication de la carte à puce. C’est une métaphore extraordinaire du lien entre le cinéma et l’argent doré.
Une dernière question, pourquoi «le ballon rouge» ?
L’idée est venue en écrivant, j’avais envie d’une figure de l’enfance. J’ai le souvenir qu’il y avait dans la bibliothèque de mes parents un livre sur le «Ballon rouge» de Lamorisse, c’était comme un roman-photo en noir et blanc. C’est un moment poétique assez fort. On s’est amusé à faire voler le ballon à l’aide d’un filin transparent et puis on a aussi utilisé la technique de l’animation «image par image» lorsque le ballon passe au dessus de ma tête.
Document-terre
Partir vers l’avenir
Revenir vers le passé
Retrouver le présent
Chacun croit exprimer l’individuel
Et dit l’universel
Jean Lassave