Lors de mon séjour à Arles cet été, j’avais acheté le dernier ouvrage d’Anne Cartier-Bresson « Dans l’atelier du photographe », sans savoir que cette publication allait être accompagnée par une exposition au musée Bourdelle. J’étais intéressée par le point de vue choisi : présenter l’histoire de la photographie par la pratique et le développement des techniques.
J’étais très curieuse de découvrir la présentation de ce thème dans un espace muséal.
Bonne surprise, avant même l’entrée dans l’exposition, une oeuvre de Charles Matton nous accueille en bas des escaliers.
Une grande maquette représente le loft d’un photographe en miniature. L’espace ainsi reconstitué est extraordinaire. Je suis impressionnée par la qualité des matières, des objets et de la lumière. A ces côtés, un très beau tirage argentique est exposé.
Emerveillement d’y reconnaître le grand escalier de la maquette. Nos repères sont bousculés. Quel est le monde représenté ? La mise en scène proposée nous fait naviguer entre la réalité et la fiction.
La suite de l’exposition est plus convenue, il est bien sûr très agréable d’admirer les oeuvres originales, la vision stéréoscopique par exemple est impossible à reproduire dans un livre ! Toutefois la présentation de l’exposition m’a semblé plate, j’aurais aimé trouver à côté des photographies et des textes, des objets réels rendant compte de la matérialité d’un atelier.
Réussir à diminuer le temps de la prise de vue est présenté comme une des grandes conquêtes techniques. En 1845, de nombreuses minutes étaient nécessaires pour impressionner la plaque de cuivre du daguerréotype. Un siècle plus tard, le Leica permet un temps de pose réduit au 1/500 e de seconde. Ce qui me fascine, c’est de voir comment les artistes contemporains utilisent cette contrainte technique pour créer de nouvelles images.
L’artiste américain, Mark Osterman, utilise des procédés anciens comme le négatif sur verre au collodion. Dans « Catching Blanks » le temps de pose rend fantomatique les personnes saisies en mouvement, de nombreuses mains dépourvues de corps interprètent des gestes énigmatiques. Au premier plan, une table avec des flacons de verre pourrait laisser croire que l’on est dans un laboratoire de chimie si ce n’est la présence d’un pistolet suspendu à une corde… La matérialité de l’image rend mystérieuse la réalité représentée et laisse le spectateur avec des questions sans réponse. L’exposition comme le livre se termine par la présentation de l’oeuvre de Pietro Iori, « In front off ». A l’ère du numérique, il est encore possible de jouer avec l’animé et l’inanimé grâce au temps de pose.
Une grande photo représente la gare de Berlin, en plein jour, étonnamment déserte. La prise de vue a nécessité plusieurs heures vidant ainsi la gare de tout mouvement, seule la structure fixe du bâtiment a été enregistrée. En bas de cette image, une main tenant un appareil photo est incrustée. Sur l’écran de l’appareil défilent des diapositives révélant les voyageurs qui sont passés devant l’appareil au cours de la prise de vue. La confrontation des deux images sur le même support valorise le choix de l’artiste. Que veut-il montrer de la réalité ?
Si je suis restée sur ma faim quant à la présentation matérielle de l’évolution des techniques photographiques, le choix des oeuvres présentées notamment contemporaines justifie largement une petite visite au musée Bourdelle.