Balade italienne autour d’Adam et Eve…

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Détail de l’oeuvre sculptée de Filipo Calendario, Palais Ducal de Venise

Parmi toutes les oeuvres admirées en Italie, il en est une qui est ancrée en moi depuis plusieurs années, Adam et Eve chassés du Paradis de Masaccio. Sa profonde humanité la rend intemporelle et me touche au delà des siècles. Que voit-on exactement sur cette fresque ?

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« Adam et Eve chassés du Paradis terrestre » de Massacio, la chapelle Brancacci, 1424-1428, Florence

La composition est simple, le premier couple de la Genèse est surmonté par l’ange Gabriel, Adam et Eve viennent de franchir un portique blanc et marchent sur un sol aride. La scène représente l’expulsion du paradis terrestre. L’archange vêtu de rouge porte une épée d’une main et désigne de l’autre la direction opposée au portique, l’expulsion se fait manu militari. Un faisceau de traits sort du portique, il rappelle l’origine divine de la sentence et le rôle d’intermédiaire de l’ange Gabriel. Si la lumière divine n’atteint plus le couple, il est toutefois enveloppé d’une belle lumière qui provoque des ombres portées derrière lui. On ne voit pas l’origine de cette lumière, on peut imaginer qu’elle provient du monde réel qui va accueillir les deux fugitifs. Adam et Eve sont en mouvement, s’ils marchent d’un même pas, leurs gestuels diffèrent. Adam a la tête baissée, il se cache les yeux, il ne veut pas voir. Eve, quant à elle, lève son visage, un cri semble sortir de ses lèvres entrouvertes. De ses mains elle cache son sexe et ses seins, elle ne veut pas être vue. La question du corps féminin tentateur n’est pas loin !

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Détail, « Adam et Eve chassés du Paradis terrestre » de Masaccio, la chapelle Brancacci, 1424-1428, Florence

Ils viennent de vivre un épisode tragique, leur détresse est réelle toutefois elle ne les terrasse pas. Malgré leur accablement, ils sont en marche vers une vie nouvelle que l’on peut espérer riche de désirs et de savoirs. Cette fresque appartient à un cycle qui illustre la vie de saint Pierre exécuté pour la décoration de la chapelle Brancacci (Eglise de Santa Maria del Carmine à Florence) par trois artistes majeurs, Masaccio mais aussi Masolino et Filippino Lippi. Il est intéressant de comparer la fresque de Masaccio à celle de Masolino qui représente, quant à elle, l’épisode précédant l’expulsion, La tentation d’Adam et Eve.

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« La tentation d’Adam et Eve » de Masolino, la chapelle Brancacci, 1424-1428, Florence

Les corps nus et les visages d’Adam et Eve sont ici idéalisés, ils ressemblent plus à des êtres fictifs qu’à des êtres réels. Leurs regards et leurs gestes sont inexpressifs, ils ignorent notamment le serpent au dessus d’eux. Le paradis terrestre remettrait-il en question la présence au monde réel et à la vie ?

On retrouve cette scène dans le groupe sculpté à l’angle du Palais ducal de Venise. Cette oeuvre plus ancienne a été réalisée par Filipo Calendario (1315-1355). Le jeu des comparaison est toujours riche d’enseignements et peut se poursuivre à l’infini.

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On trouve les mêmes éléments dans les deux oeuvres : l’arbre de la connaissance du bien et du mal représenté par un figuier, un serpent à tête humaine et le célèbre couple. Si dans l’oeuvre de Masolino, l’arbre est à la gauche d’Adam et Eve, dans l’oeuvre sculptée il les sépare, son feuillage recouvrant leur sexe. Dans la représentation de Calendario, le serpent s’adresse exclusivement à Eve qui porte dans sa main un fruit de l’arbre. De son autre main, elle désigne clairement son compagnon, voulant l’associer à la faute qu’elle s’apprête à réaliser. Lui répond au geste d’Eve par un autre geste déclinant toute responsabilité. Sentiment irrésistible et amusant d’être face à un dialogue gestuel que nos amis italiens pratiquent avec bonheur !

Aux galeries dell’Académia de Venise, on peut voir un tableau de Tintoret sur ce même motif.

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Adam et Eve du Tintoret, 1551, Galerie dell’Académia, Venise

Adam et Eve se font face au premier plan de la toile, ils sont assis chacun sur un petit muret de pierre. Les obliques des corps s’inscrivent dans l’oblique opposée du paysage vu en perpective. Eve prend appui sur l’arbre et tend à Adam le fruit défendu représenté ici par une pomme. La lumière met en valeur le corps laiteux d’Eve. Son geste et son expression sont calmes, ils contrastent avec le mouvement de recul d’Adam. La lumière souligne la torsion de son corps que l’on voit de dos. Le serpent n’est visible que par sa gueule qui porte une autre pomme. Cette scène occupe les trois quarts de la toile. Une autre scène figure à l’arrière-plan, sa petite dimension pourrait la rendre inaperçue.

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Détail, Adam et Eve du Tintoret, 1551, Galerie dell’Académia, Venise

Un homme et une femme nus sont poursuivis par un ange auréolé de lumière. On retrouve dans ce détail la conséquence à l’action représentée au premier plan, Adam et Eve sont chassés du paradis terrestre pour avoir goûter le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Une vision qui résonne avec celle de Masaccio.

D’autres oeuvres recueillies lors de notre séjour en Toscane et à Venise… une collection qui ne demande qu’à s’agrandir !

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