Lieu de perdition pour ma carte bleue, les librairies exercent sur moi un pouvoir d’attraction irrépressible. J’aime l’objet livre ! J’aime admirer les vitrines accrocheuses, j’aime flâner dans les rayons, j’aime lire les résumés des quatrièmes de couverture, j’aime confronter mes choix avec les avis des libraires… Alors quand la librairie est tenue par une amie, les visites sont doublement agréables. Depuis presque deux ans, Catherine et Sarah animent avec passion la librairie Les Petits mots à Meudon. Juste entre l’effervescence de la rentrée littéraire et la folie des fêtes de fin d’année, un petit moment de calme pour parler d’un métier entre rêve et réalité.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis aujourd’hui libraire. C’est une profession que j’exerce depuis deux ans, j’ai repris la librairie du centre-ville de Meudon début janvier 2013 .
Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?
Le sport ! J’ai fait beaucoup de handball et de tennis. J’aime la performance, me dépasser, obtenir des résultats. Le sport m’offrait un contexte réjouissant pour progresser que n’avait pas l’école. Mon père exerçait une grosse pression sur mes résultats scolaires.
Une image qui t’accompagne…
Les illustrations d’Apoutsiak de Paul-Emile Victor. Je me cachais dans un placard pour le lire. J’avais besoin d’être seule, comme dans une bulle protectrice.
Je me revois encore quand j’ai réussi à lire mon premier livre toute seule. C’était Oui Oui au cirque d’Enid Blyton. J’étais à l’arrière de la voiture de mon père, nous allions chez le médecin.
Les images de plaisir de mon enfance sont liées au sport ou à la lecture.
Tes études et tes premiers emplois ne te destinaient pas forcément à devenir libraire, peux-tu nous parler des grandes étapes qui ont ponctué ton parcours professionnel ?
J’ai fait des études de commerce et j’ai travaillé une vingtaine d’années dans une grosse entreprise américaine spécialisée dans le chocolat et le café. Je m’occupais du marketing, de la vente, des achats…Il est arrivé un moment où je n’étais plus satisfaite, ni de ce que je faisais, ni de l’entreprise dans laquelle je travaillais…
Devenir libraire ça représentait quoi pour toi ?
La concrétisation d’un rêve qui s’est avéré être très éloigné de la réalité ! Je me voyais lire toute la journée, découvrir de nouveaux auteurs… J’avais besoin d’un changement professionnel, j’ai hésité entre des métiers liés aux livres ou des métiers en relation avec le sport, mes deux passions ! J’ai commencé une formation de libraire et j’ai fait plusieurs stages dans des librairies avant de me décider.
Tu es une grosse lectrice ?
Oui, je lis beaucoup. La lecture a été très importante dans mon enfance et mon adolescence. Puis entre 20 et 30 ans, lorsque j’ai eu mes enfants, j’ai fait une pause, je n’avais plus le temps. Je me souviens du livre qui a fait redémarrer ma vie de lectrice, c’est Les piliers de la terre de Ken Follett. Un des livres qui m’a beaucoup marqué est Le coeur cousu de Carole Martinez. C’est un livre qui m’a vraiment parlé !
Plus généralement, face à la production pléthorique, comment réalises-tu le choix des livres que tu proposes dans ta librairie ?
C’est un véritable cauchemar ! Je me dois d’être réaliste. Ce que j’aimerais garder dans mon fond n’est pas toujours en adéquation avec ce que mes clients recherchent : la nouveauté, les livres dont on parle ! J’ai un tout petit fond, de l’ordre de 10% de mon stock. Tous les mois, je reçois les catalogues d’offices et de nouveautés des éditeurs. Des représentants peuvent nous accompagner mais il est vraiment difficile de choisir. Une thématique peut nous accrocher, il y a aussi les auteurs que l’on connaît. Il faut réagir très rapidement. Les prix littéraires sont très prescripteurs, l’émission La grande librairie aussi.
Tu as aussi mis en place un site de commande en ligne, est-ce un complément indispensable à la vente directe ?
Indispensable ? Non, mais très utile ! C’est une seconde vitrine. J’annonce les évènements, les dédicaces qui vont avoir lieu. C’est aussi un outil pour les professionnels, les documentalistes des établissements scolaires font leur commande via le site. J’aimerais qu’il soit plus à jour mais je cours continuellement après le temps…
Justement, en quoi consiste ton travail au quotidien ?
L’essentiel est l’accueil du client, répondre à sa demande le plus rapidement possible. Toutes nos autres tâches sont fractionnées par cette activité principale. La logistique est aussi fondamentale ; passer les commandes, recevoir les colis, gérer les factures et les litiges, recevoir les représentants… Ranger les livres, les mettre en valeur, aménager la vitrine…
Lors du réaménagement de la librairie, tu as gardé le rayon papeterie… C’est un choix ou une nécessité ?
A Meudon, il n’y a plus d’autres papeteries en dehors du rayon de Monoprix. Il y a plein d’articles qu’ils n’ont pas. J’ai donc une vraie demande. La papeterie est aussi en adéquation avec le profil de ma librairie qui est orienté vers le scolaire. La papeterie correspond à 15-20% de mon chiffre d’affaire mais elle offre une meilleure marge que les livres.
Au bout de deux ans, ton bilan comptable est-il encourageant ?
Oui, j’ai gagné de l’argent dès ma première année. Mais l’économie d’une librairie reste fragile. Les frais fixes sont importants, nous avons un seuil incompressible : loyer, salaire de mon employée… Entre septembre et décembre, de la rentrée littéraire aux fêtes de Noël, je fais 60% de mon chiffre d’affaire.
J’aimerais te faire réagir à cette page de Literary Life de Posy Simmonds…
Quel est pour toi l’avenir du «petit libraire indépendant» ?
C’est la loi Lang sur le prix unique du livre qui permet aux petites librairies de continuer à exister face à la grande distribution. On est obligé d’évoluer, de vivre avec son temps… Créer un site, faire appel à un coursier pour satisfaire le plus rapidement possible les clients sont des moyens pour lutter contre l’hégémonie d’Amazon.
Les libraires font-ils de bons personnages littéraires ?
Oui ! La Jolie libraire dans la lumière de Frank Andriat. A L’ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon. Au bon roman de Laurence Cossé…
Chère Catherine,
déjà le départ de Sara fut dur pour moi.
Mais trouver ma chère librairie … défigurée, son identité anéanti, devenue violemment quelconque … désenchantée … ça fait mal !!!
En plus, votre départ !!!
Quel choc.
Ça a du se voir dans mon visage : j’étais sonné … MA librairie, librairie unique, boîte à rêves, lieu de rencontres, caverne des merveilles, ravagée par l’anonymat.
Le cheval d’Atila piétinant les fleurs …
Bon. C’est comme ça : les choses changent.
Se standardisent.
Je suis venue aujourd’hui pour acheter quelques BDs (Le joueur d’échecs et Au revoir là-haut) question de faire un lien positif avec Atila.
Mais une très belle et exceptionnelle époque a été balayé.
Très affectueusement,
Ivette.
J’ai déjà laissé une lettre pour Catherine