Patricia Misiri, artiste plasticienne

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Patricia joue avec des matériaux pauvres qu’elle détourne, photo prise dans son atelier en mars 2021

Les buvettes des festivals bruissent de multiples conversations. C’est à celle du dernier festival Idéklic que j’ai fait la connaissance de Patricia. Après des journées de travail bien remplies nous prenions plaisir à nous retrouver autour d’une bière fraiche, instant magique de la rencontre, une parfaite inconnue devient une personne qui vous importe.                              À ma demande Patricia s’est prêtée ici au jeu de l’interview. Passer d’une conversation privée à un entretien devant être publié n’est pas anodin. Je la remercie pour sa confiance. 

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

C’est un exercice extrêmement difficile parce que, ce que j’ai fait pendant plus de 20 ans n’est pas répertorié. Mon métier est un patchwork de divers techniques auxquelles j’ai été formé et que j’ai développées : coiffure, perruque, make up, sculpture et dessin. Je suis quelqu’un de très curieux. Travailler la matière est mon moyen d’expression privilégié. Ce qui me caractérise, c’est que j’ai toujours transformé ce que j’ai appris. A mes yeux avoir un cadre est essentiel voir rassurant mais j’ai toujours ressenti le besoin de m’en affranchir, d’aller au delà…C’est plus fort que moi cette nécessitée d’explorer. C’est ma manière d’appréhender le travail créatif .

Qu’est-ce qui a été le plus formateur dans ton enfance ?

Mon échec scolaire ! C’est une vraie blessure. J’aurais voulu faire des études. Lorsque j’étais en CM1/CM2 je rêvais d’avoir 12 profs et de parler anglais. Mais je ne suis pas allée en classe de 6 ème et je n’ai pas suivi un cursus classique. Mes problèmes d’apprentissage liés à la dyslexie ont eu un impact sur mon orientation et je me suis retrouvée en SES (Section d’Education Spécialisée). Tout d’un coup, mon univers s’est rétréci, je le refusais, je ne voulais pas être couturière en usine ou ouvrière cartonnière. Ce qui m’a sauvé c’étaient les colos organisées par l’ORTF, ma mère y travaillait. J’en ai des souvenirs très forts, c’était de vrais temps de respiration. Les enfants de journaliste ou de réalisateur côtoyaient les enfants de secrétaire, ces colos permettaient un vrai brassage social. À l’inverse de l’école, mes moments de vacances m’offraient une ouverture sur le monde et notamment sur la culture. Les échanges avec les autres enfants et les activités proposées ont créé un envie d’ailleurs qui m’a nourri. Un autre avenir était possible.

Une image qui t’accompagne…

Moi marchant les cheveux dans le vent sans but. Juste le plaisir de marcher.

Quand as-tu décidé que tu allais te consacrer à une carrière artistique ?

Ça ne s’est jamais posé en ces termes, ça toujours été là ! Je suis montée à Paris avec un CAP de coiffure en poche. Je voulais travailler dans le spectacle. À 18 ans, j’ai passé le concours d’entrée aux Beaux Arts, je ne l’ai pas eu, je m’étais mal préparée. Mon désir était fragilisé par la peur de ne pas pouvoir gagner ma vie en étant artiste. J’ai suivi des cours du soir dans une école privée, l’école Chauveau, pour me former au « maquillage artistique ». Dans la journée, je travaillais comme monitrice, je faisais du baby-sitting, du télé-marketing…

Quels ont été tes premiers pas dans la vie professionnelle ?

J’ai commencé comme maquilleuse sur des tournages. En parallèle j’ai eu très vite envie de faire du théâtre, de devenir comédienne. Tout ce qui m’avait manqué à l’école, j’avais besoin de le chercher par moi-même. J’étais tétanisée à l’idée d’apprendre et de dire un texte, à cette époque j’étais hantée par mon échec scolaire. J’ai beaucoup travaillé à l’instinct, j’ai cherché des moyens de m’exprimer en dehors des mots. De 22 à 27 ans j’ai suivi des cours au studio Alain De Bock et à l’École du Passage dirigée par Niels Arestrup. J’ai continué à apprendre au travers de divers stages dont ceux proposés par l’école Jacques Lecoq. J’ai intégré la Compagnie de la Baignoire fondée par Neuza Thomasi qui était prof au Studio De BockJ’ai un souvenir très fort de cette période. Nous étions six comédiens pour la création du spectacle « ÇA !». Inspiré de la mythologie grecque en lien avec la création de l’univers, nous l’avons travaillé à partir d’un grand nombre d’improvisations. Proche du théâtre d’objets, c’était un spectacle très visuel, les images se substituaient aux mots. Pour ma première expérience sur scène, cela me convenait parfaitement. Au delà du travail de comédien, les compétences de chacun étaient mises à contribution pour la réalisation d’accessoires ou la transformation d’objets récupérés. Après plusieurs mois de répétition, nous avons décidé de rejoindre Avignon à pied. Précédés par une camionnette, nous sommes partis le jour du début du festival pour arriver à sa clôture. C’est ainsi que parallèlement au festival nous avons parcouru 800 kilomètres pour jouer le soir sur les places des villages et des villes que nous traversions. Après chaque représentation nous passions le chapeau. C’était un engagement très physique, j’aimais çà !

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Journal « La montagne », 10 juillet 1993

J’ai suivi aussi des stages de clown, j’ai fait du chant…Toutes ces disciplines, ces découvertes me permettaient de me sentir vivante, elles m’emmenaient ailleurs. La nécessité d’expérimenter était un moyen d’utiliser l’énergie débordante qui m’habitait silencieusement depuis des années. C’est aux travers de toutes ces découvertes que j’ai commencé à considérer l’importance de pouvoir créer du langage visuel sous toutes ses formes. J’avais un manque de confiance en moi tout en étant audacieuse. Ce qui m’a manqué c’est d’être accompagnée, je faisais le premier pas mais j’aurais eu besoin d’être soutenue pour prolonger. J’avais aussi l’impression d’avoir une « double vie », officiellement j’étais maquilleuse avec le statut d’intermittente du spectacle mais secrètement je voulais devenir comédienne et vivre plusieurs vies. Je me suis inscrite à l’agence Rebecca, par leur intermédiaire j’ai passé divers castings qui m’ont permis de tourner dans des pubs.

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À 33 ans, c’est très précis, j’ai décidé d’arrêter d’être comédienne. J’ai eu le sentiment qu’il me serait très difficile de gagner ainsi ma vie.

Comment a débuté ton aventure avec Les Guignols de l’info ?

J’ai d’abord commencé avec les Minikeums, l’émission de France 3. L’une de mes amies  faisait partie de l’équipe qui travaillait dans l’atelier d’ Alain Duverne. C’est par son intermédiaire que j’ai pu collaborer avec Jean-Christophe Leblanc à la création de personnages.J’ai pu adapter et transformer mes techniques de maquillage et de coiffure sur les marionnettes en latex. En lien avec les scénarios, nous devions façonner un personnage en trouvant des petits détails physiques qui le caractérisent…

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J’ai commencé ensuite à travailler en renfort sur les plateaux des Guignols de l’info. Parallèlement j’ai eu un contrat de quelques mois comme remplaçante à la Comédie Française, je devais remettre en forme les perruques et les postiches, je devais aussi être présente pendant les représentations afin d’intervenir lors des changements de scène. J’ai été impressionnée d’être dans ce lieu emprunt de toute une histoire. Les moyens humains et matériels dont il dispose sont incroyables, ils permettent la création de pièces d’une grande qualité. J’ai pu aussi assister à la préparation de spectacle, j’ai pu observer les rouages de chaque corps de métier et ressentir l’énergie déployée par les comédiens, de même que la maîtrise de leur jeu !

Papa doit manger Marie N'diaye, André Engel

« Papa doit Manger » de Marie NDiaye, mis en scène par André Engel, Comédie-Française, 2003

On m’a ensuite proposé un poste fixe à l’atelier des Guignols que j’ai refusé, je n’étais pas prête à m’enfermer dans une seule activité. Pouvoir répondre à divers projets me permettait d’assouvir ma curiosité et d’enrichir mes compétences, je tenais au statut d’intermittent.      On me l’a proposé à nouveau et j’ai dit oui cette fois-ci. J’ai travaillé pour Les Guignols jusqu’à l’arrêt de l’émission en 2018.

Peux-tu nous dire comment s’organisait ton travail ?

On préparait quatre sketches par semaine en plus du direct. La semaine de préparation débutait pour moi le lundi. Dès le matin, après avoir lu les textes je faisais une première sélection parmi les 700 marionnettes que nous avions. L’après-midi avec le réalisateur et l’équipe nous validions les marionnettes qui incarneraient au mieux les personnages des sketches, nous réalisions un casting en quelque sorte. À partir de ce moment là il fallait déterminer les priorités, intervenir rapidement afin que les marionnettes soient prêtes pour le tournage. Avant même de travailler sur la création du personnage, il était nécessaire de laver, restaurer, peindre, poudrer…Puis juxtaposer une multitude de petits détails via les dents, les yeux, les sourcils, un nez tordu, de grandes oreilles que nous coupions si besoin. J’intervenais sur le style des coiffures, sur l’implantation d’une barbe par exemple. De tout cela naissait le caractère du personnage. 

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Je me souviens d’un sketch qui m’avait demandé beaucoup de travail, il parlait d’abus sexuels sur les enfants dans le cadre de communautés religieuses. Nous devions préparer une dizaine de prêtre. Chacun devait avoir quelque chose de malsain dans son apparence, des détails infimes qui gênent sans qu’on réalise vraiment pourquoi ; une implantation de sourcils particulière, un regard fuyant, une cicatrice…                                                          Le tournage débutait le lundi suivant. Ma préparation était rarement terminée…car en général une soixantaine de marionnettes étaient à faire, voir plus ! Je laissais ma préparation sur les sketches entre parenthèses le temps de prendre en charge le JT en direct. À 14H00 nous avions le texte de l’émission, toutes les marionnettes devaient être prêtes pour 17H00.

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Que gardes-tu comme image forte de tes 18 ans de Guignols ?

Sans hésiter l’ambiance particulière de travail. Nous formions une équipe soudée malgré des tempéraments très forts. Chacun était à sa place et savait ce qu’il avait à faire, l’équipe fonctionnait comme une machine super rodée ! Je craignais l’enfermement, j’ai eu au contraire beaucoup de liberté pour pouvoir explorer des techniques. Grace à ce travail et à la confiance qu’on m’a donné, j’ai vraiment pris conscience de ma valeur, de ce que j’ai entre mes mains. J’ai développé aussi mon regard.

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A tchao bonsoir !

Quels sont tes projets actuels ?

Ils sont divers. Dans la continuité de mon expérience à Canal + je souhaite poursuivre dans la création de personnages à l’identité forte en lien avec des projets artistiques, que ce soit dans le monde du cinéma, du théâtre ou de la danse contemporaine. Par exemple, actuellement je travaille avec la chorégraphe Michaela Meschke, je l’aide à définir visuellement les traits de caractère d’un personnage de son futur spectacle en collaboration avec les créateurs de costumes, Birger Lipinski et Laercio Redondo. J’aime chercher à travers des matériaux l’identité physique d’un personnage.

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Conception et réalisation des lunettes dorées, Patricia Misiri, mai 2021

J’espère débuter très prochainement une collaboration avec la chorégraphe Jehane Hamm.

Un autre souhait remonte à une expérience que j’ai eu en 2005 au Sri Lanka, l’été qui a suivi le tsunami. Je suis allée dans ce pays à Pathwatha faire des ateliers marionnettes pendant mes vacances. C’est Jean-Christophe Leblanc qui m’a fait cette proposition dans le cadre d’une action bénévole. Le contact avec des enfants d’une autre culture m’a énormément touché. Avec le peu de mots en anglais que je connaissais je me suis fait comprendre d’eux. Nos échanges passaient essentiellement par le corps, les gestes, les expressions et le regard. Depuis, j’ai eu l’occasion d’encadrer des ateliers d’expression plastique autour de la création de personnages avec des enfants dans le cadre scolaire. Ponctuellement, je serais ravie de proposer des ateliers dans ce domaine dans diverses structures culturelles et éducatives.

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J’ai aussi envie de partager mon travail personnel. Je dessine depuis toujours,  essentiellement des personnages. Le premier jet me sert à avoir de la matière que je  découpe et colle pour réaliser une nouvelle composition. Je suis en train de préparer une exposition de mon travail qui aura lieu cet été à Jonzac en Charente-Maritine. C’est une grande première ! Paradoxalement je suis à la fois très excitée par ce projet et heureuse de partager mon travail tout en ayant peur de m’exposer avec mes oeuvres et surtout de m’en séparer.

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Différentes étapes du processus de création des compositions, © Patricia Misiri, 2021

Jeux d’ombre à l’école maternelle Desvergnes

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Une petite fille imite les gestes de « Rita & le crocodile, À la belle étoile« .

 » L’homme, depuis les origines, a utilisé le feu et les ombres pour le jeu, les rituels et le spectacle… » et la fascination que les ombres exercent sur les hommes continue d’être forte auprès des jeunes enfants du XXI ème siècle. Preuve à l’appui avec deux classes de petite et moyenne section de maternelle qui ont exploré différents jeux avec l’ombre et la lumière, entre expérimentation et imagination.

Bouger avec son ombre et celle des copains en dansant sur la musique de Pawo de Antje Heyn. Vous pouvez en écouter un petit extrait ci-dessous !

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Allumer et éteindre une lampe de poche, ça c’est de la motricité fine !

Capture d’écran 2020-11-29 à 21.09.52Découvrir les ombres produites par différents objets de la cuisine. « Des p’tits trous des p’tits trous toujours des p’tits trous ».

aFabriquer un jeu de mémory en associant des objets de la classe avec leur ombre.

cCréer des monstres à quatre bras. dManipuler des marionnettes …

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… et créer des mini-scénarios à deux !

fRegarder des extraits de films et lire des photogrammes.

gCes différentes activités prennent tout leur sens grâce aux enseignantes qui les reprennent et les enrichissent dans le quotidien de la classe.

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