Paul Strand et Henri Cartier-Bresson à la Fondation HCB

Paul Strand, Nets (filets), Michoacan, 1933 © Aperture Foundation Inc, Paul Strand Archive

Deux photographes ; Paul Strand et Henri Cartier-Bresson, un espace commun ; le Mexique,  une même époque ; les années 30.                                                                         La Fondation HCB choisit d’exposer les photographies de ces deux artistes dans deux pièces séparées, à chacun son étage. La réalité est commune, le point de vue est singulier.

Commençons  par la pièce consacrée à Paul Strand. Dès les premiers instants, je suis fascinée par les nuances de gris qui composent chaque photographie, la richesse du noir et blanc est extraordinaire d’autant plus que cette qualité plastique se met au service du sujet de la photographie, qu’il soit portrait ou paysage.                                                   Grâce à la présentation d’un portfolio réalisé par Strand, on découvre l’importance que cet artiste accordait à la confrontation de ses images. Dans un livre comme dans une exposition, une photographie est rarement regardée seule mais en lien avec celles qui l’entourent.                                                                                                                           J’ai été touchée par le regard de ces mexicains qui ont arrêté les gestes de leur vie quotidienne le temps d’une photographie. Ce temps donné leur est rendu par l’attention du photographe qui les magnifie. Ils sont présentés à égalité des sculptures religieuses, Christ et Vierge des temps modernes. Ils sont les hommes et les femmes d’un lieu, d’une histoire. Les photographies de Paul Strand sont aussi un hommage à l’outil de travail, qu’il soit celui du paysan, du pêcheur ou du photographe. Paul Strand choisit d’utiliser lors de son séjour mexicain un appareil Graflex qui induit un rapport particulier au temps et au modèle, l’accord tacite de ce dernier est nécessaire, il accepte de faire une pause et de poser.

Paul Strand, Les Hébrides, 1954

Henri Cartier Bresson fait quant à lui un tout autre choix, il utilise un Leica dès le début des années 30, ce qui lui permettra de réaliser ces fameuses photographies « à la sauvette ».  Le face à face, s’il existe, n’est plus le seul rapport au modèle. Il peut être pris à son insu, comme cet homme allongé ; est-il endormi, blessé, mort ?

Henri Cartier-Bresson, Mexique, 1934 © Magnum Photos / Courtesy Fondation HCB

La lecture de l’image sollicite notre imagination. Je suis restée longtemps face à cette femme vêtue de blanc, vue de dos, traversant une place déserte, appuyée sur une béquille. Qui est-elle ? Où va-t-elle ? Quel est son passé, quel est son avenir ?                     J’ai été aussi touchée par les sourires captés par Henri Cartier Bresson, fruits du fameux « instant décisif ». Moments de légèreté, contrepoids aux rudes visages révélés par Paul Strand.

Les deux photographes s’intéressent au cinéma, une affiche le rappelle dans les salles d’exposition et une projection vidéo est organisée dans la verrière. J’ai pu ainsi voir un extrait  du film « The wave/Redes », tourné par Paul Strand et Fred Zinnemann en 1932.   On pense bien sûr à Nanouk en suivant le travail de ces pêcheurs d’Alvarado, mais la lutte contre la nature s’efface devant les luttes sociales qu’ils doivent mener pour vivre de leur pêche. J’aimerais pouvoir voir ce film dans une salle de cinéma !

Zinnemann/ Strand "The wave/Redes" 1932

Hasard de la programmation, nous pourrons bientôt découvrir un troisième point de vue sur le Mexique. Une exposition de l’oeuvre de Manuel Alvarez Bravo, contemporain de Strand et de Cartier-Bresson, sera présentée en septembre au Jeu de Paume.                         http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idArt=1505&lieu=1&idImg=1634

Manuel Alvarez Bravo, la fille des danseurs, 1933 © Association MAB

La colline aux coquelicots

« L’histoire de ce film est une pure fiction » . C’est par ces mots que se termine le générique de fin du nouveau film de Goro Miyazaki : « la colline aux coquelicots ».

L’histoire de Shun et Umi, deux jeunes lycéens du port de Yokohama est en effet adaptée d’un manga des années 80. Manga où l’amour est le thème principal.                             Une romance se développe entre les deux jeunes lycéens et leur relation va  s’enrichir peu à peu de la lutte commune pour la préservation d’un vieux bâtiment qui accueille des ateliers animés par les élèves. Leur idylle sera menacée par une photographie semant le trouble sur leur origine.

Au delà de cette histoire attachante, le véritable héros est le lieu même de l’action, cette colline qui relie terre et mer dans le port de Yokohama. J’ai été fascinée par les dessins qui font revivre cette ville japonaise. Au delà de la fiction, c’est cette reconstitution qui m’a éblouie : le port, les magasins, l’animation des rues…Contrairement aux préceptes de son père, Hayao Miyazaki, Goro Miyazaki s’est inspiré de photographies réalisées par le photographe Motochika Hirose. La réalité est transcendée !

Motochika Hirose

Cette réalité s’inscrit aussi dans un temps précis ; les jeux olympiques d’été de 1964.  Le Japon est à nouveau prospère mais la guerre de Corée est dans les mémoires et dans les coeurs.

L’attention aux gestes de la vie quotidienne est aussi remarquable, la préparation des repas dont Umi a la responsabilité rythme le récit tout comme la bande son qui occidentalise cette histoire qui nous est à la fois proche et lointaine.

Difficile de ne pas penser au père en regardant un film du fils ! Mais qu’apporte la comparaison voir la confrontation entre les deux réalisateurs ? Inquiète de plaquer mon regard européen sur une relation humaine et professionnelle dont les enjeux nous échappent, j’ai été très curieuse de découvrir le livre de Toshio Suzuki : »Dans le studio Ghibli- travailler en s’amusant ».

" Dans le studio Ghibli- travailler en s'amusant" Toshio Suzuki

Toshio Suzuki, producteur du Studio Ghibli, partage ses souvenirs sur son travail et sur ses relations avec les deux grands réalisateurs : Isa Takahata et Hayao Miyazaki . Univers singulier où se côtoient des artistes d’exception aux personnalités très fortes. Dans les toutes dernières pages du livre, il évoque les débuts de Gorô Miyazaki comme réalisateur du film « Les contes de Terremer », laissons lui la parole :

« Au début, il n’était pas prévu que ce soit lui le réalisateur, mais, peu à peu, je me suis dit que ce serait un choix judicieux. … Etre le fils de Hayao Miyazaki et réaliser, pour un premier film, l’oeuvre qui, de notoriété publique, a influencé le plus son père, c’était une pression terrible… Au début , Miya était fâché contre moi aussi. « Confier la réalisation à un type qui n’a pas la moindre expérience, ça ne va pas bien, Suzuki ? » me répétait-il. Mais, en mon for intérieur, je songeais à quelque chose : une réplique de Porco Rosso. Pour préparer l’avion du héros, Porco Rosso, apparaît Fio, une jeune ingénieure, et, quand Porco refuse son aide parce qu’il trouve qu’elle manque d’expérience, elle lui demande :   » L’important, c’est l’expérience ou l’inspiration ? » Porco répond : « C’est l’inspiration », et il réalise son erreur. C’est ainsi qu’il accepte la jeune fille. Gorô se trouvait dans le même cas, me semblait-il. »

Porco Rosso d' Hayao Miyazaki 1992

Hugo Cabret

Metropolitan Film Export

Le roman graphique de Brian Selznick, l’invention de Hugo Cabret m’a enchanté. J’ai aimé cette histoire, mélangeant fiction et réalité. Je me suis attachée à ce jeune orphelin, Hugo, qui tente de survivre dans les couloirs et pièces secrètes de la Gare Montparnasse, occupé à remonter les lourds mécanismes des pendules et à redonner vie à un étrange automate. Sa rencontre avec Méliès et la filleule de ce dernier, la jeune Isabelle, m’a précipité dans le cinéma des origines avec sa magie, ses rêves et ses désillusions. Mais plus encore que l’histoire c’est le traitement narratif qui a retenu mon attention. En effet, l’originalité du roman réside dans l’alternance entre les mots et les images qui prennent en charge l’histoire à tour de rôle. Les dessins en noir et blanc, très réalistes semblent être des extraits d’un storyboard. Ils sont déjà du cinéma !

"L'invention d'Hugo Cabret" Brian Selznick

J’étais très impatiente d’en voir l’adaptation réalisée par Martin Scorsese. Impatiente mais aussi craintive, la bande annonce m’avait fait peur, peur de la grosse machine hollywoodienne !

Il m’a fallu quelques minutes pour entrer dans le film. Est-ce l’effet de la 3D mais j’ai eu dans un premier temps le sentiment d’être dans un parc d’attraction plutôt qu’au cinéma. Puis la magie a opéré… Faire un spectacle « grand public » est le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à Georges Méliès. Le film montre très bien que le drame de ce grand cinéaste a été la défection du public face à ses oeuvres. Scorsese leur redonne une nouvelle vie.

SI Scorsese respecte le fil de l’intrigue du roman, il prend quelques libertés avec les personnages. Etienne, le jeune homme passionné de cinéma disparaît, son rôle de passeur avec lui ! C’est Hugo dans le film qui prend sa place et qui permet la première rencontre entre Isabelle et le cinéma. La complicité entre les deux jeunes héros est ainsi renforcée.

Hugo et Isabelle

L’épouse de Méliès, Mamie Jeanne, est plus présente à l’écran que dans le roman. De même, Scorsese invente une très jolie fleuriste qui humanise l’inspecteur de sécurité et il crée de toute pièce des amoureux âgés qui ponctuent le film de véritables sketches ! Leurs teckels finissent eux aussi par vivre en couple !

Mais comme dans le livre, le couple vedette est celui formé par Hugo et Méliès. Après l’antinomie, c’est la symbiose qui fonde leurs liens, tous les deux sont des « réparateurs », ils réparent des mécanismes compliqués mais aussi les erreurs, les fautes. On retrouve le thème de la rédemption cher à Scorsese.

Méliès et Hugo

Selznick a introduit dans son roman des dessins, des photographies d’époque. Scorsese reprend ces citations et les développe. La fiction lui permet de reconstituer des scènes de Méliès en y ajoutant la magie de la 3D, la scène de l’aquarium est une petite merveille, les dessins qui s’animent comme des thaumatropes en est une autre ! L’hommage au cinéma des origines est compatible avec l’utilisation de la 3D,  Scorsese comme Méliès cherche à faire rêver le public, tous les moyens sont bons pour nous entraîner dans  » l’invention des rêves ».

Le retour à la réalité est rude ! Le quai de la ligne 4, station  « Les halles » m’offre tout de même une promesse inattendue, mes yeux s’attardent sur une affiche du 104 annonçant des spectacles, performances et installations d’illusion et de magie nouvelle !

Les vacances de Noël vont être belles !

C' magic au 10

Salon du livre et de la presse jeunesse

Graffiti sur le mur en face du salon du livre et de la presse jeunesse Montreuil

Journée professionnelle au salon de Montreuil, rendez-vous incontournable pour l’amoureuse de l’image que je suis ! Comme d’habitude, le plus dur est de choisir !   L’offre est, une fois de plus, très riche ; éditeurs, conférences, expositions, rencontres, signatures…  Il est facile d’avoir la tête qui tourne, d’autant que je ne suis pas la seule à aimer la littérature jeunesse et que la température monte, monte au fil de la journée !

Voilà ma petite sélection, le plaisir comme unique critère de choix !

Stand G29 : Soleil Productions                                                                                                Mes yeux s’attardent sur la couverture d’une Bande Dessinée  » La marche des crabes ».     Y a-t -il un lien avec le court métrage  » La révolution des crabes » découvert en 2005 au festival du court métrage d’humour de Meudon ? La charmante hôtesse me le confirme et me conte avec un plaisir partagé l’histoire d’Arthur et de ses 300 grosses pages qu’aucun éditeur ne voulait prendre. Lassé, il décide d’en faire un court métrage qui a connu un succès phénoménal sur YouTube et dans de nombreux festivals. Son retour vers les éditeurs a été quelque peu facilité, trois tomes sont sortis aux éditions Soleil. Il ne reste sur le stand que le tome 2 que je feuillette avec plaisir…

BD "La marche du Crabe" Arthur de Pins

J’apprends sur le net que l’aventure ne s’arrête pas là ! Arthur de Pins est en train de réaliser un long métrage adapté de sa BD, le film a déjà son site sur lequel vous pourrez visionner son court métrage. La boucle est-elle bouclée ?         http://www.lamarcheducrabe-lefilm.com/

Pôle cinéma d’animation : « Léo Lionni : des livres aux films »                                             Le salon de Montreuil ne se contente pas d’accompagner les dernières parutions des éditeurs, il soutient aussi l’offre patrimoniale.                                                                      Léo Lionni est un grand auteur de la littérature jeunesse, il jongle avec les mots et les images pour nous raconter des histoires très simples mais à l’impact émotionnel percutant. C’est « Frédéric » mon préféré, héros qui regarde le temps passé, qui privilégie « l’être » à « l’avoir », qui fait chanter les mots et provoque l’imagination. Je craque toujours à la fin de l’album quand Frédéric rougit  d’émotion aux compliments des autres petits mulots.

Frédéric Leo Lionni L'école des loisirs

Et bien voici que Frédéric s’anime ! Grâce à l’association Cinémas 93 et à « l’école des loisirs », cinq courts métrages réalisés dans les années 80 par Léo Lionni nous sont présentés. Malgré des conditions de projection qui ne sont pas idéales, le charme opère !

Léo Lionni sera à l’honneur dans la prochaine édition du festival « Ciné Junior » dans le Val-de-Marne du 1er au 14 février 2012. Un ciné-concert et  38 planches originales ayant servi à la réalisation des films d’animation seront présentés, à vos agendas !

Ciné Junior 2012 Affiche de Giampaolo Pagni

Frédéric de Léo Lionni ( film d'animation)

Frédéric de Léo Lionni ( film d'animation)

Niveau -1 : Exposition CIRCUS                                                                                          Face à la foule qui envahit l’espace, mon premier réflexe est de fuir mais pourtant je veux voir l’installation proposée par Benoît Jacques. Je me faufile non sans mal jusqu’à Funambulibili.                                                                                                                           L’effort est récompensé, je suis touchée par ces six équilibristes perdues dans une ronde infinie qui passe de la lumière à l’ombre. Que se passe-t-il derrière l’écran blanc ? Reviennent-ils à l’identique ? La chute est-elle possible ?

Funambulibili de Benoît Jacques

Funambulibili de Benoît Jacques

Artiste inclassable ; écrivain, illustrateur, éditeur, plasticien….                     Personnellement, je suis entrée dans son univers par ses flip-books, petites histoires décalées, contées en images animées, allez les découvrir sur son site : http://www.benoitjacques.com/

Mes autres découvertes resteront secrètes, déjà emballées d’un joli papier cadeau, et oui, la lecture c’est un plaisir qui se partage.

Américano

© Bac Films

Quitte à être « fils de… », autant l’assumer pleinement. C’est ce que fait Mathieu Demy dans son premier long métrage  » Américano ». Il prolonge en effet l’histoire de Martin, enfant qu’il interprétait dans le film Documenteur tourné par sa mère à Los Angeles, il y a une trentaine d’années. Des extraits du film de Varda ponctuent le film de son fils, étonnant de retrouver sur l’enfant et l’adulte le même air boudeur ! Hommage aussi à son père par la troublante Lola, Anouk Aimé quittait Nantes pour Los Angeles, Salma Hayek quitte Los Angeles pour Tijuana. On est toujours à la recherche d’un ailleurs. Le film de Mathieu Demy nous invite donc à un voyage dans le temps mais aussi dans l’espace.

Le cinéma étant une grande famille, on pense aussi à Wim Wenders ; le voyage, la photographie comme support de l’errance.

Cependant, je suis restée au bord du chemin, je ne me suis pas attachée à Martin, pas envie de le suivre ! La séparation d’avec sa mère dans son enfance peut-elle expliquer le rejet qu’il fait subir à ses proches, le mal-être qu’il trimballe tout au long du film ? On a envie de lui dire avec Jean-Pierre Mocky « Arrête de faire l’enfant ! » et pas seulement pour prendre l’avion !

Mathieu Demy a été plus généreux avec ses autres interprètes, Mocky en deux scènes incarne un père bourru mais pleinement dans la vie, Chaplin en vieille amie envahissante est aussi très présente à l’écran. Pas forcément sympathiques mais vivants avec une réelle épaisseur, ces personnages existent en petites touches et sont le sel du film !

Des petits moments magiques aussi ! La reprise de la musique de Rio Bravo qui annonce l’issue violente de l’entrevue avec Luis  et bien sûr les scènes dans  la boîte  » Américano » qui sont saturées de couleurs chaudes jusqu’à l’embrasement.

Déception à la sortie, j’attendais trop de ce film ! Mais promis, j’irai voir son prochain, un essai à transformer !

Gisèle Freund

Les goudronneurs, Paris, 1931

Connue pour ses photographies d’écrivains, Gisèle Freund est avant tout une femme engagée. Etudiante en sociologie et militante socialiste, elle fuit l’Allemagne Nazie dès 1933. Ce sont ses premiers pas de photographe (1933-1940) qui nous sont présentés dans l’exposition qui lui est consacrée à la Fondation Pierre Bergé / Yves saint Laurent.

Ses photographies sociales, notamment celles issues d’une série réalisée en Angleterre en 1935, sont exposées dans la première salle. Elles révèlent son empathie profonde avec des anonymes souffrant de la précarité, elles me touchent bien plus que son panthéon de célébrités. Je suis restée sur ma faim, j’aurais souhaité en voir plus !

Regardons maintenant les portraits d’écrivains qui ont fait sa célébrité. Cadre serré, en noir et blanc puis en couleurs, Gisèle Freund offre, aux écrivains qu’elle admirait, une image de leur personnalité .

Femme d’images mais aussi de mots, l’analyse de son propre travail est passionnant :         Très vite, je m’étais aperçue que pour faire un portrait naturel il fallait tout faire pour que la personne photographiée ne se rende pas compte de mon petit appareil. C’était un Leica, qui m’a accompagnée durant toute ma vie, un cadeau de mon père quand j’ai eu mon bachot. L’homme, et surtout l’écrivain, s’intéresse avant tout à son oeuvre. J’avais lu les ouvrages des personnes que j’ai photographiées et je pouvais donc commencer un entretien au sujet de leurs écrits. Très vite, ils oubliaient mon appareil et, c’est grâce à cette astuce, que je suis arrivée à faire des photos non posées. Et puis l’écriture me passionnait.           Préface du livre « Portrait d’écrivains et d’artistes »

Parmi ces visages sombres, sévères, majoritairement masculins, celui de Virginia Wolf se singularise. Gisèle Freund a capté la dualité de l’écrivaine : mélancolie mais aussi assurance, volonté, détermination.

Virginia Woolf 1939

Virginia Woolf 1939

Ecoutons encore Gisèle Freund parler de son travail :                                                            Le visage humain, les gestes familiers de chacun m’ont toujours fascinée. Le bon portrait est celui où l’on retrouve la personnalité du sujet et non celle du photographe. Ce qui compte à mon sens, c’est qu’on dise, devant une photographie:  » C’est André Malraux ou Virginia Woolf » et non  » C’est une photo de Gisèle Freund ».    « Mémoire de l’oeil »

En sortant de l’exposition, j’entre dans une librairie, mes yeux sont attirés par une couverture, c’est un roman graphique qui raconte la vie de Virginia Woolf. Le dessin de couverture semble faire la synthèse des photographies que je viens de voir. Les premières pages, aquarelles muettes, sont attirantes. La suite tient ses promesses !

Virginia Woolf de Michèle Gazier et Bernard Ciccolini

L’envie est là, des photographies aux livres, des livres aux photographies…

Gisèle Freund a légué plus de 200 photos à l’état français, elles ont intégré la collection en ligne du Centre Pompidou, une belle occasion de compléter la découverte de cette oeuvre singulière.

Le Tableau Jean-François Laguionie

Le « Laguionie nouveau » est sorti aujourd’hui ! Nouvelle pépite du cinéma d’animation français.

Le film nous conte l’histoire extraordinaire des Toupins, des Pafinis et des Reufs. Tous ces personnages sont issus d’un tableau inachevé. Issus de la même main, ils sont toutefois à des stades de finition différents. L’absence du peintre qui semble avoir oublié son oeuvre va précipiter le tableau dans une organisation sociale hiérarchisée où les Toupins prennent le pouvoir au détriment des deux autres groupes. Les trois héros principaux, Ramo, Lola et Plume sont issus des trois groupes qui composent cette étrange société.    Ils vont nous entraîner dans une aventure où les individus luttent pour être maître de leur vie.

Le numérique a remplacé les techniques plus traditionnelles utilisées dans les précédents films de Laguionie. Ce choix technique n’affecte pas la qualité graphique qui est une marque de fabrique de ce réalisateur. L’animation est toujours remarquable par sa fluidité et le monde fantastique prend forme nos yeux éblouis par un jeu subtile de couleurs, de formes, de textures, de lumière et d’ombre.

Les références au monde de la peinture sont nombreuses ; Derain, Matisse, Picasso, Bonnard…                                                                                                                             « Le fifre » de Manet a t-il inspiré Magenta, le quatrième héros de ce voyage dans l’espace pictural ?

"Le fifre" Manet Musée d'Orsay

Mais c’est l’oeuvre d’un grand maître de l’animation française qui se superpose au Tableau dans notre mémoire visuelle. Les personnages du « Roi et l’oiseau » de Paul Grimault s’échappent eux aussi de leurs tableaux et le Grand Chandelier partage avec  le monarque du royaume de Takicardie les mêmes ambitions despotiques.

Le roi et l'oiseau

Coup de coeur pour une très jolie séance onirique. Claire,  endormie dans la forêt luxuriante rêve d’étreintes avec Ramo. Cette séance est une pure merveille graphique,   les lignes s’entremêlent, formant et déformant à l’infini les deux corps enlacés. Clin d’oeil au premier long métrage de Laguionie où son héroïne, Gwen, rêve elle aussi d’enlacements avec Nok Moon, son compagnon étrange.

Gwen

Le Tableau, un beau récit fantastique qui s’adresse à nos sens tout comme à notre intelligence !

 

Lewis Hine

 

photoJ’aime que les images résonnent entre elles, qu’un dialogue se crée par mon regard. Les burlesques américains m’ont accompagnée tout au long de la visite de la très belle exposition sur Lewis Hine organisée par la fondation Henri Cartier Bresson.

Ses photographies sur le travail des enfants, ses reportages dans les usines s’animent de nos souvenirs du «Kid» et «Des temps modernes».

Charlie Chaplin aurait-il vu cette femme slovaque photographiée par Lewis Hine avant de réaliser son court métrage « Charlot émigrant »?

photo

Slovak woman, Ellis Island, 1905

A l’inverse, Lewis Hine aurait-il vu l’un des derniers chefs d’oeuvre  d’ Harold Lloyd «Voyage au paradis» avant de réaliser ses photographies vertigineuses de l’ Empire State Building» ?

Voyage au paradis, Fred Newmayer, 1921

Peu importe que ces liens soient réels ou imaginaires, ils enrichissent mon musée personnel.

L’exposition dure jusqu’au 18 décembre et les deux courts métrages « Charlot émigrant » et « Voyage au paradis» peuvent être projetés dans la salle des collections du Forum des images.