Qui a peur des femmes photographes ?

femmesDeux musées parisiens, le musée de l’Orangerie et le musée d’Orsay, consacrent aux femmes photographes une vaste exposition au titre intrigant : Qui a peur des femmes photographes ? Clin d’oeil à la chanson du court métrage Les trois petits cochons de Walt Disney, ce titre nous interroge sur la visibilité du travail des femmes artistes. Deux lieux, deux époques (1839-1919 / 1918-1945), l’oeuvre de plus de 150 photographes est présentée dans une scénographie thématique passionnante. Comme dans toute exposition collective de cette ampleur, chaque spectateur se crée un parcours personnel, édifiant son propre Panthéon. Voici le mien !

La première grande dame de mon parcours est sans conteste la photographe américaine pictorialiste, Gertrude Käsebier. Elle installe, dès 1897, son propre studio à New York, ouvrant la voie du professionnalisme à de nombreuses femmes. Ses photographies d’enfants et notamment celles avec son petit-fils Charles O’Halley renouvellent ce genre intimiste. Le portrait est l’activité principale de son studio, son regard sur ses modèles révèle leur force individuelle. Deux portraits d’amérindien sont notamment remarquables, the red man et celui sur la jeune activiste sioux, Zitkala Sa. Loin des clichés ou de l’attrait de l’exotisme, c’est l’individu dans sa singularité qui l’intéresse et qui nous touche un siècle plus tard.

La route vers Rome de Gertrude Käsebier, 1902

La route vers Rome de Gertrude Käsebier, 1902

Zitkala Sa de Gertrude Käsebier, vers 1898

Zitkala Sa de Gertrude Käsebier, vers 1898

Les deux oeuvres reproduites sur les affiches des expositions sont de deux artistes anglaises. Si la première est connue, Julia Margaret Cameron est en effet une des rares photographes du XIX ème siècle à connaître la postérité, la deuxième, Madame Yevonde, est une totale inconnue pour moi. Et pour le moins, son oeuvre interpelle ! Pionnière dans l’usage de la photographie couleur, elle expérimente le processus Vivex couleur dans des mises en scènes audacieuses. N’hésitant pas à utiliser de la glycérine pour représenter des larmes, son portrait de Lady Campbell semble être un photogramme d’un film.

Lady Campbell as Niobe de Madame Yevonde, 1935

Lady Campbell as Niobe de Madame Yevonde, 1935

Quelques cinéastes sont d’ailleurs présentes dans l’exposition. On peut voir notamment un extrait du film réalisé en 1923 par Germaine Dulac La souriante Madame Beudet, considéré comme le premier film féministe. Un photogramme de son film surréaliste La coquille et le clergyman est aussi exposé.  Une grande dame qui reste à découvrir !


Je suis enfin attirée par deux photographies de l’artiste américaine, Barbara Morgan. Dans sa collaboration avec des chorégraphes ou dans son travail plus abstrait, Barbara Morgan expérimente de nouvelles techniques comme la surimpression de négatifs ou le light painting pour représenter le mouvement dans une image fixe. Passionnant !

We are Three Women - We are Three Million Women de Barbara Morgan, vers 1935

We are Three Women – We are Three Million Women de Barbara Morgan, vers 1935

Pure Energy and Neurotic Man de Barbara Morgan, 1945

Pure Energy and Neurotic Man de Barbara Morgan, 1945

J’ai aussi retrouvé avec intérêt des photographies d’artistes ayant bénéficié d’une exposition personnelle au Jeu de Paume au cours de ces dernières années : Berenice Abbott, Laure Albin Guillot, Diane Arbus, Eva Besnyö, Claude Cahun, Florence Henri, Germaine Krull et Lisette Model…

La maison de l’Amérique Latine propose, quant à elle, jusqu’au 12 décembre une exposition dédiée à Lola Alvarez Bravo. Le travail des femmes photographes sort-il de l’indifférence ?

Indeferencia de Lola Alvarez Bravo, vers 1940

Indeferencia de Lola Alvarez Bravo, vers 1940

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