En matière de cinéma, je suis restée fidèle à mes goûts de petite fille : les westerns et les comédies musicales. Ces deux genres ont nourri mes jeux de récréation. Si je suis incapable de donner le titre précis d’un western qui inspirait mes nombreuses poursuites entre indiens et cow-boys, je me souviens très bien que je chantais à tue-tête, avec ma meilleure copine, la chanson des jumelles dont nous avions quelque peu transformé les paroles ! Le temps d’une chanson nous étions les reines de la cour de récréation.
Plus tard, j’ai appris qu’on pouvait avoir le coeur meurtri et continuer à chanter et à rire ! C’est cette élégance de vie que j’aime retrouver dans les films de Jacques Demy, les choses graves ne s’habillent pas forcément de gris.
J’ai été impressionnée dimanche matin par le nombre de famille visitant l’exposition « Le monde enchanté de Jacques Demy ». Transmettre le goût du cinéma était une de ses passions. Susciter le désir de voir et revoir ses films est le plus bel hommage qui puisse lui être rendu.
De la reconstitution de ses premières projections dans le placard familial à la déclaration finale « Pourquoi je filme ? », l’exposition est une merveilleuse plongée dans l’oeuvre d’une vie consacrée aux images. Si je connaissais bien le cinéaste, j’ai découvert le photographe et son Hasselblad.
Parmi les très nombreuses photographies de plateau exposées, j’ai eu un véritable choc visuel devant celles d’Agnès Varda prises sur le tournage de La baie des anges. Il m’était difficile d’imaginer Jackie et Jean autrement qu’en noir et blanc, tellement la beauté des images sont indissociables au film. Contrainte financière au départ, Jacques Demy assume avec brio ce choix.
Agnès Varda n’a pas les mêmes obligations, avec son appareil photo elle restitue la réalité du tournage avec des images en couleur très lumineuses. Belle illustration que la création est un jeu subtil entre contrainte et désir, et qu’une même réalité peut engendrer des regards multiples.
J’ai aussi été très touchée par le témoignage vidéo d’Harrison Ford que l’on retrouve dans le catalogue de l’exposition. La rencontre avec Jacques Demy à Los Angeles lors de la préparation de Model Shop a marqué l’apprenti comédien qu’il était alors, il rend hommage au cinéaste mais surtout nous livre une belle leçon de vie.
L’exposition se termine par la réponse de Jacques Demy à la question du journal Libération : « Pourquoi je filme ? » « Parce que j’aime ça / Parce que ça bouge / Parce que ça vit / Parce que ça pleure / Parce que ça rit / Parce qu’au ciné / On est dans le noir / On est au chaud / Entre un mec qui vous fait du genou / Et une nana qui enlève le sien (…) Parce que filmer c’est comme une femme / C’est comme un homme / Ça peut faire mal / Ça vous écorche / C’est parfois moche / Mais c’est bien quand même (…) Parce que j’aime ça / Et parce que je ne sais rien faire d’autre… »
Si comme Jacques Demy vous aimez ça, deux autres expositions mettent le cinéma à l’honneur. A Paris, le printemps est cinéphile.