Martine Ravache : comprendre et décrypter les images photographiques

Stage Martine Ravache du 4 au 6 juillet 2012

On peut être acteur de la photographie sans être photographe. Le stage photo proposé par Martine Ravache aux rencontres d’Arles est l’un des seuls à ne pas mettre la pratique photographique  au centre de la formation. C’est le regard et l’échange sur les oeuvres qui sont privilégiés. Pas de grands discours théoriques mais une succession d’exercices qui affine notre perception. Pas de réponse unique mais un processus qui enclenche un questionnement.

De multiples reproductions envahissent les tables. A partir de ce chaos d’images, chaque participant est invité, à l’aide d’une consigne précise, à regarder, observer, comparer, classer, choisir, rejeter…Toutes les propositions sont reçues, écoutées, négociées, complétées. Mettre des mots sur nos impressions, sur nos sensations est la condition de l’échange entre nous. On voit mieux à plusieurs car on ne voit pas tous la même chose !

Stage Martine Ravache du 4 au 6 juillet 2012

Stage Martine Ravache du 4 au 6 juillet 2012

Dans un deuxième temps, aiguiser notre regard c’est aussi nous permettre de découvrir une oeuvre dans une perpective historique grâce à des repères essentiels comme l’utilisation de la couleur ou le rôle de la composition. Martine Ravache met son savoir d’historienne d’art au service de nos observations. Au fil des exercices nous découvrons de nombreux photographes, le fond de la bibliothèque de l’ENSP est un recours précieux:  Julia Margaret Cameron, Rineke Dijkstra, Saul Leiter, Helen Levitt, Bill Brandt …

Mais faire un stage à Arles, c’est aussi porter un regard sur la photographie d’aujourd’hui. Plusieurs visites et rencontres de photographes sont organisées.                                    Jean-Christophe Béchet est le premier à nous accueillir dans son exposition « Accidents ».

Jean-Chritophe Béchet le 5 juillet 2012

L’appareil photographique argentique est au choeur de son travail, le choix de l’outil est capital, il ne croit pas en sa neutralité. Il compare volontiers l’appareil photographique à un instrument de musique, c’est  l’outil de création du photographe. Préparer cette exposition a été pour lui l’occasion de revenir sur ses années de pratique afin de rechercher des photos imparfaites. Depuis ses débuts, il accueille avec intérêt les accidents liés à une mauvaise manipulation ou à un défaut de fonctionnement de l’appareil. Cette intrusion du hasard est  essentiel, elle permet une rencontre entre poésie et technique.

Une deuxième exposition ne laisse aucun de nous indifférent, c’est l’exposition « Act » de Denis Darzacq au Méjan. Il présente une série de portraits de personnes handicapées depuis l’enfance. Il les révèle, les rend visibles dans des lieux qui ne les accueillent pas spontanément, il leur permet de sortir de l’hôpital pour pénétrer les galeries, les musées…Ni voyeurisme, ni compassion, les modèles ne sont pas instrumentalisés, ils sont pleinement acteurs de la photographie. Le choix de la pause et du lieu leur appartient, Denis Darzacq chorégraphie leurs corps dans un parc, une rue, au musée, à la campagne.

Denis Darzacq le 5 juillet 2012

Forte de ce stage, je continue seule mon exploration des expositions à Arles, Denis Darzacq présente une autre série, « Joueurs »,  à l’hôtel d’Arlatan. Il déplace à nouveau le corps de ses modèles, il invite en effet des comédiens à quitter le lieu clos du théâtre pour jouer dans la ville. Les deux séries s’enrichissent l’une l’autre.

"Joueurs" de Denis Darzacq Hôtel d'Arlatan Arles 2012

Lorsque je parcours l’exposition « Documents pour une information alternative », je m’arrête devant cette photographie.

J’ai encore les images de Darzacq en tête, et ce corps en déséquilibre, en représentation, me les évoque. Je m’approche du cartel et je découvre que l’auteur en est Valérie Jouve. Je connais cette artiste depuis son projet réalisé à Gennevilliers à la demande du T2G, j’aime son travail, j’aime son attention à la présence des corps dans la ville. Ancienne élève de l’ ENSP, elle présente aussi, au Parc des ateliers, des photos prises à Marseille et Jéricho, aucun cartel n’indique le lieu représenté. A nous spectateurs de prendre le temps de faire un bout du voyage avec ces habitants du monde. Les images raisonnent entre elles en fonction de nos parcours !

Le stage est fini, l’article se termine mais l’exploration photographique continue avec quelques clefs supplémentaires et surtout un désir démultiplié. Bel été !

Felice Varini, entre Asnières et Gennevilliers

un autre point de vue "six arcs en scène" de Varini le 5 juin 2012

L’art contemporain est au bout de la ligne 13, station Gabriel Péri plus exactement. Dès la sortie du métro, vous êtes accueillis par les flèches conçues par Daniel Buren qui tels les cailloux blancs du Petit Poucet vous conduisent devant le théâtre de Gennevilliers.

Flèche Buren

Les façades de l’avenue des Grésillons sont étranges, des fragments rouges sont collés ici et là sans ordre apparent.

Avenue des Grésillons fragment " six arcs en scène " de Varini

Avenue des Grésillons fragment " six arcs en scène " de Varini

Félice Varini a peint une forme, six arcs de cercle rouges, en utilisant l’espace urbain comme support. Il inverse la démarche des peintres de la Renaissance. Ceux-ci cherchaient à représenter sur une surface plane un espace tridimensionnel en utilisant les lois de la perspective.

école hollandaise du XVII e siècle blog de Gilles Chambon

Varini, lui, veut donner l’impression d’une forme à deux dimensions sur un support réel à trois dimensions. Il y parvient en utilisant un point de vue unique que l’on peut comparer à l’oeil photographique. Où s’est-il placé pour projeter sa forme dans l’espace ? Le jeu peut commencer, trouver le point de vue qui va rendre cohérents les fragments épars. Si le point de vue à trouver est fixe, le corps du spectateur est en mouvement, il exécute un véritable ballet pour ajuster position et vision. Mais quelle jubilation quand la forme s’impose à nos yeux !

"Six arcs en scène" de Varini photo prise le 5 juin 2012

Voici la photo mémoire de l’expérience, je vais utiliser son imperfection pour vous proposer un autre jeu que j’affectionne, le jeu des différences avec la photo officielle !

Six arcs en scène de Felice Varini Photo André Morin

Après le plaisir du jeu, l’envie de mieux connaître l’artiste et les différentes étapes de son projet s’impose. Le site du T2G met à notre disposition une riche documentation visuelle.

Ne quittez pas l’avenue des Grésillons sans pénétrer à l’intérieur du théâtre, le food’art est fermé jusqu’en juillet mais des nourritures spirituelles vous attendent au premier étage. Depuis son arrivée à la direction du théâtre, Pascal Rambert entretient un lien fort avec les arts plastiques en invitant notamment des photographes à accompagner sa saison culturelle. Supports de communication, les photographies de Valérie Jouve puis de Nan Goldin ont fleuri dans la ville au lancement de chaque nouvelle saison depuis 2007. Certaines de ces photographies sont exposées à l’intérieur du théâtre, à découvrir ou à revoir !

Photos de Valérie Jouve au T2G

Photos de Nan Goldin au T2G