Qu’est-ce que la photographie ? au Centre Pompidou de Paris

Exposition "Qu'est-ce que la photographie ?" Centre Pompidou 4 mars-1 juin 2015

Exposition « Qu’est-ce que la photographie ? » au Centre Pompidou    4 mars-1 juin 2015

Depuis novembre 2014, le Centre Pompidou propose un nouvel espace dédié à la photographie. Après une exposition historique qui présentait le travail du photographe surréaliste Jacque-André Boiffard, c’est maintenant une exposition thématique qui est à l’honneur avec la question ontologique : Qu’est-ce que la photographie ? Si vous souhaitez trouver une réponse univoque à cette question, vous risquez d’être déçu. L’intention des commissaires de l’exposition n’est pas d’asséner une définition définitive mais de permettre à tout un chacun de se forger sa propre définition. Pour cela, ils ont sélectionné dans la vaste collection du Centre Pompidou des photographes qui apportent un regard singulier sur cette question quelque peu générale.

J’ai été particulièrement sensible aux oeuvres de photographes qui ont cherché l’essence de la photographie dans sa matérialité et qui ont dévoilé dans leur image les secrets de fabrication.

Fascinée par les sténopés, j’ai apprécié particulièrement l’oeuvre d’Abelardo Morell qui rappelle avec brio qu’une photographie répond aux lois fondamentales de l’optique. La photographie ci-dessous rend compte du processus à l’oeuvre.

Ampoule d' Abelardo Morell, 1991

« Ampoule » d’ Abelardo Morell, 1991

L’oeuvre exposée, Camera obscura, Image de Boston, est impressionnante. Le paysage urbain pénètre la salle de conférence, l’image projetée de l’extérieur est capturée avec l’image de l’intérieur, elles ne font plus qu’une et cette nouvelle réalité recomposée provoque notre imaginaire.

Camera obscura, Image de Boston d'Abelardo Morell, 1998

Camera obscura, Image de Boston d’Abelardo Morell, 1998

L’image fugitive, créée dans la chambre noire, s’est longtemps dérobée. L’avènement de la photographie a eu lieu lorsque les chercheurs du dix-neuvième siècle ont pu la fixer sur un support photo-sensible. L’exposition présente de nombreux artistes qui rendent hommage à la pellicule argentique, Man Ray, James Welling, Giulio Paolini et Ugo Mulas.

Boîte de négatifs, Man Ray, 1957

Boîte de négatifs, Man Ray, 1957

Au delà de la prise de vue, le travail en laboratoire lors du tirage permet lui aussi de belles découvertes, les travaux de Timm Rautert et d’Hugo Mulas effectués la même année sont à ce titre passionnants.

Le soleil et la lune à partir d'un seul négatif de Timm Rautert, 1972

Le soleil et la lune à partir d’un seul négatif de Timm Rautert, 1972

Vérification 7, Le laboratoire. Une main développe, l'autre fixe. A sir John Frederick William Herschel, 1972

Vérification 7, Le laboratoire. Une main développe, l’autre fixe. A sir John Frederick William Herschel, 1972

Si la fin de l’argentique est célébrée par le photographe canadien Michel Campeau dans sa série dédiée à La chambre noire, il est étonnant que la photographie numérique soit si peu présente. Les pixels seraient-ils moins photogéniques que les sels d’argent ? J’ai été un peu frustrée que la photographie contemporaine ne soit pas plus représentée et que les dernières avancées technologiques ne soient pas interrogées. Alors, grâce à Internet, je prolonge l’exposition par la présentation virtuelle des travaux de Thomas Ruff ou d’Adrian Sauer

JPegs ou l'image écran de Thomas Ruff, 2007

JPegs ou l’image écran de Thomas Ruff, 2007

16.777.216 Farben (détail) d' Adrian Sauer, 2010

16.777.216 Farben (détail) d’ Adrian Sauer, 2010

Le FOMU à Anvers

Façade du FOMU ( fotomuseum) d'Anvers, 1 novembre 2012

Un voyage à Amsterdam me donne l’occasion de poursuivre ma découverte des lieux consacrés à la photographie. Un véritable coup de coeur pour le FOMU d’Anvers ! Un ancien immeuble de briques est entièrement consacré à l’image, la photographie mais aussi le cinéma sont à l’honneur. Un grand espace est dédié à la collection permanente du musée. L’histoire de la technique photographique avec une riche exposition d’appareils est complétée par la présentation de photographies d’une variété incroyable. Un seul regret, il n’existe, à l’heure actuelle, aucun catalogue de cette collection, dommage !

L'entrée de la collection permanente du FOMU, 1 novembre 2012

La première exposition temporaire est consacrée à un couple d’artistes franco-allemand, Lucie et Simon. Je suis fascinée, hypnotisée par leur film « Silent world ». Nous nous promenons grâce à des mouvements de caméra dans une succession d’images fixes représentant pour l’essentiel des lieux connus de grandes métropoles (Paris, Londres, Pékin, New York… ).

Silent World, Lucie et Simon, Place de la concorde (détail), 2008

Ces photographies prises en plein jour sont étonnamment vides, la vie semble être suspendue, seules quelques silhouettes se glissent dans ce décor devenu étrange. Notre imagination est sollicitée. Que s’est-il passé ? Quelle calamité s’est abattue sur les hommes ne laissant que quelques survivants à la surface de la terre ?                                   L’histoire de la photographie nous aide à comprendre le procédé utilisé par les deux artistes dans leur mise en scène. La contrainte d’un temps de pose extrêmement long avait vidé la photographie de Daguerre des fiacres et des piétons qui animaient le boulevard du Temple au début du XIXe siècle, cette contrainte des débuts de la photographie devient un choix pour les artistes contemporains.

La vue du Boulevard du Temple, Daguerre, 1839

Chaque photographie de la série  » Silent world » est l’association de deux prises de vue. L’une est réalisée avec un temps de pose de plusieurs heures en plein jour pour créer un décor surréaliste vide de tout mouvement. Une autre photographie d’un temps de pose classique permet d’intégrer à la précédente la trace d’une présence humaine. La musique de Philip Glass et de Daft Punk accompagne magnifiquement la succession des images et renforce l’impact de cette contemplation d’images vides de leur bruit d’origine. Vous pouvez admirer le film et les photographies de cette série sur le site de Lucie et Simon. A voir absolument !

Une deuxième exposition temporaire présente le travail du photoreporter américain Weegee.

exposition Weegee au FOMU d'Anvers, 1 novembre 2012

Découvert lors de l’exposition qui lui était consacrée au musée Maillol en 2007, je suis ravie d’avoir l’occasion de revoir l’oeuvre marquante de cet homme qui a arpenté les rues de New-York la nuit, branché en permanence sur les fréquences de la police. L’exposition « Murder is my business » présentée en début d’année à l’International Center of Photography de New York souligne le contexte éditorial de ces photographies en présentant dans des vitrines de nombreux exemplaires de journaux et magazines les ayant publiées.                                                                                                                                 Je m’arrête longuement devant cette photographie, au delà de la scène du crime, Weegee s’intéresse aux effets provoqués sur les témoins de la violence urbaine en jouant sur la force du hors-champs. Le complexe jeu des attitudes, des regards et des gestes provoque notre imaginaire… Un drame se joue dans le public !

"Leur premier meurtre", Weegee, 9 octobre 1941

Weegee rédige lui même les légendes de ses photos. Je retrouve la traduction du texte qui accompagnait « leur premier meurtre » dans le livre de Miles Barth consacré au photographe.

« Les élèves sortaient de l’école communale 143 du secteur de Williamsburg de Brooklyn à 15h30 hier, lorsque Peter Mancuso, 22 ans, parieur insignifiant , selon la police, immobilisa sa Ford 1931 aux feux du carrefour suivant. Un tueur qui le guettait s’approcha, tira à deux reprises et se perdit dans la foule des enfants. Atteint à la tête et au coeur, Mancuso s’extirpa de son véhicule et s’effondra sur le trottoir. La femme la plus âgée est la tante de Mancuso, une résidente du quartier, et le jeune garçon agrippant les cheveux de la fille devant lui, son fils, qui cherche à fuir. »

La nuit est aussi le temps du repos et la force de la programmation du FOMU est de provoquer un lien entre des artistes a priori très éloignés. Comment ne pas penser aux corps endormis vus en plongée de Lucie et Simon face à cette photo de Weegee ?

Enfants dans l'escalier de secours, Weegee, 23 mai 1941

Scenes of life, Alone together, Lucie et Simon, 2008

Je quitte les lieux non sans aller faire un petit tour à la librairie où je découvre une maquette pour construire un sténopé à pellicule. De nouvelles expériences à venir !

Camera sténoscope

Sténopé, quand tu nous tiens !

Mercredi 12 septembre 2012, temps nuageux avec éclaircies !

Les boîtiers sont rechargés, le temps est nuageux mais avec une belle luminosité. Pour ces nouveaux essais, je reste chez moi, je vais réaliser des vues de ma fenêtre ou de mon jardin. La question du temps de pose reste entière. Dans un premier temps je n’ai pas envie d’utiliser un posemètre ou des tables de calcul, vive la méthode empirique ! La brochure qui accompagne le kit « pinhole caméra » me donne quelques indications qui vont me servir de base :

Très ensoleillé : 15 s     Ensoleillé : 30 s     Nuageux : 60 s     Couvert : 2 min                 Lumière électrique : 4-5 min

Je décide d’un temps de pose de 30, 40 et 60 secondes en fonction de la taille des sténopés. Après la prise de vue, le moment le plus exaltant, le développement ! Surprise, le négatif le moins réussi provient du boîtier qui m’avait donné la veille un négatif correct.

Négatifs développés ( deuxième essai)

C’est clair, la taille du sténopé est une variable fondamentale pour contrôler la lumière qui va pénétrer dans le boîtier. Si le papier photographique reçoit trop de lumière, il devient noir. S’il en reçoit trop peu, il reste blanc. D’autres essais seront nécessaires pour maîtriser les différents éléments en jeu mais c’est justement ce qui est passionnant dans cette pratique.

"On apprend de ses erreurs!"

Je décide de passer à la dernière étape, le tirage ! La plaque de verre du kit va me permettre de faire mes premiers essais de tirage par contact.

Plaque de verre pour le tirage par contact

Le principe est simple, sous lumière inactinique, je pose au dessus du boîtier un nouveau papier photo, la face sensible (brillante) vers le haut. Je pose ensuite le papier négatif par dessus. Les deux faces sensibles doivent être en contact. Je maintiens le tout à l’aide de la plaque de verre et les deux élastiques. J’expose le tout à la lumière électrique 1 à 2 secondes. Il ne reste plus qu’à tirer ces nouveaux papiers impressionnés. Le résultat est plus ou moins réussi, j’ai utilisé la lumière de la salle de bain composée de trois ampoules LED, j’ai diminué le temps d’exposition au fil des essais.

du négatif au positif

Vous avez deviné, je n’ai qu’une envie, continuer à explorer mes nouveaux appareils photographiques !

Mes premiers pas… en sténopé

sténopé sur l'île Seguin, dimanche 9 septembre 2012

Depuis le premier choc ressenti dans la pièce-chambre noire de l’EMBA-Galerie Manet de Gennevilliers, j’ai le désir, dès que l’occasion se présente, de revivre cette expérience particulièrement intense. On m’avait conduite dans une petite pièce qui jouxte le laboratoire photo, j’étais restée seule dans le noir face à un mur blanc sans trop savoir ce qui allait se passer. Une image est apparue peu à peu sous mes yeux ébahis, la place Jean Grandel pénétrait à l’intérieur de la pièce, certes un peu chamboulée, les repères (haut-bas, droite-gauche) étaient inversés mais sinon tout y était : les formes, les couleurs et même le mouvement !

Un tout petit trou était la cause de cette projection et cette expérience que je venais de vivre était à l’origine de la passion ancestrale des hommes pour les images.                        Le désir de garder une trace physique de cette image fugitive m’a tout de suite animée.  Partager ce désir avec d’illustres pionniers qui avaient permis l’émergence de la photographie est une grande joie !

Je me suis plongée avec délice dans le livre de David Hockney, « Savoirs secrets : les techniques perdues des maîtres anciens », j’ai acheté une réplique d’une chambre noire mais il me restait à me confronter à la fabrication de sténopés, une nouvelle aventure commençait !

Peu confiante en mes talents de bricoleuse, j’ai tout d’abord acheté un kit « Pinhole camera ».

Pinhole camera, Flights of fancy

La boîte noire est en papier canson, elle s’insère dans une boîte en bois démontable.       Tout le matériel nécessaire est fourni : papier photographique, révélateur, fixateur, cuvettes, pince, filtre inactinique, gants…

Décidée à compléter ce premier sténopé par d’autres de ma fabrication, je vais rendre visite aux sympathiques vendeurs de photostock pour pouvoir transformer ma salle de bain en véritable laboratoire photographique : une ampoule rouge, des cuvettes colorées avec leurs pinces respectives, des éprouvettes, des bidons pour conserver les produits chimiques et du papier photographique.

salle de bain transformée en labo photo

Avant de me lancer dans la fabrication des sténopés, je lis avec intérêt les sites de Laurent Diaz, de Robert Colognoli et celui des animateurs de la Rotonde des enfants, un grand merci à eux pour leurs conseils éclairés ! Je vous recommande très vivement de les consulter.

Je décide de percer chaque boîte afin d’installer un sténopé en feuille d’aluminium.

Les étapes de la fabrication en photos :

Percer la boîte, trou de 5 mm

Peindre l'intérieur des boîtes en noir

Sténopé en aluminium et ses deux caches noirs

Sténopé prêt à être installé

Installation du sténopé dans la boîte avec du gaffeur noir

Je dois maintenant installer dans chaque boîtier une feuille photographique sous lumière inactinique. Le plus difficile est de préparer le papier à la taille de chaque boîtier alors que la visibilité est très réduite. Je réalise auparavant des pochoirs en carton pour m’aider !

Pochoirs pour la découpe du papier

Patafix pour maintenir le papier

Installation du papier sous lumière inactinique

Par un beau dimanche très ensoleillé, nous allons réaliser nos premières prises de vue sur l’île Seguin. Il nous faut d’abord trouver un endroit stable pour poser les boîtiers puis choisir le temps de pose. Je décide de faire des essais avec 1min et 2 min.

Installation du boîtier pour la prise de vue

Installation du boîtier pour la prise de vue

Installation du boîtier pour la prise de vue

Installation du boîtier pour la prise de vue

Toute fébrile, je vais développer ces premiers essais et là grosse déception, un seul négatif est correct, les autres sont très noirs !

négatifs des premières prises de vue

J’observe attentivement le sténopé du boîtier qui a fonctionné, son trou est très nettement plus petit que les autres. Pour les autres, les temps d’exposition étaient beaucoup trop longs par rapport au diamètre du trou. Dès demain, je recommence en réduisant le temps d’exposition. Si ça ne marche pas, je ferais de nouveaux sténopés plus petits. A suivre !

The photographers’ gallery à Londres

photographie de Kate Elliott, http://kateelliottphoto.blogspot.fr/

Ce lieu superbe dédié à la photographie vient de réouvrir ses portes. Si vous avez la chance de flâner dans les rues de Londres, n’hésitez pas, c’est à quelques minutes d’Oxford Circus, dans une petite rue sombre, Ramillies Street. C’est ouvert 7 jours sur 7, c’est gratuit et c’est passionnant. Vous commencez par monter jusqu’au cinquième étage de cet immeuble tout en hauteur, trois niveaux sont réservés aux salles d’exposition.

Jusqu’au premier juillet, vous pourrez découvrir le travail de l’artiste canadien, Edward Burtynsky. Un diptyque en couleur happe notre regard, des centaines de pompes à pétrole envahissent, saturent l’espace. C’est beau et angoissant en même temps ! Cette contradiction ne nous quittera pas de toute l’exposition, Burtynsky documente l’impact de l’activité pétrolière sur la nature, de son extraction aux cimetières à pétroliers du Bangladesh, par des photos esthéthiquement irréprochables.

Vue de l'exposition Burtynsky Mai 2012

Vue de l'exposition Burtynsky Mai 2012

Le dernier étage d’exposition montre deux oeuvres d’un collectif indien, Raqs Média Collective. Une vidéo en boucle de 3 min, réalisée à partir d’une photographie d’archive d’un bureau de géomètres à Calcutta, est fascinante ! Voyage poétique dans l’histoire du médium.

An Afternoon Unregistered on the Richter Scale, 2011 Video still © Raqs Media Collective

L’étage suivant est réservé aux activités éducatives, la caméra obscura n’est hélas pas accessible mais je me console par un dispositif participatif appelé Touchstone. Le principe est simple et efficace. Une seule photo est présentée, j’ai sous les yeux un caisson lumineux exposant The Giant de Jeff Wall.

The Giant de Jeff Wall, 1992

Les visiteurs sont invités à prendre du temps pour regarder la photographie et pour écrire simplement ce qu’ils voient : what do you see ?

Touchstone The Photographers' Gallery Mai 2012

Touchstone The Photographers' Gallery Mai 2012

Une sélection des descriptions sera mise à disposition sur le site.

La présentation du lieu serait incomplète si je ne parlais pas du café, de la galerie de vente où j’ai pu admirer de belles photos d’Elliott Erwitt et de la boutique librairie qui offre une sélection originale d’appareils photos . J’ai craqué pour l’ancêtre de l’appareil photo, un sténopé à monter. J’en reparlerai !