Le troisième film du réalisateur japonais, Keiichi Hara, est éminemment singulier et personnel. Il porte son attention sur la fille du plus célèbre artiste japonais Katsushika Hokusai et nous raconte en détail une année de sa vie à Edo. C’est une toute jeune femme à l’âge des premiers émois amoureux que nous allons accompagner au fil des saisons. A l’encontre de son père, sa vie a failli sombrer dans l’oubli malgré les qualités artistiques indéniables de son travail. C’est une historienne et mangaka, Hinako Sugiura, qui l’a fait connaître au public japonais dans un manga non publié en France, Sarusuberi.
Respectueux du passé et du manga qu’il adapte partiellement, Keiichi Hara développe des sujets qui le passionnent depuis Un été avec Coo. Les liens familiaux sont au centre du film, la relation avec son père et maître de peinture bien sûr mais surtout l’attachement d’O Ei pour sa jeune soeur aveugle, O Nao. Le film est très sensuel, notamment dans l’évocation des ballades des deux soeurs. La cécité d’O Nao est contournée par l’attention portée aux bruits, aux odeurs, au sens du toucher, à l’évocation des couleurs…
Une très belle scène de jeux dans la neige ravive un souvenir de l’enfance d’O Ei, un des rares flash-back du film. O Ei, petite fille, accompagne son père lors d’une séance de dessin sur le vif, Hokusai dessine le paysage enneigé pendant que sa fille joue à lui lancer des boules de neige. Agacé, Hokusai tend à sa fille quelques feuilles de papier et des pinceaux pour qu’elle puisse dessiner et le laisser tranquille.
Dans ce film, Keiichi Hara imbrique à nouveau le fantastique avec le quotidien. Les nombreuses scènes nocturnes sont propices à l’évocation d’apparitions surnaturelles. Elles lui permettent aussi d’évoquer la passion d’O Ei pour les incendies, pour les jeux de lumière et d’ombre que l’on retrouve dans l’une de ses rares oeuvres signées, Scène de nuit dans le Yoshiwara, présentée lors du générique.
La scène de la tempête annonciatrice de la venue du dragon est un joli clin d’oeil à celle d’Un été avec Coo…
Enfin, Keiichi Hara n’hésite pas à utiliser à plusieurs reprises du rock pour accompagner notamment la marche dynamique d’ O Ei lorsqu’elle traverse le pont Ryogoku. Loin d’un anachronisme, ce choix ainsi que les dernières images montrant ce site à l’époque contemporaine, mêle le présent au passé dans cette histoire qui est avant tout intemporelle.