Hakima Benabderrahmane, responsable du service des publics au musée de la Poste

Sans Titre, Rero, 2010, exposition "Au delà du Street Art" Musée de la poste

Sans Titre, Rero, 2010, exposition « Au delà du Street Art » Musée de la poste 28/11/12-30/03/13

Aller au musée avec sa classe peut être une belle aventure ou le pire des cauchemars ! Un des critères pour la réussite de cette sortie culturelle est la qualité de l’accueil reçue. Hakima Benabderrahmane a fait de cette question le coeur de sa pratique et de sa réflexion professionnelle. Pendant une dizaine d’années, au musée Albert Kahn, elle a permis a de nombreux enfants et adultes de vivre  avec plaisir et intérêt une expérience unique : découvrir un ailleurs par le biais des images collectées par Albert Kahn, les fameuses Archives de la planète.  Depuis quelques mois, c’est au musée de la Poste qu’elle poursuit son travail, l’occasion pour nous de l’interroger sur son parcours et ses motivations.

Se présenter en quelques mots…  

Je suis médiatrice culturelle, actuellement chef du service des publics au musée de la poste après dix ans passés au musée Albert Kahn.

Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?  

Je pense que c’est la lecture. J’ai appris à lire très vite. Je lisais tout et n’importe quoi, même des bouquins incompréhensibles. Mes parents étant analphabètes, la lecture a été structurante pour moi, j’ai lu et je continue de lire avec frénésie.

Une image qui t’accompagne …

C’est un tableau de Friedrich, le peintre romantique allemand. Il représente un homme seul en haut d’une montagne. Je pourrai passer des heures devant ce tableau; la solitude, la grandeur de la nature, le néant, le vide… Beaucoup de choses émergent de ce tableau. C’est vraiment une belle image !

"Le voyageur au dessus de la mer de nuage" Caspar David Friedrich, 1818

« Le voyageur au dessus de la mer de nuage » Caspar David Friedrich, 1818

Lors de tes études universitaires tu t’es spécialisée dans l’histoire de l’Antiquité grecque. Qu’est-ce qui te fascine, passionne dans cette période ? 

Tout a commencé par la mythologie. Je te parlais tout à l’heure de frénésie de lecture, j’ai lu avec passion tous les bouquins que je pouvais trouver sur la mythologie grecque, romaine et égyptienne. Ma soeur ainée m’a emmenée très tôt dans des musées. Et en classe de quatrième, j’ai fait un voyage scolaire en Grèce. Mon destin était scellé, j’ai été fasciné par ce pays et cette culture. J’ai eu un coup de foudre, notamment pour Delphes. Pour les Grecs, c’est le nombril du monde, je suis d’accord avec eux. J’y retourne tous les ans, cette culture fait partie de moi.

Nous nous sommes rencontrés lorsque tu travaillais au service jeune public au musée Albert Kahn.                                                                                                             Peux-tu nous parler du travail de médiatrice culturelle que tu effectuais alors ? 

Mon rôle était essentiellement d’accueillir les classes et de concevoir des supports pédagogiques pour les élèves et les enseignants. Mon parcours universitaire m’a donné le goût de la transmission. Mais paradoxalement, je ne me suis jamais dit que je voulais être enseignante. J’ai découvert le milieu des musées très tôt, par les visites avec ma grande soeur, puis des stages et les cours de l’école du Louvre.
J’ai eu la chance de trouver un premier job au musée Albert Kahn comme hôtesse d’accueil, je vendais les billets d’entrées. La conservatrice de l’époque, Jeanne Beausoleil, a appris que j’étais helléniste, elle m’a alors orientée vers le service des publics. J’ai appris mon métier sur le terrain. La vulgarisation de la culture, j’adore ça ! Je trouve génial de voir des enfants faire des découvertes, j’ai aussi adoré travailler avec des profs même si c’est dur parfois.

Parallèlement à ton travail au musée, tu as participé à une revue spécialisée d’histoire. Que signifie pour toi cette autre forme de médiation ? 

C’était un moyen de faire découvrir l’Antiquité à un public élargi. J’associais mon goût de la vulgarisation à ma passion de l’Histoire. J’ai présenté les grandes figures de la Grèce Antique : Homère, Périclès, Zeus. J’ai fait aussi un article sur les jeux panhelléniques.

Couverture de la revue "Histoire Antique" Sep-Oct 2005

Couverture de la revue « Histoire Antique » Sep-Oct 2005

Tu as contribué pendant une dizaine d’années à la valorisation de l’oeuvre d’Albert Kahn. Peux-tu nous partager des découvertes, des coups de coeur que tu as pu avoir dans sa très riche collection ? 

La préparation à l’exposition sur le Japon a été pour moi une vraie révélation. J’ai découvert une culture, des images que je ne connaissais pas. J’ai eu aussi beaucoup de plaisir à partager cette découverte.

Affiche de l'exposition "Clichés Japonais" Nov 2010-Août 2011

Affiche de l’exposition « Clichés Japonais » Nov 2010-Août 2011

Mais le problème à Albert Kahn est que le temps d’exposition est trop long, il est difficile de garder sa fraicheur, son enthousiasme sur un si long temps.

Quelles actions, quels projets, ont été les plus importants pour toi au cours de ces 10 années ? 

Ce dont je suis le plus fière c’est le développement du plan de formation des enseignants. Je suis vraiment très fière d’avoir porté ça, d’avoir valorisé aussi le travail des enseignants. Je pense que cette action, l’accueil des classes, a contribué au succès du musée.          Je viens aussi d’apprendre que le musée a reçu le label : « Tourisme et Handicap ». J’y ai travaillé pendant trois ans, c’est un peu mon bébé. J’en suis très fière !

Depuis cet automne, tu as changé de lieu de travail, tu travailles maintenant au musée de la poste en tant que responsable du service des publics. Peux-tu nous définir tes principales missions ? 

De façon très concrète, je gère le service au quotidien ! Je dois aussi définir la politique du service et mettre en place des projets de développement à l’attention de tous les publics (handicap, enseignants, scolaires, séniors, adultes, champs social…), en leur proposant à chaque fois des solutions de médiation adaptées. Cela peut également passer par des partenariats institutionnels pour diversifier nos actions, toujours dans l’objectif d’accueillir tous les publics. Par exemple, nous avons mis en place un partenariat avec l’hôpital Necker pour faire découvrir nos collections et nos animations aux enfants malades. Je mets également en place la programmation culturelle et les animations sur les collections permanentes et les expositions temporaires. Le socle de mon travail reste l’accueil des scolaires, pour moi, un musée qui n’a pas de public scolaire est un musée mort. C’est vraiment le coeur de notre métier.

Quels ont été les premiers défis que tu as eus à relever lorsque tu as pris tes fonctions au musée de la poste ? 

Ma chef m’a donné le temps de prendre mes marques, c’était très agréable de ne pas commencer dans le stress. J’ai commencé mon travail au musée de la poste deux semaines avant le début de l’exposition « Au delà du Street Art » qui remporte un grand succès. Mon premier défi a été de gérer le flux des personnes, notamment les queues sur le trottoir ! Et puis je dois gérer l’imprévu ! Pour la saison culturelle autour de l’exposition du Street Art, nous avons des nocturnes à animer. Nous avons eu un désistement pour la soirée slam quelques jours avant la date programmée. J’ai dû trouver un slameur au dernier moment. Nico K et ses accompagnateurs, Pina et Quentin Laffont ont assuré !

Affiche de l'exposition "Au delà du Street Art" Nov 2012-Mars 2013

Affiche de l’exposition « Au delà du Street Art » Nov 2012-Mars 2013

Peux-tu nous dire quelques mots sur la prochaine exposition ?  

Elle portera sur deux grands artistes de l’Art Brut : Gaston Chaissac et Jean Dubuffet. Le fil conducteur sera leur correspondance croisée. Nous travaillons avec le musée de l’abbaye Sainte Croix des Sables d’Olonne. Elle se déroulera du 27 mai au 28 septembre 2013.

Visage aux hachoirs, Gaston Chaissac, 1947-1948

Visage aux hachoirs, Gaston Chaissac, 1947-1948

« Dans les coulisses du film d’animation » au musée de la poste

l'entrée de l'exposition temporaire au musée de la poste

Le musée de la poste consacre trois espaces au film d’animation : exposition didactique et historique, elle privilégie la présentation et l’évolution des techniques liées à cet art.              Dans le premier espace, une petite salle est consacrée aux jouets optiques précurseurs : thaumatrope, phénakitiscope, zootrope, praxinoscope, folioscope et … mutoscope n’auront plus de secret pour vous !

le mutoscope site Tim Hunkin

Le reste de l’espace retrace l’histoire du film d’animation, de Fantasmagorie d’ Emile Cohl à Toy Story de John Lasseter. Entreprise démesurée, la présentation est très inégale en fonction des thèmes évoqués. Deux petites merveilles ont retenu toutefois mon attention.

Tout d’abord la projection de « Félix saves the day » de Patt Sullivan. Court métrage muet réalisé en 1922, ce petit film est une vraie découverte pour moi. L’introduction des personnages dessinés dans des prises de vue réelle est réalisée avec brio, la course poursuite à flanc de building, le policier volant, l’appel du taxi sont autant de scènes mémorables.

"Félix saves the day" Pat Sullivan 1922

Le dessin de l’arrivée des rames bondées au Yankee Stadium qui se métamorphosent au fur et à mesure que la foule se disperse associé aux plans réels des spectateurs est une très belle réussite. L’utilisation des signes graphiques est aussi très originale et renforce le dynamisme du film.

La vitrine consacrée à la Table tournante de Paul Grimault est mon deuxième coup de coeur. Les dessins crayonnés du court métrage l’Epouvantail sont magnifiques, le mouvement à venir y est déjà perceptible.

Les deux autres espaces sont dédiés chacun à un film d’animation, « Oggy et les cafards » explique la réalisation d’un dessin animé contemporain en 2D tandis que la réalisation d’un film d’animation en images de synthèse 3D est illustrée par le court métrage « Nicolas & Guillemette ». Cette deuxième partie est plus convaincante.

Virginie Taravel et ses personnages Blog du Musée de la poste

L’histoire de Virginie Taravel est une métaphore du travail de création. Elle fabrique des Pinocchios dont la vie tient à un fil … de scoubidou. Le vieil inventeur, Nicolas et l’enfant de fer partagent avec la réalisatrice ce pouvoir de donner la vie aux objets inanimés. La poésie de l’histoire s’accorde avec la matérialité des images réalisées en animation numérique, une très belle réussite.