Georges Rousse au Festival du regard

couvUn lieu exceptionnel, le Manège Royal de Saint-Germain-en-Laye, accueille, le temps du Festival du regard, 12 images au format imposant de l’artiste Georges Rousse. Nous sommes envahis par un sentiment de beauté et de plénitude ; est-ce l’espace qui magnifie les oeuvres ou est-ce le lieu qui est magnifié par elles ? Depuis les années 80, Georges Rousse développe une pratique artistique singulière, il crée des anamorphoses dans des lieux désaffectés. Il rend compte de son intervention uniquement par la photographie, les lieux n’étant pas accessibles au public. Seul le point de vue photographique réunit les formes éclatées et dispersées dans l’espace investi. Deux anamorphoses récentes réalisées grâce à la technique du collage complètent cette rétrospective des premières oeuvres picturales.

Bercy 1985

Bercy, 1985                                                                              

R3

Argentan, 1997

Abbaye-de-Fontevraud, 1985

Abbaye-de-Fontevraud, 1985

Anglards, 2016

Anglards, 2016

Un film passionnant pour découvrir le processus de création des installations de Georges Rousse réalisé lors de son intervention dans la base sous-marine de Bordeaux en 2014.


J’aime la pub …

La petite Robe noire de Guerlain, dessin de Florence Deygas, 2013

La petite Robe noire de Guerlain, dessin de Florence Deygas, 2013

… Quand elle fait des clins d’oeil au cinéma d’animation et aux illusions d’optique …

L’ai-je choisi pour sa fragrance ou ai-je été influencée par cette publicité légère et joyeuse…   La petite robe noire m’accompagne chaque jour et j’attends avec impatience les nouvelles propositions du duo Kuntzel et Deygas …


Les artistes au travail …


Fan de flipbook, j’ai adoré retrouver cette animation dans une des dernières pubs Mac Do, vue au cinéma. Promis, je n’augmente pas pour autant ma consommation de hamburger, je ne pourrai plus mettre ma petite robe noire !


Si comme moi, vous avez aimé La grande aventure Légo, vous aurez peut-être envie de connaître les fondateurs de la fameuse petite brique. Kim Pagel a réalisé ce petit bijou en 2012 pour les 80 ans de la firme danoise, intéressant !


Passionnée par les images cachées et la bière, j’apprécie particulièrement le dernier visuel de la Leffe Royal  qui a envahi les abris bus …

Leffe Royal

Une autre petite merveille d’image cachée … et pas besoin de lunettes pour la voir !


La dernière pub (juillet 2014 au cinéma) pour le parfum Lacoste live s’inspire fortement des travaux de Georges Rousse… Anamorphose réalisée par l’artiste graffeur Zoer.


Solweig von Kleist, artiste pluridisciplinaire

Dessin anamorphique /3D Street Art, Solweig Von Kleist, Septembre 2012

Dessin anamorphique /3D Street Art, Solweig Von Kleist, Septembre 2012

J’ai rencontré Solweig par le biais du cinéma d’animation. J’ai eu le privilège pendant un an de partager avec elle sa passion des images qui bougent. Elle animait tous les mardis soirs un atelier au local de l’association Kino à Issy les Moulineaux. Quelques années plus tard, des traces de pastel sur le trottoir ont attiré mon regard, un beau dessin anamorphique se déployait sous mes yeux. Il était signé S von Kleist. Envie d’en savoir un peu plus sur cet artiste éclectique.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Solweig von Kleist, d’origine allemande, j’habite depuis 10 ans à Meudon. Je suis artiste, je n’aime pas le terme d’artiste plasticienne, je préfère artiste pluridisciplinaire ou multidisciplinaire. Je fais des peintures, des dessins, des films d’animation, des installations et je donne des cours de dessins. Je suis passionnée par ça, je trouve très important de transmettre ce que je sais faire.

Qu’est-ce qui a été le plus formateur pour toi dans ton enfance ?

Ma grand-mère qui dessinait en amateur. Lorsque je lui rendais visite, je copiais à ses côtés des cartes postales, des fleurs. J’ai appris à dessiner dès l’âge de 4 ans.

Une image qui t’accompagne.

Difficile de répondre, il y a eu des images différentes à chaque période de ma vie. J’ai longtemps accroché dans ma chambre la peinture de Jérôme Bosch « Le jardin des délices », j’en ai même copié quelques scènes.

"Le jardin des délices" de Jérôme Bosch, 1503-1504

« Le jardin des délices » (panneau central) de Jérôme Bosch, 1503-1504

Peux-tu nous parler de ta formation artistique ?

Je suis allée à l’école des Beaux-Arts de Berlin Ouest dans l’objectif de devenir professeur. Je n’avais pas le courage d’imaginer être une artiste, c’était trop exotique pour ma famille ! Il fallait un métier où l’on était assuré de pouvoir gagner sa vie… Au lycée, j’avais eu aussi une très bonne prof d’arts qui m’a encouragée dans cette voie. A l’école des Beaux-Arts, l’enseignement était très varié, j’ai travaillé le bois, le métal, la céramique, la gravure… Mais il n’y avait pas de cours sur le cinéma d’animation, j’ai commencé toute seule. Mon premier film était en noir et blanc, il durait 2 min, c’était en super 8. On y voyait des vêtements qui volaient sur une musique de jazz et qui atterrissaient sur une chaise qui réagissait à cet assaut… Je l’avais fait pour un examen, j’ai été encouragée à continuer. J’ai ensuite réalisé des installations de peinture dans l’espace avec des films super 8, et j’ai eu mon degré de maîtrise de l’école de Beaux arts, en plus de mon examen de prof en arts plastiques.

"Sous les pavés", Solweig von Kleist

« Sous les pavés », Solweig von Kleist

Mon travail sur les installations a été remarqué et m’a permis d’obtenir une bourse pour aller un an à CalArts, l’institut crée par Walt Disney en Californie.

C’est l’institut où s’est formé Tim Burton.

Il était là quelques années avant moi, dans le département « Cartoon ». J’étais dans le département « films expérimentaux ». J’ai énormément appris sur les techniques d’animation. J’ai commencé, entre autre, à gratter sur la pellicule noire de film 35 mm.

Solweig en train de graver sur pellicule

Solweig en train de graver sur pellicule

J’étais fascinée par le dessin et occupée à apprendre les techniques de l’animation, mais j’avais toujours des difficultés à raconter « une histoire » bien construite. Un évènement important plus personnel mais qui a eu des incidences dans mon travail, j’ai rencontré à CalArts mon futur mari, Thierry Verrier, qui suivait des cours dans le département « films de fiction ». Il a eu comme professeur Alexander MacKendrick qui a réalisé entre autres «The ladykillers ». Il a, lui, beaucoup travaillé la narration. Nous avons collaboré à mon premier film « Criminal Tango », j’avançais avec mes idées visuelles et le montage était assumé par Thierry. C’était un drame pour moi de devoir renoncer à certains dessins.

" Criminal Tango ", Solweig von Kleist, 1985

 » Criminal Tango « , Solweig von Kleist, 1985

Après l’année liée à ma bourse, je suis restée en Californie. Pour continuer à travailler sur mon film, je faisais du troc avec des étudiants, en échange de dessins, ils me réservaient la salle avec l’équipement pour pouvoir photographier les images dessinées, sur un appareil appelé « truca », et aussi pour la chambre noire où je développais les pellicules 16 mm tournées. Nous sommes revenus en France avant la fin du film, les images étaient terminées mais il n’avait pas encore de son. Je devais finir le générique avant de quitter la Californie alors  sur les indications de Thierry, j’ai indiqué le nom de Denis Mercier pour la création du son. Thierry et lui étaient ensemble à l’école Louis Lumière, on a fait le pari qu’il allait accepter ! Heureusement il a été d’accord, il a capté tous les sons dans la région parisienne puis j’ai réalisé moi même le montage son chez un ami, Stéphan Krésinski, qui est lui réalisateur et historien du cinéma. Le film a reçu un très bon accueil et de nombreux prix.

Avant de continuer sur tes réalisations, je voulais te demander si tu as des influences artistiques ?

Très modestement en peinture je me situe entre Bacon et Hopper ! J’aime créer des atmosphères, des perspectives étranges, des déformations. Je m’intéresse à la construction de l’espace. Ma peinture est figurative mais elle tend vers une certaine forme d’abstraction.

Peinture de Solweig von Kleist, Attente,

Peinture de Solweig von Kleist, Attente, 2007

C’est important qu’il y ait des « trous », des choses ouvertes pour laisser de la place à l’interprétation du « regardeur ». Une narration existe, sous-jacente, mais rien n’est clairement défini. J’ai été aussi influencée par l’expressionnisme allemand.

Une de tes premières oeuvres reconnues est ta participation au clip de David Bowie, pour la chanson Underground.                                                                       Peux-tu nous parler de cette collaboration ?

En 1986, j’ai reçu un coup de fil d’un producteur Londonien, il avait vu le film « Criminal Tango » et souhaitait me rencontrer pour me proposer un travail. Je me rends à Londres pour la première fois et là on m’annonce que j’ai été choisie pour participer à un clip de David Bowie. A l’annonce du nom, je n’ai aucune réaction, habituée à l’accent californien, je n’avais pas compris le nom du chanteur ! Comme test on me demande de dessiner le visage du chanteur sur de la pellicule, c’est lorsque l’on me donne le portrait à copier, que je réalise enfin ! David Bowie était passionné par l’expressionnisme allemand, notamment Emil Nolde. J’ai été très libre pour réaliser le story-board, j’avais l’image de début (le visage de David Bowie) et l’image de la fin (la boule de cristal) avec quelques indications sur les personnages qui devaient apparaître.

storyboard du clip              " Underground " Solweig von Kleist

storyboard du clip « Underground » Solweig von Kleist

« Underground » est la chanson titre du film « Labyrinthe » de 1986.

Y a-t-il pour toi des différences entre les travaux de commande et tes travaux personnels ?

Je souffre beaucoup lorsque je réalise un travail de commande, je suis angoissée ! Il y a un véritable conflit entre ce que je pense qu’on attend de moi et ce que je veux naturellement faire. Il y a eu tout de même des collaborations heureuses, je pense notamment à mes illustrations pour un magazine économique ou aux couvertures de livres policiers allemands.

illustrations pour le magazine " science & vie économie" N°54 octobre 1989

illustrations pour le magazine  » science & vie économie » N°54 octobre 1989

Tu as participé à deux résidences d’artiste, Folimage en 1997 et à l’abbaye de Fontevraud en 2008/2009.                                                                                              Que t’ont apportée ces dispositifs ?

J’aime beaucoup me déplacer, découvrir des lieux et rencontrer des gens. A Fontevraud, c’était extraordinaire, au mois d’août j’étais seule dans mon atelier mais dès que je regardais par la fenêtre je voyais un flot de touristes. C’était un état de travail très apaisant, être à la fois en retrait et entouré… Et puis, tu rentres aussi en un autre état par l’atmosphère du lieu, par la mémoire des murs…

J’aimerais aussi que tu me parles d’une oeuvre qui est pour moi énigmatique avec son titre à la Magritte,  « Ceci est un film ».

"Ceci est un film", Solweig von Kleist,

« Ceci est un film », Solweig von Kleist, 2008

C’est un projet que j’ai fait pour une exposition en hommage à Emile Cohl au musée d’Annecy en 2008. J’ai coulé dans un moule environ cinquante couches successives de ciment et sur chaque couche j’ai gravé une image de la séquence animée. Avant chaque nouvelle coulure de ciment j’ai pris une photo, ce qui a donné un petit film de 2 secondes, en boucle. On y voit un homme qui sort d’une spirale et plonge, puis il réapparaît et s’envole grâce à la spirale. L’oeuvre est donc composée d’un cube de ciment où les images du film ont été ensevelies : les dessins, les éléments concrets ont disparus, mais ils continuent d’exister sous forme virtuelle, comme film qui est projeté à côté du cube en béton… ( cube_10 ) C’est une commande de Maurice Corbet, conservateur au musée-château d’Annecy qui a écrit un beau texte sur mon travail.

Une calligraphie du mouvement 

Depuis quelques années tu réalises des performances que tu appelles « live animations ». Peux-tu nous en définir le principe et nous dire l’importance du regard du public dans le processus même de ton travail.

J’aime beaucoup les films d’animation, j’ai eu très envie de transmettre cette magie à faire bouger des images. Montrer un film terminé, c’est bien mais le spectateur n’est souvent qu’un consommateur. Inviter les gens à assister au processus même de la réalisation d’une séquence animé, cela peut provoquer de l’émerveillement de voir des dessins qui commencent à bouger… Au début, je réalisais un évènement-spectacle, c’était très stressant car on travaille sans filet, dans un laps de temps déterminé. En plus, on est à la merci de problèmes techniques divers, la caméra qui n’a pas bien enregistré, des changements de lumière… Maintenant je préfère faire mes interventions dans un lieu ouvert au public qui peut venir pour regarder puis partir à sa guise tout en suivant l’évolution du dessin. En 2010, j’étais jury au festival du film d’animation de Poznan (Pologne). Pendant deux heures par jour, j’investissais un bureau du musée d’art dans lequel travaillaient les organisateurs du festival. J’ai recouvert tous les vitrages peu à peu en dessinant avec du blanc de Meudon les éléments de mon film « Chaos ». Personne ne comprenait vraiment ce que j’étais en train de faire, les gens n’avaient pas le code d’accès.  A la fin, lorsque j’ai photographié chaque dessin dans le « bon » ordre et projeté l’animation, ce fut la révélation : les spectateurs ont découvert soudainement qu’un film était caché dans ces dessins éparpillés et chaotiques…

Tes projets actuels…

Trop de projets en même temps, et pas le temps pour les faire ! Depuis un certain temps, je n’ai plus fait de la peinture dont les sujets étaient plutôt psychologiques. Je m’intéresse énormément à la politique et j’ai envie de me confronter à la réalité du monde, mais avec un point de vue décalé d’artiste.

Depuis quelques années je suis en train de dessiner une mappemonde de grand format qui tente de visualiser des questions liées à la mondialisation capitaliste ultralibérale. Entreprise démesurée, la mappemonde est en perpétuelle évolution mais j’espère la finir pour cet été ! C’est aussi la base pour un scénario de film sur la même thématique, dont j’ai fini une première mouture bien trop longue ! Je vais essayer de trouver le temps pour  raccourcir ce scénario, ou le transformer en roman graphique…

Solweig travaille sur son projet de mappemonde.

Solweig travaille sur son projet de mappemonde.

Je m’intéresse aussi à l’apparition des traînées persistantes des avions qui blanchissent le ciel, un phénomène inquiétant pourtant très visuel, mais inaperçu par la plupart des gens ! Ils ont trop vissé leur regard sur leurs beaux écrans bleus… J’ai déjà réalisé plusieurs installations avec des films sur ce sujet, et au printemps je vais refaire un film animé en time lapse (en accéléré) sur ce sujet.

Je suis aussi passionnée par le dessin d’anamorphose et j’ai réalisé pendant les journées du patrimoine 2012 une première intervention de « 3D street art »  sous les arcades du RER à Issy-les-Moulineaux. Avec l’aide d’une jeune diplômée de l’ENSAD, Da-Hee Jeong, j’ai dessiné pendant deux jours un dessin anamorphique représentant les carrières d’extraction du blanc de Meudon (le thème de la manifestation étant « le patrimoine caché »). Lorsque le dessin a été terminé, le public était invité à chercher le point de vue qui rend compte de l’illusion optique. C’était très joyeux, les gens étaient très actifs en jouant avec le dessin et en prenant de nombreuses photographies. C’est un projet que j’ai envie de renouveler…

Solweig sur son dessin anamorphique, 2012

Solweig sur son dessin anamorphique, 2012