Américano

© Bac Films

Quitte à être « fils de… », autant l’assumer pleinement. C’est ce que fait Mathieu Demy dans son premier long métrage  » Américano ». Il prolonge en effet l’histoire de Martin, enfant qu’il interprétait dans le film Documenteur tourné par sa mère à Los Angeles, il y a une trentaine d’années. Des extraits du film de Varda ponctuent le film de son fils, étonnant de retrouver sur l’enfant et l’adulte le même air boudeur ! Hommage aussi à son père par la troublante Lola, Anouk Aimé quittait Nantes pour Los Angeles, Salma Hayek quitte Los Angeles pour Tijuana. On est toujours à la recherche d’un ailleurs. Le film de Mathieu Demy nous invite donc à un voyage dans le temps mais aussi dans l’espace.

Le cinéma étant une grande famille, on pense aussi à Wim Wenders ; le voyage, la photographie comme support de l’errance.

Cependant, je suis restée au bord du chemin, je ne me suis pas attachée à Martin, pas envie de le suivre ! La séparation d’avec sa mère dans son enfance peut-elle expliquer le rejet qu’il fait subir à ses proches, le mal-être qu’il trimballe tout au long du film ? On a envie de lui dire avec Jean-Pierre Mocky « Arrête de faire l’enfant ! » et pas seulement pour prendre l’avion !

Mathieu Demy a été plus généreux avec ses autres interprètes, Mocky en deux scènes incarne un père bourru mais pleinement dans la vie, Chaplin en vieille amie envahissante est aussi très présente à l’écran. Pas forcément sympathiques mais vivants avec une réelle épaisseur, ces personnages existent en petites touches et sont le sel du film !

Des petits moments magiques aussi ! La reprise de la musique de Rio Bravo qui annonce l’issue violente de l’entrevue avec Luis  et bien sûr les scènes dans  la boîte  » Américano » qui sont saturées de couleurs chaudes jusqu’à l’embrasement.

Déception à la sortie, j’attendais trop de ce film ! Mais promis, j’irai voir son prochain, un essai à transformer !

Gisèle Freund

Les goudronneurs, Paris, 1931

Connue pour ses photographies d’écrivains, Gisèle Freund est avant tout une femme engagée. Etudiante en sociologie et militante socialiste, elle fuit l’Allemagne Nazie dès 1933. Ce sont ses premiers pas de photographe (1933-1940) qui nous sont présentés dans l’exposition qui lui est consacrée à la Fondation Pierre Bergé / Yves saint Laurent.

Ses photographies sociales, notamment celles issues d’une série réalisée en Angleterre en 1935, sont exposées dans la première salle. Elles révèlent son empathie profonde avec des anonymes souffrant de la précarité, elles me touchent bien plus que son panthéon de célébrités. Je suis restée sur ma faim, j’aurais souhaité en voir plus !

Regardons maintenant les portraits d’écrivains qui ont fait sa célébrité. Cadre serré, en noir et blanc puis en couleurs, Gisèle Freund offre, aux écrivains qu’elle admirait, une image de leur personnalité .

Femme d’images mais aussi de mots, l’analyse de son propre travail est passionnant :         Très vite, je m’étais aperçue que pour faire un portrait naturel il fallait tout faire pour que la personne photographiée ne se rende pas compte de mon petit appareil. C’était un Leica, qui m’a accompagnée durant toute ma vie, un cadeau de mon père quand j’ai eu mon bachot. L’homme, et surtout l’écrivain, s’intéresse avant tout à son oeuvre. J’avais lu les ouvrages des personnes que j’ai photographiées et je pouvais donc commencer un entretien au sujet de leurs écrits. Très vite, ils oubliaient mon appareil et, c’est grâce à cette astuce, que je suis arrivée à faire des photos non posées. Et puis l’écriture me passionnait.           Préface du livre « Portrait d’écrivains et d’artistes »

Parmi ces visages sombres, sévères, majoritairement masculins, celui de Virginia Wolf se singularise. Gisèle Freund a capté la dualité de l’écrivaine : mélancolie mais aussi assurance, volonté, détermination.

Virginia Woolf 1939

Virginia Woolf 1939

Ecoutons encore Gisèle Freund parler de son travail :                                                            Le visage humain, les gestes familiers de chacun m’ont toujours fascinée. Le bon portrait est celui où l’on retrouve la personnalité du sujet et non celle du photographe. Ce qui compte à mon sens, c’est qu’on dise, devant une photographie:  » C’est André Malraux ou Virginia Woolf » et non  » C’est une photo de Gisèle Freund ».    « Mémoire de l’oeil »

En sortant de l’exposition, j’entre dans une librairie, mes yeux sont attirés par une couverture, c’est un roman graphique qui raconte la vie de Virginia Woolf. Le dessin de couverture semble faire la synthèse des photographies que je viens de voir. Les premières pages, aquarelles muettes, sont attirantes. La suite tient ses promesses !

Virginia Woolf de Michèle Gazier et Bernard Ciccolini

L’envie est là, des photographies aux livres, des livres aux photographies…

Gisèle Freund a légué plus de 200 photos à l’état français, elles ont intégré la collection en ligne du Centre Pompidou, une belle occasion de compléter la découverte de cette oeuvre singulière.

Le Tableau Jean-François Laguionie

Le « Laguionie nouveau » est sorti aujourd’hui ! Nouvelle pépite du cinéma d’animation français.

Le film nous conte l’histoire extraordinaire des Toupins, des Pafinis et des Reufs. Tous ces personnages sont issus d’un tableau inachevé. Issus de la même main, ils sont toutefois à des stades de finition différents. L’absence du peintre qui semble avoir oublié son oeuvre va précipiter le tableau dans une organisation sociale hiérarchisée où les Toupins prennent le pouvoir au détriment des deux autres groupes. Les trois héros principaux, Ramo, Lola et Plume sont issus des trois groupes qui composent cette étrange société.    Ils vont nous entraîner dans une aventure où les individus luttent pour être maître de leur vie.

Le numérique a remplacé les techniques plus traditionnelles utilisées dans les précédents films de Laguionie. Ce choix technique n’affecte pas la qualité graphique qui est une marque de fabrique de ce réalisateur. L’animation est toujours remarquable par sa fluidité et le monde fantastique prend forme nos yeux éblouis par un jeu subtile de couleurs, de formes, de textures, de lumière et d’ombre.

Les références au monde de la peinture sont nombreuses ; Derain, Matisse, Picasso, Bonnard…                                                                                                                             « Le fifre » de Manet a t-il inspiré Magenta, le quatrième héros de ce voyage dans l’espace pictural ?

"Le fifre" Manet Musée d'Orsay

Mais c’est l’oeuvre d’un grand maître de l’animation française qui se superpose au Tableau dans notre mémoire visuelle. Les personnages du « Roi et l’oiseau » de Paul Grimault s’échappent eux aussi de leurs tableaux et le Grand Chandelier partage avec  le monarque du royaume de Takicardie les mêmes ambitions despotiques.

Le roi et l'oiseau

Coup de coeur pour une très jolie séance onirique. Claire,  endormie dans la forêt luxuriante rêve d’étreintes avec Ramo. Cette séance est une pure merveille graphique,   les lignes s’entremêlent, formant et déformant à l’infini les deux corps enlacés. Clin d’oeil au premier long métrage de Laguionie où son héroïne, Gwen, rêve elle aussi d’enlacements avec Nok Moon, son compagnon étrange.

Gwen

Le Tableau, un beau récit fantastique qui s’adresse à nos sens tout comme à notre intelligence !

 

Agnès Varda, une grande dame !

 

photoJ’aime l’artiste, j’aime la femme ! N’attendez donc pas un article objectif sur la grande dame du cinéma français !

Agnès Varda était présente le week-end dernier au Capitole de Suresnes. Revoir sur grand écran «Les plages d’Agnès», écouter Agnès Varda, un plaisir qui ne se refuse pas !

J’aime la femme ouverte sur le monde, curieuse des autres, qu’ils soient mendiants ou fils de roi. J’aime la féministe, ce combat est toujours le sien. J’aime le couple de cinéastes qu’elle a formé avec Jacques Demy, on peut aimer un homme, fonder une famille sans renoncer à sa personnalité, à son travail. J’aime sa voix qui ponctue tant de ses films. J’aime sa passion des images qu’elles soient fixes ou animées. J’aime sa vie d’artiste, photographe, cinéaste, plasticienne…

La façade du collège Henri Sellier ( Suresnes) accueille jusqu’au 30 octobre des portraits qu’ Agnès Varda  a réalisés dans les années 50 lorsqu’elle était la photographe du TNP.

Qu’on ne se méprenne pas, Agnès Varda est riche de son passé mais son regard est tourné vers l’avenir, une exposition au musée Paul Valéry de Sète et une série télévisée sur les artistes contemporains sont attendues avant la fin de l’année.

Lewis Hine

 

photoJ’aime que les images résonnent entre elles, qu’un dialogue se crée par mon regard. Les burlesques américains m’ont accompagnée tout au long de la visite de la très belle exposition sur Lewis Hine organisée par la fondation Henri Cartier Bresson.

Ses photographies sur le travail des enfants, ses reportages dans les usines s’animent de nos souvenirs du «Kid» et «Des temps modernes».

Charlie Chaplin aurait-il vu cette femme slovaque photographiée par Lewis Hine avant de réaliser son court métrage « Charlot émigrant »?

photo

Slovak woman, Ellis Island, 1905

A l’inverse, Lewis Hine aurait-il vu l’un des derniers chefs d’oeuvre  d’ Harold Lloyd «Voyage au paradis» avant de réaliser ses photographies vertigineuses de l’ Empire State Building» ?

Voyage au paradis, Fred Newmayer, 1921

Peu importe que ces liens soient réels ou imaginaires, ils enrichissent mon musée personnel.

L’exposition dure jusqu’au 18 décembre et les deux courts métrages « Charlot émigrant » et « Voyage au paradis» peuvent être projetés dans la salle des collections du Forum des images.

Un succès « monstre »

 

photogramme

C’est ce que l’on souhaite au nouveau programme de courts métrages distribué par    « Les films du préau». Programme dont les vedettes sont une petite souris et un Gruffalo impressionnant. Une souris tout le monde connaît mais un Gruffalo, c’est quoi me direz-vous?

Petit voyage en Angleterre sur les lieux de naissance de ce personnage mystérieux. Le 27 juillet 1999 est porté sur les fonds éditoriaux l’album «The Gruffalo» par Julia Donaldson et Axel Scheffer.

Le Gruffalo est le fruit de l’imagination de la petite souris qui le crée sous nos yeux au fil des pages pour se sauver des griffes de ses prédateurs. Qu’adviendra-t-il lorsque la petite souris croisera sa propre créature? Est-il plus simple de lutter contre un danger réel ou ses peurs imaginaires?

Enorme succès auprès des enfants, l’album «The Gruffalo» est un phénomène éditorial en Angleterre. Gruffalo se décline en de multiples produits dérivés, un site lui est consacré.

En 2009, il est adapté en film d’animation pour la BBC. C’est cette adaptation que           « Les films du préau» nous propose dans leur programme «monstre». L’animation par ordinateur, utilisée par les réalisateurs est une belle réussite tant pour les paysages que les personnages. On a envie de se promener dans le champs de pissenlits et dans cette forêt lumineuse ! Les émotions ressenties par la petite souris sont palpables. C’est fou ce que l’on peut exprimer par le regard !

Les réalisateurs tout en  respectant la structure narrative de l’album ont inséré des épisodes de leur création s’intégrant parfaitement à l’histoire. Par exemple, la scène de la chute d’eau avec le hibou est remarquable dans sa construction, elle souligne avec brio l’ingéniosité de la petite souris. Belle adaptation laissant une large place à la création.

Le court métrage Gruffalo est précédé en avant programme par trois autres petits films d’animation. S’ils évoquent tous la peur, mention spéciale pour «Monstre et moi» de Claudia Röthlin dans la montée d’adrénaline. Comment ne pas être solidaire de cette petite fille seule face à ses peurs ? D’un monstre ou d’un chien d’où vient le danger? En trois minutes chrono on passe de la frayeur au soulagement.

Des extraits, un dossier presse, des photos sur le site des «films du préau» :   http://www.lesfilmsdupreau.com

Dans toutes les bonnes salles de cinéma à partir du 19 octobre !

Pour finir, clin d’oeil à un petit bijou de l’animation réalisé par Benjamin Renner  « La queue de la souris». Un petit air de famille !