« L’histoire de ce film est une pure fiction » . C’est par ces mots que se termine le générique de fin du nouveau film de Goro Miyazaki : « la colline aux coquelicots ».
L’histoire de Shun et Umi, deux jeunes lycéens du port de Yokohama est en effet adaptée d’un manga des années 80. Manga où l’amour est le thème principal. Une romance se développe entre les deux jeunes lycéens et leur relation va s’enrichir peu à peu de la lutte commune pour la préservation d’un vieux bâtiment qui accueille des ateliers animés par les élèves. Leur idylle sera menacée par une photographie semant le trouble sur leur origine.
Au delà de cette histoire attachante, le véritable héros est le lieu même de l’action, cette colline qui relie terre et mer dans le port de Yokohama. J’ai été fascinée par les dessins qui font revivre cette ville japonaise. Au delà de la fiction, c’est cette reconstitution qui m’a éblouie : le port, les magasins, l’animation des rues…Contrairement aux préceptes de son père, Hayao Miyazaki, Goro Miyazaki s’est inspiré de photographies réalisées par le photographe Motochika Hirose. La réalité est transcendée !
Motochika Hirose
Cette réalité s’inscrit aussi dans un temps précis ; les jeux olympiques d’été de 1964. Le Japon est à nouveau prospère mais la guerre de Corée est dans les mémoires et dans les coeurs.
L’attention aux gestes de la vie quotidienne est aussi remarquable, la préparation des repas dont Umi a la responsabilité rythme le récit tout comme la bande son qui occidentalise cette histoire qui nous est à la fois proche et lointaine.
Difficile de ne pas penser au père en regardant un film du fils ! Mais qu’apporte la comparaison voir la confrontation entre les deux réalisateurs ? Inquiète de plaquer mon regard européen sur une relation humaine et professionnelle dont les enjeux nous échappent, j’ai été très curieuse de découvrir le livre de Toshio Suzuki : »Dans le studio Ghibli- travailler en s’amusant ».
" Dans le studio Ghibli- travailler en s'amusant" Toshio Suzuki
Toshio Suzuki, producteur du Studio Ghibli, partage ses souvenirs sur son travail et sur ses relations avec les deux grands réalisateurs : Isa Takahata et Hayao Miyazaki . Univers singulier où se côtoient des artistes d’exception aux personnalités très fortes. Dans les toutes dernières pages du livre, il évoque les débuts de Gorô Miyazaki comme réalisateur du film « Les contes de Terremer », laissons lui la parole :
« Au début, il n’était pas prévu que ce soit lui le réalisateur, mais, peu à peu, je me suis dit que ce serait un choix judicieux. … Etre le fils de Hayao Miyazaki et réaliser, pour un premier film, l’oeuvre qui, de notoriété publique, a influencé le plus son père, c’était une pression terrible… Au début , Miya était fâché contre moi aussi. « Confier la réalisation à un type qui n’a pas la moindre expérience, ça ne va pas bien, Suzuki ? » me répétait-il. Mais, en mon for intérieur, je songeais à quelque chose : une réplique de Porco Rosso. Pour préparer l’avion du héros, Porco Rosso, apparaît Fio, une jeune ingénieure, et, quand Porco refuse son aide parce qu’il trouve qu’elle manque d’expérience, elle lui demande : » L’important, c’est l’expérience ou l’inspiration ? » Porco répond : « C’est l’inspiration », et il réalise son erreur. C’est ainsi qu’il accepte la jeune fille. Gorô se trouvait dans le même cas, me semblait-il. »
Porco Rosso d' Hayao Miyazaki 1992