« L’hiver dernier » de John Shank

 

Dès les premiers plans du film, je suis intriguée par cet homme qui marche dans la neige.  Il fait froid, il fait noir, il a du mal à avancer, il est seul. Une voix off couvre le  silence, cette voix parle d’attachement à la terre, de filiation. D’autres images se superposent. Je revois la marche du colporteur savoyard joué par Richard Berry dans le très beau film « La trace ».

"La trace" de Bernard Favre 1983

Vivre de la terre n’a jamais été facile mais au XXIème siècle, c’est le fil de la transmission entre les générations qui est cassé. Johann est seul, son père lui a laissé en héritage,    une terre, des bêtes et des valeurs qui n’ont plus cours. Les lois du marché s’imposent aux  petits paysans du nord de l’Aveyron. Johann refuse de vendre ses veaux aux Italiens, il refuse l’élevage en batterie. Mais il n’a plus les moyens de choisir son mode de travail, son compte en banque est vide. L’incendie de sa grange ne fera que précipiter une fin inéluctable, la saisie de ses bêtes et la fin de son exploitation. Vincent Rottiers incarne de façon magistrale ce paysan jusqu’au-boutiste. Le clair-obscur de l’image magnifie son visage et renforce sa solitude. Solitude encore plus perceptible par les paysages grandioses de l’Aubrac qui n’ont rien à envier à ceux de Monument Valley.                       Le film est ponctué de références au western et au mythe du cow-boy ; les chevauchés,    le bétail, le fusil et surtout les nuits à la belle étoile près du feu qui crépite.

Pourtant toutes les nuits de Johanne ne sont pas solitaires, la caméra filme avec beaucoup de pudeur sa relation avec sa voisine fauconnière. Il partage son lit mais pas ses soucis ! Lorsque Johann est à la ferme, un jeune garçon vient travailler à ses côtés. Nous saurons qu’il s’appelle Pierre, qu’il est le fils d’un voisin, lorsque Johann le présentera à sa soeur. Sa présence discrète, attentive, inébranlable en fait-elle l’héritier moral de Yohann ?

A la fin du film, une autre marche cinématographique s’impose à moi, celle de Mona, jouée par Sandrine Bonnaire dans « Sans toit, ni loi ». Comme elle, Johann paie le prix fort, l’hiver est dur ! Hiver dernier ou dernier Hiver ?

" Sans toit ni loi" d'Agnès Varda 1985

Malgré des critiques élogieuses ( pas toutes !), le film est distribué, 15 jours après sa sortie, dans seulement quatre petites salles à Paris. Précipitez-vous !