Le musée imaginaire d’Henri Langlois

IMG_2188Je vous invite à courir voir l’exposition consacrée à Henri Langlois. Pour le plaisir des yeux tout d’abord ! Le montage réalisé par Dominique Païni est un pur bonheur visuel. Un kaléidoscope d’oeuvres récentes côtoie les oeuvres aimées et défendues par Langlois. Une jolie manière de fêter ses 100 ans sans le plonger dans la naphtaline.

Donne-moi tes yeux © Henri  Foucault

Donne-moi tes yeux © Henri Foucault

Toutes les images passionnaient Langlois, les extraits de films partagent l’espace d’exposition avec les planches colorées de Matisse, les peintures de Gino Severini, les « rotoreliefs » de Marcel Duchamp, les dessins de Fischinger, les photographies de Germaine Krull… Langlois ne doutait pas que le cinéma est un art, si la salle de cinéma est son espace naturel, le musée est sa deuxième maison.

Victor Vasarely, essai de logo pour le musée du cinéma © ADAGP, Paris, 2014

Victor Vasarely, essai de logo pour le musée du cinéma © ADAGP, Paris, 2014

L’exposition permet aussi d’aller à l’essentiel. Au-delà des anecdotes, que retient-on de cet homme ? C’était un acharné, il s’est donné très jeune une mission, sauver les films de la destruction et de l’oubli. Pour cela il a consacré sa vie à collecter inlassablement les bobines des films pour pouvoir les montrer. Il n’était pas un archiviste mais un passeur. La mémoire des hommes est encore le lieu de stockage le plus sûr ! La vitrine consacrée aux listes des programmes cinéma conçus par Langlois est le coeur de l’exposition, j’ai été particulièrement touchée par la place qu’il accordait aux films d’animation… Grimault et Alexeieff sont programmés avec Renoir, Bunuel, Vigo …

Exposition du dessin animé1945-46 © ADAGP, Paris, 2014

Exposition du dessin animé 1945-46 © ADAGP, Paris, 2014

Une autre idée forte qu’il défendait concerne la naissance du cinéma. Si le 28 décembre 1895 est une date clef, elle n’est pas pour lui fondatrice. J’aime cette idée d’un cinéma latent à l’humanité, présent dès les premières ombres vacillantes… Il collectait  les lanternes magiques et les jouets optiques avec frénésie. On peut admirer nombre de ces objets dans l’exposition permanente de la cinémathèque… Il a exposé et défendu les oeuvres des pionniers de l’art animé, Emile Reynaud, Etienne-Jules Marey, Emile Cohl…

Dessin de Marc Chagall, 1955 © ADAGP, Paris 2014

Dessin de Marc Chagall, 1955 © ADAGP, Paris 2014

Le plaisir de l’exposition est prolongé par le catalogue qui l’accompagne. Aucune envie de résister à cette très belle couverture ! Il vous faudra quitter l’écran de votre ordinateur et vous déplacer dans une librairie pour sentir sous vos doigts le papier glacé de la photo s’opposant au contact duveteux du carton… Après avoir joué avec l’élastique vous découvrirez un ensemble de témoignages qui compose peu à peu le portrait passionnant d’un homme aux multiples facettes. Vive Langlois ! Vive la cinémathèque !

catalogue

Vive Langlois de Basile Pasch, 1968

Vive Langlois de Basile Pasch, 1968

« Dans les coulisses du film d’animation » au musée de la poste

l'entrée de l'exposition temporaire au musée de la poste

Le musée de la poste consacre trois espaces au film d’animation : exposition didactique et historique, elle privilégie la présentation et l’évolution des techniques liées à cet art.              Dans le premier espace, une petite salle est consacrée aux jouets optiques précurseurs : thaumatrope, phénakitiscope, zootrope, praxinoscope, folioscope et … mutoscope n’auront plus de secret pour vous !

le mutoscope site Tim Hunkin

Le reste de l’espace retrace l’histoire du film d’animation, de Fantasmagorie d’ Emile Cohl à Toy Story de John Lasseter. Entreprise démesurée, la présentation est très inégale en fonction des thèmes évoqués. Deux petites merveilles ont retenu toutefois mon attention.

Tout d’abord la projection de « Félix saves the day » de Patt Sullivan. Court métrage muet réalisé en 1922, ce petit film est une vraie découverte pour moi. L’introduction des personnages dessinés dans des prises de vue réelle est réalisée avec brio, la course poursuite à flanc de building, le policier volant, l’appel du taxi sont autant de scènes mémorables.

"Félix saves the day" Pat Sullivan 1922

Le dessin de l’arrivée des rames bondées au Yankee Stadium qui se métamorphosent au fur et à mesure que la foule se disperse associé aux plans réels des spectateurs est une très belle réussite. L’utilisation des signes graphiques est aussi très originale et renforce le dynamisme du film.

La vitrine consacrée à la Table tournante de Paul Grimault est mon deuxième coup de coeur. Les dessins crayonnés du court métrage l’Epouvantail sont magnifiques, le mouvement à venir y est déjà perceptible.

Les deux autres espaces sont dédiés chacun à un film d’animation, « Oggy et les cafards » explique la réalisation d’un dessin animé contemporain en 2D tandis que la réalisation d’un film d’animation en images de synthèse 3D est illustrée par le court métrage « Nicolas & Guillemette ». Cette deuxième partie est plus convaincante.

Virginie Taravel et ses personnages Blog du Musée de la poste

L’histoire de Virginie Taravel est une métaphore du travail de création. Elle fabrique des Pinocchios dont la vie tient à un fil … de scoubidou. Le vieil inventeur, Nicolas et l’enfant de fer partagent avec la réalisatrice ce pouvoir de donner la vie aux objets inanimés. La poésie de l’histoire s’accorde avec la matérialité des images réalisées en animation numérique, une très belle réussite.

Le Tableau Jean-François Laguionie

Le « Laguionie nouveau » est sorti aujourd’hui ! Nouvelle pépite du cinéma d’animation français.

Le film nous conte l’histoire extraordinaire des Toupins, des Pafinis et des Reufs. Tous ces personnages sont issus d’un tableau inachevé. Issus de la même main, ils sont toutefois à des stades de finition différents. L’absence du peintre qui semble avoir oublié son oeuvre va précipiter le tableau dans une organisation sociale hiérarchisée où les Toupins prennent le pouvoir au détriment des deux autres groupes. Les trois héros principaux, Ramo, Lola et Plume sont issus des trois groupes qui composent cette étrange société.    Ils vont nous entraîner dans une aventure où les individus luttent pour être maître de leur vie.

Le numérique a remplacé les techniques plus traditionnelles utilisées dans les précédents films de Laguionie. Ce choix technique n’affecte pas la qualité graphique qui est une marque de fabrique de ce réalisateur. L’animation est toujours remarquable par sa fluidité et le monde fantastique prend forme nos yeux éblouis par un jeu subtile de couleurs, de formes, de textures, de lumière et d’ombre.

Les références au monde de la peinture sont nombreuses ; Derain, Matisse, Picasso, Bonnard…                                                                                                                             « Le fifre » de Manet a t-il inspiré Magenta, le quatrième héros de ce voyage dans l’espace pictural ?

"Le fifre" Manet Musée d'Orsay

Mais c’est l’oeuvre d’un grand maître de l’animation française qui se superpose au Tableau dans notre mémoire visuelle. Les personnages du « Roi et l’oiseau » de Paul Grimault s’échappent eux aussi de leurs tableaux et le Grand Chandelier partage avec  le monarque du royaume de Takicardie les mêmes ambitions despotiques.

Le roi et l'oiseau

Coup de coeur pour une très jolie séance onirique. Claire,  endormie dans la forêt luxuriante rêve d’étreintes avec Ramo. Cette séance est une pure merveille graphique,   les lignes s’entremêlent, formant et déformant à l’infini les deux corps enlacés. Clin d’oeil au premier long métrage de Laguionie où son héroïne, Gwen, rêve elle aussi d’enlacements avec Nok Moon, son compagnon étrange.

Gwen

Le Tableau, un beau récit fantastique qui s’adresse à nos sens tout comme à notre intelligence !