Connue pour ses photographies d’écrivains, Gisèle Freund est avant tout une femme engagée. Etudiante en sociologie et militante socialiste, elle fuit l’Allemagne Nazie dès 1933. Ce sont ses premiers pas de photographe (1933-1940) qui nous sont présentés dans l’exposition qui lui est consacrée à la Fondation Pierre Bergé / Yves saint Laurent.
Ses photographies sociales, notamment celles issues d’une série réalisée en Angleterre en 1935, sont exposées dans la première salle. Elles révèlent son empathie profonde avec des anonymes souffrant de la précarité, elles me touchent bien plus que son panthéon de célébrités. Je suis restée sur ma faim, j’aurais souhaité en voir plus !
Regardons maintenant les portraits d’écrivains qui ont fait sa célébrité. Cadre serré, en noir et blanc puis en couleurs, Gisèle Freund offre, aux écrivains qu’elle admirait, une image de leur personnalité .
Femme d’images mais aussi de mots, l’analyse de son propre travail est passionnant : Très vite, je m’étais aperçue que pour faire un portrait naturel il fallait tout faire pour que la personne photographiée ne se rende pas compte de mon petit appareil. C’était un Leica, qui m’a accompagnée durant toute ma vie, un cadeau de mon père quand j’ai eu mon bachot. L’homme, et surtout l’écrivain, s’intéresse avant tout à son oeuvre. J’avais lu les ouvrages des personnes que j’ai photographiées et je pouvais donc commencer un entretien au sujet de leurs écrits. Très vite, ils oubliaient mon appareil et, c’est grâce à cette astuce, que je suis arrivée à faire des photos non posées. Et puis l’écriture me passionnait. Préface du livre « Portrait d’écrivains et d’artistes »
Parmi ces visages sombres, sévères, majoritairement masculins, celui de Virginia Wolf se singularise. Gisèle Freund a capté la dualité de l’écrivaine : mélancolie mais aussi assurance, volonté, détermination.
Ecoutons encore Gisèle Freund parler de son travail : Le visage humain, les gestes familiers de chacun m’ont toujours fascinée. Le bon portrait est celui où l’on retrouve la personnalité du sujet et non celle du photographe. Ce qui compte à mon sens, c’est qu’on dise, devant une photographie: » C’est André Malraux ou Virginia Woolf » et non » C’est une photo de Gisèle Freund ». « Mémoire de l’oeil »
En sortant de l’exposition, j’entre dans une librairie, mes yeux sont attirés par une couverture, c’est un roman graphique qui raconte la vie de Virginia Woolf. Le dessin de couverture semble faire la synthèse des photographies que je viens de voir. Les premières pages, aquarelles muettes, sont attirantes. La suite tient ses promesses !
L’envie est là, des photographies aux livres, des livres aux photographies…
Gisèle Freund a légué plus de 200 photos à l’état français, elles ont intégré la collection en ligne du Centre Pompidou, une belle occasion de compléter la découverte de cette oeuvre singulière.