Wright Morris à la Fondation Henri Cartier-Bresson

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Vide pour la plupart de toute présence humaine, les photographies de Wrigt Morris sont étrangement très habitées. Il pose son regard sur de simples constructions en bois et donne une présence forte aux objets domestiques. L’exposition que lui consacre la fondation Henri Cartier-Bresson révèle trois romans de ce « photographe-écrivain » : The Inhabitants, The Home Place et God’s Country and My People.

The Inhabitants

The Inhabitants, 1946

The Home place

The Home Place, 1946

« Ici on s’use, les hommes et les femmes s’usent, les maisons et les hangars, les machines s’usent, et tous les dix ans, on remplace l’assise du fauteuil canné. »

God

God’s Country and My People, 1968

« La dernière fois que j’ai vu Oncle Dwight, je l’ai questionné sur ma mère. Je savais que j’avais ses yeux et sa volonté obstinée. Si elle avait vécu, ma vie aurait été différente, aucun doute là-dessus. C’était une pionnière, la première de sa tribu à tenter de décrocher la lune. »

Réalité et fiction raisonnent au-delà des associations créées par Wright Morris.                    Ses photographies m’invitent dans les coulisses de films mythiques telles des photos de décors ou d’accessoires abandonnés.

ferme en hiver

Une ferme en Hiver, Nebraska, 1941

la ruée...

La ruée vers l’or, Chaplin, 1925-1941

Model T, Chez l'oncle Ed, Nebraska, 1947

Model T, Chez l’oncle Ed, Nebraska, 1947

CBowers

Pour épater les poules, Charley Bowers, 1925

barbier

Chez le barbier Eddie Cahow, Nebrasca, 1947

my darling Clementine

La poursuite infernale (My Darling Clementine), John Ford, 1946

« Collection Howard Greenberg » à la Fondation H.C.B

HCBJ’aime être seule lorsque je visite une exposition : choisir mon rythme d’exploration, revenir sur mes pas, m’arrêter longuement face à une oeuvre, en survoler une autre… J’aime aussi être accompagnée lorsque je visite une exposition : plaisir du regard partagé, de l’échange de sensations, de sentiments, de reflexions …

La très belle exposition consacrée à la collection Howard Greenberg m’a permis de réconcilier ces deux mouvements apparemment contradictoires, alterner la découverte intime et silencieuse au dialogue sur certaines photographies choisies.

Le choix de Dominique, ma soeur, se porte sur deux photographies qui éveillent une forte empathie avec les personnes photographiées. La première représente deux vieilles femmes assises devant une maison en bois.

Lansdale, Arkansas, Margaret Bourke-White, 1936, © 2013 Estate of Margaret Bourke-White/Licensed by VAGA, New York, NY

Lansdale, Arkansas, Margaret Bourke-White, 1936, © 2013 Estate of Margaret Bourke-White/Licensed by VAGA, New York, NY

Que regardent-elles ? Un évènement quotidien ou singulier survenu devant leur maison ? Sont-elles plongées dans leurs souvenirs ? Le hors-cadre spatial et temporel nous est inaccessible mais il provoque notre imagination. Leur ressemblance est moins troublante que celle des jumelles de Diane Arbus exposées un peu plus loin, toutefois on les devine soeur. Ressemblance et singularité se mêlent. La femme au premier plan semble plus rude, elle se tient bien droite sur sa chaise, sa bouche est amère. Sa compagne paraît plus douce, un léger sourire se dessine sur ses lèvres, elle se balance sur sa chaise et son corps est en torsion. Elle a retiré son tablier de travail…

Ruth Orkin, American Girl in Italy, 1951 © Ruth Orkin. Courtesy of Howard Greenberg Collection

Ruth Orkin, American Girl in Italy, 1951 © Ruth Orkin. Courtesy of Howard Greenberg Collection

La deuxième photographie nous donne l’impression d’être face à un photogramme d’un film. La situation représentée donne à Dominique l’envie d’intervenir, de rompre la solitude de cette femme en demandant aux hommes qui l’entourent de la laisser tranquille. Cette image est devenue au fil du temps une icône du sexisme. La lecture du site de la photographe, Ruth Orkin nous renseigne sur le contexte de  réalisation de l’oeuvre et nous en donne une toute autre interprétation. Au début des années 50, Ruth Orkin voyage seule en Italie, elle rencontre à Florence une jeune peintre américaine Jinx Alley (Ninalee Graig), elles réalisent ensemble une série de photos témoignant plus de l’autonomie de la jeune femme que de son asservissement. Passionnant de voir comment une oeuvre échappe à son auteur…

Laura, 12 ans, choisit quant à elle, deux photographies représentant deux jeunes garçons dans la rue. La première est réalisée en 1933, en Espagne,  par le maître des lieux, Henri Cartier-Bresson. Un enfant vêtu de blanc se tient devant un mur noir, la lumière accentue ce contraste. Il joue les deux bras écartés, la tête jetée en arrière, il est dans son monde, magnifique représentation du pouvoir de l’imagination ! Une forme énigmatique est située à l’extrémité gauche du sol, que représente-t-elle ?

Valence, Espagne, Henri Cartier-Bresson, 1933

Valence, Espagne, Henri Cartier-Bresson, 1933

La deuxième a été réalisée 20 ans plus tard à New-York par Robert Frank, « Pablo à Times Square ».  L’opposition entre l’enfant seul au premier plan et  la foule à l’arrière plan est renforcée par le contraste formel entre le net et le flou.

LauraQuant à moi, je m’arrête devant la photographie d’Arthur Rothstein représentant un fermier d’Oklahoma bravant une tempête de sable en compagnie de ses deux fils.

Tempête de sable, conté de Cimarron, Arthur Rothstein, 1936

Tempête de sable, conté de Cimarron, Arthur Rothstein, 1936

Ce qui m’attire c’est l’importance du ciel et de la terre qui semblent ne faire plus qu’un. Cette masse grise vibrante qui estompe les détails met en valeur la cabane en bois qui malgré son dénouement est un refuge vers lequel le fernier et ses deux fils se dirigent d’un pas assuré.

"Mry's book", Robert Frank, 1949

« Mary’s book », Robert Frank, 1949

"Mary's book", Robert Frank, 1949

« Mary’s book », Robert Frank, 1949

La maquette originale de « Mary’s book » de Robert Frank clôt notre échange familial. Alternance de photographies et de textes manuscrits célébrant un Paris des années 50 qui semble endormi. Le regard subjectif du photographe vient à notre rencontre. Son expérience intime de certains lieux parisiens résonne avec notre récente déambulation dans la capitale …