Promesse tenue ! Le Forum des images annonçait une rencontre exceptionnelle avec Kôji Yamamura, elle le fut au delà de mes espérances. Celui-ci a présenté, avec beaucoup de générosité les oeuvres qui ont composé sa dernière décennie de travail. Du Mont Chef aux Cordes de Muybridge, il nous a révélé la logique propre à chacun de ses courts métrages ainsi que les liens qui les unissent. Sa parole relayée avec beaucoup de talent par Ilan Nguyên était accompagnée par la projection de très nombreux croquis de recherche. Je n’ai nullement l’intention ici de faire le compte rendu exhaustif de cette rencontre de plus de trois heures. J’espère qu’elle sera accessible très prochainement sur le webTV du Forum des images. Si dans la structure même de la présentation, l’image et le son ont été pris en compte, c’est l’homme d’images qui m’intéresse avant tout et particulièrement l’enjeu de l’illustration dans sa pratique.
Parmi ses multiples sources d’inspiration Kôji Yamamura a rendu hommage à deux illustrateurs. Le premier est l’illustrateur néerlandais, Maurits Cornelis Escher (1898-1972). Une filiation étroite existe entre les deux artistes ; le motif récurent de la métamorphose, les recherches sur la notion d’infini, le désir de donner forme à un espace et à un temps personnels, le jeu sur les réflexions… A l’issue de la projection de son court métrage de fin d’études, Kôji Yamamura présente la lithographie d’Escher qui a nourri sa recherche, Three World. Kôji Yamamura nous explique qu’entre le monde aérien et le monde aquatique existe une membrane très fine à la surface de l’eau qui permet, par le reflet notamment, de jouer sur les interactions entre ces deux mondes. Un des plaisirs de sa pratique du cinéma d’animation est de pouvoir jouer sur les éléments indéfinissables qui surgissent entre deux images…
L’hommage suivant est consacré à l’auteur français, Léopold Chauveau (1870-1940). Kôji Yamamura adapte en effet en 2005, un livre illustré de ce dernier, Le vieux crocodile (1923). Il oublie son style personnel pour être le plus fidèle possible aux illustrations d’origine. En parallèle à ses recherches graphiques, Kôji Yamamura réalise des personnages en pâte à modeler afin de mieux appréhender leur physionomie sous différents angles. Il découvre alors que Léopold Chauveau, ancien chirurgien, a créé après la première guerre mondiale des monstres en bronze. Cette activité de sculpteur imprègne ses dessins, donne une épaisseur à son graphisme.
La mise en mouvement des deux personnages principaux, le vieux crocodile et la pieuvre, a passionné Kôji Yamamura. Comment rendre compte de l’apparence physique et de la psychologie propre à chacun des personnages par le contraste visuel de leur déplacement ? L’adaptation du Vieux crocodile est la première histoire d’amour à laquelle il s’est confronté. Histoire d’un amour passionnel si l’on en croit l’utilisation presque subliminale du rouge ! Un magnifique travail qui permet entre autre de découvrir un artiste injustement oublié.
En réponse à une question sur ses moyens de financement, Kôji Yamamura explique que la majorité de ses films sont autoproduits. Il mène en parallèle des travaux de commande et d’illustration qui lui permettent de gagner sa vie. Si nous pouvons avoir une petite idée de son travail d’illustrateur par le biais de son site, il est fort dommage qu’aucun de ses ouvrages ne soit disponible en France.
Son propre travail d’illustrateur peut être à l’origine d’une oeuvre animée. Invité d’honneur en 2006 du sixième festival de cinéma d’animation du Val d’Oise, il a créé l’affiche de l’évènement.
La mise en scène de ces enfants aux situations imaginaires lui donne envie de réaliser un film. Une possibilité d’aide de l’Agence Culturelle du Japon précipite les choses. Il a quelques jours pour déposer un dossier de subventions. Il n’a pas de base narrative ou de concept, seul un motif visuel avec lequel il a envie de s’amuser. Le choix du titre Une métaphysique de l’enfance donne de la cohérence à son projet. Son film se présente comme un enchaînement de vignettes indépendantes mettant en scène un enfant, seul protagoniste. Kôji Yamamura voit son court métrage comme un hommage à la rébellion enfantine.
A la fin de sa présentation Kôji Yamamura annonce qu’il travaille actuellement à l’adaptation d’illustrations qu’il a réalisées pour la couverture d’une revue littéraire japonaise, Bungakukaï. L’aventure ne fait que commencer !
Et pour finir, admirez le cadavre exquis réalisé par 70 étudiants en cinéma d’animation répartis en 17 équipes. Chaque équipe est partie de la même image de Kôji Yamamura qui ouvre et ferme chaque séquence de 10 secondes.