Dany a quitté la ville pour la campagne chilienne, il était chauffeur de taxi, il est maintenant ouvrier agricole. Ce changement de vie intervient lorsque sa compagne, Alejandra, doit faire face à une maladie grave. Le film fait un petit bout de chemin avec eux, il est construit sur une succession de tableaux. Chacun est annoncé par un écran noir où, une phrase du dialogue à venir, est mise en exergue, accompagnée d’un lieu, d’une date.
Le corps de Dany envahit l’écran, qu’il soit dans l’action ou l’attente, il est présent au monde. Sa vie tient par une succession de gestes ; gestes du travail, gestes du quotidien, gestes d’amour. Son apparence évolue tout au long du film ; cheveux longs, cheveux courts, barbu, glabre. Signes des changements intérieurs qu’il doit affronter et du temps qui passe inexorablement. La campagne chilienne se transforme aussi au fil des saisons, la lumière y est très présente, été comme hiver. Elle accueille, réchauffe les corps, mais face à sa permanence, rend notre statut de mortel encore plus vulnérable. Chaque tableau du film se termine par de magnifiques plans fixes, les personnages quittent peu à peu le cadre, seul le décor reste, immuable.
Les dialogues sont peu nombreux, l’un des plus marquants est celui qu’échangent Dany et Alejandra après avoir fait l’amour. Ils se racontent « leur première fois », Dany évoque son retour à la maison paternelle après sa première nuit à l’extérieur. Malgré sa fatigue, il va dans la cuisine, boit, allume la télé, discute avec son père. Il ne veut pas aller dormir car il ne veut pas que « ça » s’arrête. Le titre du film » Sentados frete al fuego » est extrait d’un poème chilien de Jorge Teillier. D’autres vers ( Le lac de Lamartine) entrent en résonance avec le film pour souligner notre fragilité commune.
« … Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : « Sois plus lente » ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.
« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »