[…] Personne n’aurait l’idée de mesurer l’importance d’une œuvre littéraire au nombre de ses pages, un tableau à son format. À côté du roman ou des œuvres les plus vastes, existent le poème, la nouvelle ou l’essai, qui jouent bien souvent le rôle de ferment, remplissent une fonction de renouvellement, apportent un sang nouveau.C’est le rôle que le court métrage n’a cessé de jouer. Sa mort serait finalement celle du cinéma, car un art qui ne bouge pas est un art qui meurt. […] Déclaration du groupe des Trente (extrait)
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Wright Morris à la Fondation Henri Cartier-Bresson
Vide pour la plupart de toute présence humaine, les photographies de Wrigt Morris sont étrangement très habitées. Il pose son regard sur de simples constructions en bois et donne une présence forte aux objets domestiques. L’exposition que lui consacre la fondation Henri Cartier-Bresson révèle trois romans de ce « photographe-écrivain » : The Inhabitants, The Home Place et God’s Country and My People.
« Ici on s’use, les hommes et les femmes s’usent, les maisons et les hangars, les machines s’usent, et tous les dix ans, on remplace l’assise du fauteuil canné. »
« La dernière fois que j’ai vu Oncle Dwight, je l’ai questionné sur ma mère. Je savais que j’avais ses yeux et sa volonté obstinée. Si elle avait vécu, ma vie aurait été différente, aucun doute là-dessus. C’était une pionnière, la première de sa tribu à tenter de décrocher la lune. »
Réalité et fiction raisonnent au-delà des associations créées par Wright Morris. Ses photographies m’invitent dans les coulisses de films mythiques telles des photos de décors ou d’accessoires abandonnés.
Rencontre avec François Schuiten et Benoît Peeters…
L’automne est flamboyant pour le duo des Cités obscures. Ils sont sous les feux de l’actualité avec la sortie du deuxième tome de Revoir Paris et une très belle exposition au Musée des arts et métiers, Machines à dessiner. A cette occasion, le centre Wallonie-Bruxelles organisait une rencontre avec les deux auteurs et Adrien Genoudet, coréalisateur d’un documentaire sur leur travail à quatre mains.
Il est commun de penser que le scénariste et le dessinateur interviennent successivement dans l’élaboration d’une bande dessinée. Schuiten et Peeters font exploser cette représentation, en effet ils réalisent ensemble la conception de l’histoire par un dialogue au long court. C’est une méthode « casse gueule », l’histoire peut leur échapper, toutefois ce risque est aussi le garant d’un plaisir renouvelé. Le film d’Adrien Genoudet et de Guillaume Diamant-Bergé, A quatre mains, donne à voir l’intimité de leur démarche artistique. Il a été tourné en un jour dans la maison de François Schuiten au mois de mars 2016. Les réalisateurs ont mis en place un procédé d’enregistrement simple pour se fondre dans le décor et se faire oublier. Ils ont pu ainsi capter les paroles, les gestes et les regards de Schuiten et de Peeters pendant l’élaboration des dernières planches de Revoir Paris, La nuit des constellations.
L’image est au coeur de leur démarche. Albert Robida, Winsor McCay hantent leur panthéon visuel. L’excellente vidéo réalisée pour l’exposition du Musée des arts et métiers, Naissance d’une affiche, dévoile les photographies documentaires qui côtoient les multiples crayons sur la table de dessin de François Schuiten.
La relation de Kârinh aux images est une métaphore de leur travail. Comme eux, l’héroïne de Revoir Paris se shoote aux images, elle rêve, elle voyage à travers elles…
Pour Peeters, la case de BD est une petite maison. On est invité à entrer dedans, à l’habiter, à l’explorer, à chercher des détails. Voir une image est une démarche active.
Enfin, Schuiten et Peeters ont un grand plaisir à concevoir des expositions, le travail de scénographe prolongeant leur travail d’auteur. Machines à dessiner montre la fabrique de leur travail, dévoile le lien entre réel et imaginaire qui les anime et donne envie à tout un chacun de s’emparer d’un crayon.
Vous avez jusqu’au 26 février pour découvrir Machines à dessiner
« Près du feu » d’ Alejandro Fernandez Almendras
Dany a quitté la ville pour la campagne chilienne, il était chauffeur de taxi, il est maintenant ouvrier agricole. Ce changement de vie intervient lorsque sa compagne, Alejandra, doit faire face à une maladie grave. Le film fait un petit bout de chemin avec eux, il est construit sur une succession de tableaux. Chacun est annoncé par un écran noir où, une phrase du dialogue à venir, est mise en exergue, accompagnée d’un lieu, d’une date.
Le corps de Dany envahit l’écran, qu’il soit dans l’action ou l’attente, il est présent au monde. Sa vie tient par une succession de gestes ; gestes du travail, gestes du quotidien, gestes d’amour. Son apparence évolue tout au long du film ; cheveux longs, cheveux courts, barbu, glabre. Signes des changements intérieurs qu’il doit affronter et du temps qui passe inexorablement. La campagne chilienne se transforme aussi au fil des saisons, la lumière y est très présente, été comme hiver. Elle accueille, réchauffe les corps, mais face à sa permanence, rend notre statut de mortel encore plus vulnérable. Chaque tableau du film se termine par de magnifiques plans fixes, les personnages quittent peu à peu le cadre, seul le décor reste, immuable.
Les dialogues sont peu nombreux, l’un des plus marquants est celui qu’échangent Dany et Alejandra après avoir fait l’amour. Ils se racontent « leur première fois », Dany évoque son retour à la maison paternelle après sa première nuit à l’extérieur. Malgré sa fatigue, il va dans la cuisine, boit, allume la télé, discute avec son père. Il ne veut pas aller dormir car il ne veut pas que « ça » s’arrête. Le titre du film » Sentados frete al fuego » est extrait d’un poème chilien de Jorge Teillier. D’autres vers ( Le lac de Lamartine) entrent en résonance avec le film pour souligner notre fragilité commune.
« … Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m’échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : « Sois plus lente » ; et l’aurore
Va dissiper la nuit.
« Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »
The photographers’ gallery à Londres
Ce lieu superbe dédié à la photographie vient de réouvrir ses portes. Si vous avez la chance de flâner dans les rues de Londres, n’hésitez pas, c’est à quelques minutes d’Oxford Circus, dans une petite rue sombre, Ramillies Street. C’est ouvert 7 jours sur 7, c’est gratuit et c’est passionnant. Vous commencez par monter jusqu’au cinquième étage de cet immeuble tout en hauteur, trois niveaux sont réservés aux salles d’exposition.
Jusqu’au premier juillet, vous pourrez découvrir le travail de l’artiste canadien, Edward Burtynsky. Un diptyque en couleur happe notre regard, des centaines de pompes à pétrole envahissent, saturent l’espace. C’est beau et angoissant en même temps ! Cette contradiction ne nous quittera pas de toute l’exposition, Burtynsky documente l’impact de l’activité pétrolière sur la nature, de son extraction aux cimetières à pétroliers du Bangladesh, par des photos esthéthiquement irréprochables.
Le dernier étage d’exposition montre deux oeuvres d’un collectif indien, Raqs Média Collective. Une vidéo en boucle de 3 min, réalisée à partir d’une photographie d’archive d’un bureau de géomètres à Calcutta, est fascinante ! Voyage poétique dans l’histoire du médium.
L’étage suivant est réservé aux activités éducatives, la caméra obscura n’est hélas pas accessible mais je me console par un dispositif participatif appelé Touchstone. Le principe est simple et efficace. Une seule photo est présentée, j’ai sous les yeux un caisson lumineux exposant The Giant de Jeff Wall.
Les visiteurs sont invités à prendre du temps pour regarder la photographie et pour écrire simplement ce qu’ils voient : what do you see ?
Une sélection des descriptions sera mise à disposition sur le site.
La présentation du lieu serait incomplète si je ne parlais pas du café, de la galerie de vente où j’ai pu admirer de belles photos d’Elliott Erwitt et de la boutique librairie qui offre une sélection originale d’appareils photos . J’ai craqué pour l’ancêtre de l’appareil photo, un sténopé à monter. J’en reparlerai !