L’exposition rétrospective de l’oeuvre d’Art Spiegelman, organisée à la BPI du centre Pompidou, révèle la variété du travail de cet artiste dont je n’avais lu que la BD emblématique Maus.
Travail alimentaire pour les chewing-gum Topps (les fameux crados !), histoires courtes publiées dans des comix américains, couvertures du New Yorker, éditeur avec son épouse Françoise Mouly du magazine Raw… son activité est protéiforme.
Je découvre au détour d’une vitrine et de quelques planches originales qu’il a aussi écrit et publié des livres pour les enfants. Sa version du conte hassidique, Prince Rooster, est une petite merveille et donne envie d’en connaître plus. Désir en partie assouvi grâce à l’espace lecture qui nous tend les bras à la sortie de l’exposition, vive les bibliothèques !
Je ne peux résister à un petit album cartonné dont le titre m’interpelle : » OUVRE… JE SUIS UN CHIEN ! »
Me voilà en train d’obéir à un livre, ou pire, à un chien ! Mais je ne le regretterai pas, quel plaisir d’être l’élu de cet étrange animal-objet que l’on peut lire, caresser et promener en laisse ! Plus fort que la pipe de Magritte qui ne peut être fumée, ce chien là est plus vrai que nature.
Le deuxième album que je parcours est un grand format à couverture dure » LITTLE LIT contes de fées, contes défaits. » Petit frère du magazine RAW, Art Spiegelman et Françoise Mouly ont invité « les plus grands créateurs d’images du monde » à composer des histoires courtes et des jeux pour les enfants. On assiste à un feu d’artifice visuel ! Lorenzo Mattotti, Joost Swarte, Charles Burns ont été rejoints dans le deuxième numéro, « Drôles d’histoires pour drôles d’enfants » par Jules Feiffer, Posy Simmons ou encore Lewis Trondheim… Très beau cadeau pour les petits et les grands, cette mini collection est aussi un bel hommage aux « Fairy tale Parade », les illustrés qui ont initié Art Spiegelman aux comics américains. Seuls les deux premiers numéros ont été traduits en français chez Seuil.
La dernière histoire que je découvre est celle de « JACK ET LA BOITE », album bilingue au format à l’italienne. Ce livre pour les très jeunes lecteurs fait partie d’une collection initiée par Françoise Mouly, les « Toon book« . Contrairement à la thèse développée dans les années 50 accusant les comics de favoriser l’analphabétisme et autres fléaux, la famille Spiegelman-Mouly est persuadée, ayant tous appris à lire avec des BD, que ces histoires alliant les images et les mots peuvent au contraire favoriser le désir de lecture. L’album écrit par Spiegelman joue sur l’ambivalence du plaisir que l’on peut éprouver à avoir peur, il offre une nouvelle version des jeux enfantins jouant sur la disparition/apparition. Il semblerait que l’histoire de Jack soit une fois de plus inspirée de la propre enfance de Spiegelman…
Même dans un album très simple Spiegelman ne renonce pas à mettre en scène la complexité de l’enfance. Je laisse le mot de la fin à Maurice Sendak. Cette planche est parue dans le supplément illustré du New Yorker du 27 septembre 1993, elle a été réalisée à quatre mains.