Cheval de guerre

J’ai eu beaucoup de plaisir à lire le livre de Michael Morpugo, plaisir que je n’ai pas retrouvé entièrement à la projection du film de Steven Spielberg. J’essaie de comprendre ma déception, l’histoire est sensiblement respectée, le film comme le livre nous raconte l’amitié entre un jeune fermier anglais et son cheval Joey sur fond de première guerre mondiale. Ce n’est donc pas l’histoire qui me gêne mais la manière de la raconter.               La grande force du livre est que toute l’histoire est relatée par la voix de Joey, le cheval. C’est son regard, ses sentiments qui guident le lecteur dans cette aventure incroyable.        Le roman s’ouvre sur ces mots :

«  Mes plus anciens souvenirs sont un mélange confus de champs accidentés, d’écuries sombres, humides, et de rats qui cavalcadent sur les poutres au dessus de ma tête. Mais je me rappelle assez bien le jour de la vente de chevaux : c’est une terreur qui m’a escorté toute ma vie. »

Les hommes parlent à l’oreille de Joey, ses propriétaires successifs qu’ils soient anglais, français ou allemands ont la même humanité. Raconter l’histoire du point de vue de Joey permet à Morpurgo de dépasser une vision nationaliste au profit d’un regard universel.  Respecter ce choix au cinéma est un véritable défi que Spielberg ne relève pas. Joey est le héros du film, soit, mais c’est un regard extérieur qui le met en scène et ça change tout.

Les images sont aussi trop belles, trop léchées. La photographie brille trop ! C’est moche la guerre !

Et puis, certains personnages du livre ont disparu dans le film. J’ai regretté ne pas retrouver le vieux soldat allemand, Friedrich-le-fou, j’ai une tendresse particulière pour lui.                  Il s’adresse à Joey et à Topthorn en ces mots :

Joey et Topthorn

– » Moi, je vous le dis, mes amis ; je vous dis que je suis le seul homme sain d’esprit de ce régiment. C’est les autres qui sont fous, mais ils ne le savent pas. Ils font la guerre et ils ne savent pas pourquoi. C’est pas de la folie, ça ? Comment un homme peut -il en tuer un autre sans vraiment savoir pour quelle raison, si ce n’est qu’il porte un uniforme d’une autre couleur et parle une langue différente? Et c’est moi qu’on trouve fou ! Vous deux, vous êtes les seules créatures raisonnables que j’aie rencontrées dans cette guerre absurde ; comme moi, c’est qu’on vous y a amenés. »

Quelques lignes plus loin, Friedrich évoque la désertion. Thème que Spielberg développe dans son film par deux autres personnages qui ne sont pas dans le livre, les deux jeunes frères allemands. Sont-ils plus photogéniques ?

Je découvre que Morpurgo a écrit un autre roman sur la première guerre mondiale           « Soldat Peaceful » qui relate l’histoire de deux jeunes frères anglais dont l’ainé sera fusillé pour lâcheté face à l’ennemi. Ce roman est-il à l’origine de l’épisode des deux jeunes allemands de Spielberg ? Quoi qu’il en soit, une envie très forte de lire ce livre !

Et si grâce à son film Spielberg donne envie de découvrir d’autres oeuvres de Morpurgo, merci à lui. Pourquoi ne pas commencer par le magnifique roman  » Le roi de la forêt des brumes » qui a été adapté en un très beau court-métrage d’animation par Catherine Taillefer. Bonne lecture !

Le roi de la forêt des Brumes, film réalisé par Jean-Jacques Prunès, produit par Les Films de l'Arlequin