Youri Norstein au Forum des Images

Jours d’Hiver © 2003 IMAGINA entertainment and Dentsu Tech

        Je suis allée samedi à la rencontre d’un grand monsieur, Youri Norstein.

Invité par le Forum des images pour un week-end célébrant son oeuvre et celle de son ami japonais Kawamoto Kihachirô, il s’est prêté à de multiples échanges avec le public.           Avoir l’occasion de voir ses films sur grand écran est déjà un cadeau magnifique. Le « hérisson dans le brouillard « , « le héron et la cigogne » et « le conte des contes » se sont déployés sous nos yeux enchantés. L’entendre parler de son art, mais surtout de la philosophie de la vie qui le sous-tend, est un moment exceptionnel, à partager !

Son amour pour le Japon est né de la lecture d’un livre du poète Bashô découvert par hasard dans une librairie. La recherche de vérité et de simplicité qui fonde les poèmes courts japonais résume parfaitement sa conception de l’art,  » un sujet très simple peut devenir quelque chose de grand » nous dit-il ! Il prolonge par cette phrase  » le niveau de l’art ne dépend pas de l’échelle de l’évènement qui est représenté ». Son « hérisson dans le brouillard » est une magnifique illustration de cette idée.

Le hérisson dans le brouillard de Youri Norstein

Et lorsqu’il évoque des sujets graves comme la guerre, c’est par des détours percutants. Le départ à la guerre des hommes lors du bal populaire dans « le conte des contes » me touche particulièrement, c’est le bonheur au quotidien qui est anéanti au son de l’accordéon.

Le conte des contes de Youri Norstein

A la question « quels conseils donneriez vous à un enfant à l’aube de sa vie », Norstein a répondu « sois gai, drôle et attentif ». Attentif à la nature notamment ; que l’enfant ait conscience qu’une feuille d’arbre est vivante, que cet arbre est enraciné dans la terre et qu’il joue avec cette terre nourricière à se salir les mains ! Attentif aussi à « la musique de la parole, de la littérature ». Les textes de Gogol l’ont accompagné dès son enfance, il a choisi nous dit-il « d’être en bonne compagnie ». Shakespeare, Proust, Eisenstein, Rembrandt, Vélasquez sont ses compagnons de route.

Réunir l’oeuvre de Kawamoto et de Norstein au cours de ce week-end célèbre la complicité qui a existé entre les deux hommes, entre les deux créateurs. La participation de Norstein à « Jours d’hiver », oeuvre conçue par Kawamoto, en est le point d’orgue. Norstein ouvre cette mosaïque littéraire et visuelle en illustrant ces vers de Bashô :

 » Vers insensés :                                                                                                                   Errant au vent d’automne,                                                                                     ressemblerais-je au poète panier percé ? »

Il lui a fallu plus d’un an de travail pour réaliser quelques minutes du film tant il a été attentif aux moindres détails. « Qu’est-ce que le croisement des cultures ? » se demande -t-il tout au long du projet. Une de ses préoccupations est de trouver la couleur juste qui puisse unir le film. C’est dans les peintures de Roubliov qu’il a trouvé la solution : du doré, du marron, du bleu un peu gris. Et « ça a marché ! C’est ça, le croisement des cultures, la mémoire des choses que l’on a vu auparavant. »

L’icône de la trinité d’Andreï Roubliov, vers 1411

J’ai vu pour la première fois un extrait du « manteau », son adaptation de la nouvelle de Gogol. Vingt minutes muettes d’une grande intensité ! On suit son héros Akakiévitch dans les rues de Saint Pétersbourg puis à son domicile où réchauffé il se prépare à son activité de copiste. Le clair obscur est d’une grande richesse et la mobilité du personnage réalisé en papiers découpés est incroyable. Représenter un pauvre fonctionnaire en train de boire une tasse de thé peut être le sommet de l’art !

Le manteau de Youri Norstein

Youri Norstein a lu « le manteau » à l’âge de 12 ans, il en a écrit le scénario à 40 ans. L’oeuvre reste inachevée pour ses 70 ans, le moins qu’on puisse dire est que « le manteau » est le projet d’une vie. Les aléas liés à la réalisation du film sont nombreux mais à l’instar de Bashô qui lutte contre le vent dans « Jours d’hiver », Norstein n’a pas peur  d’affronter les difficultés et ne renonce pas. Son ami Kawamoto avait lancé une souscription publique pour terminer le financement de son oeuvre ultime « le livre du mort ». Je suis prête à parier que les donateurs seraient nombreux pour aider Norstein à terminer le financement de la réalisation du « manteau » !

6 réflexions au sujet de « Youri Norstein au Forum des Images »

    • Merci pour votre lecture attentive. J’ai effectivement fait une erreur, je voulais parler du film de Kihachiro Kawamoto « Le Livre du mort » réalisé en 2005. Je corrige de suite et vais découvrir le travail d’Alain Escalle…
      Cordialement

  1. Merci! En anglais cela sera mieux que rien.
    C’est plutôt rare (en tout cas autour de moi) les personnes qui connaissent Youri Norstein et Kihachiro Kawamoto, je suis un passionné d’animation de tous les genres. Si jamais vous avez des suggestions, je les prendrai avec plaisir. Si j’ai le temps d’ailleurs cette année je ferai quelques festivals. Il y avait bien l’étrange festival, mais malheureusement je n’aurais pas le temps d’y aller…

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